Ce variant est-il plus contagieux ?
Si l’Inde connaît à présent une flambée épidémique qui l’a hissée à la triste place du deuxième pays le plus touché par la pandémie après le Brésil, le rôle qu’y joue le variant B.1.617 n’est pas clair. Des facteurs comportementaux (grands rassemblements, relâchement des mesures barrières) et une pénurie de vaccins – ou la combinaison de tous ces facteurs – peuvent aussi être en cause.
De plus, ce variant ne semble pas être, pour l’instant, le plus répandu dans le pays, car bien qu’il soit majoritaire (70 %) dans les génomes soumis par l’Inde au Gisaid, il s’agissait de prélèvements provenant surtout du Maharashtra et du Bengale-Occidental, à ce jour les deux États les plus touchés par ce variant. Au niveau national, sa prévalence serait toutefois d’environ 15 %. De plus, sur les quelque 4 millions de cas qui constituent la vague actuelle dans le pays, seulement 1 000 séquençages ont été publiés par l’Inde, qui ne sont donc pas forcément représentatifs.
Le variant indien comporte notamment deux mutations E484Q et L452R sur la protéine Spike. Si cette dernière, présente aussi dans le variant B.1.429 (« californien »), est associée à une plus faible neutralisation du virus par le plasma de sujets convalescents ou par des anticorps monoclonaux, on ne sait que peu de choses sur la première. Celle-ci est en effet différente de la mutation E484K que l’on trouve dans d’autres variants (brésilien [P.1] et sud-africain [B.1.351] en particulier) et qui, elle, est associée à un échappement immunitaire. Enfin, le variant indien n’a pas la mutation N501Y, présente dans les variants britannique, sud-africain et brésilien, qui confère au virus une plus grande transmissibilité.
Par ailleurs, le B.1.617 a en fait été détecté dès l’année dernière, ce qui voudrait dire que, s’il est en cause dans la flambée épidémique actuelle, il aura pris plusieurs mois à s’imposer, contrairement au B.1.1.7 qui, en quelques semaines, avait provoqué une vague considérable au Royaume-Uni. Certains spécialistes considèrent donc qu’il est probable qu’il soit moins transmissible que ce dernier.
Mise à jour 11/05 : Depuis le 10 mai, l'OMS classe le B.1.617 comme un « variant préoccupant » : après examen des données disponibles, les chercheurs ont conclu à sa plus grande contagiosité.
Ce variant induirait-il un échappement immunitaire ?
Si une étude américaine portant sur la mutation E484Q suggère qu’elle pourrait être associée à une réduction de la capacité de neutralisation des anticorps issus du plasma de patients Covid convalescents, un essai indien récent publié en preprint donne quant à lui des résultats encourageants.
Les chercheurs ont cultivé dans des cellules Vero des spécimens du variant B.1.617 provenant de 12 individus (symptomatiques et asymptomatiques), et testé in vitro l’efficacité de neutralisation d’anticorps issus d’une part de plasma convalescent et d’autre part de plasma de sujets vaccinés (avec le vaccin indien Covaxin), la comparant à leur efficacité sur le variant britannique B.1.1.7 et le prototype B1 (D614G) qui est désormais le génotype prédominant de la pandémie. L’essai a montré que les anticorps des sujets convalescents aussi bien que ceux des sujets vaccinés gardaient une capacité neutralisante contre le B.1.617, même si elle était diminuée d’un facteur 2 par rapport à celle contre les autres variants testés. Une efficacité à confirmer du point de vue clinique pour ce qui est de ce nouveau vaccin (encore en phase II).
En France, quelles mesures pour lutter contre la circulation de ce variant ?
En ce qui concerne les voyages, depuis le 24 avril, les déplacements vers la France provenant de certains pays (Inde, Brésil, Argentine, Chili, Afrique du Sud, département de Guyane) font l’objet de mesures renforcées :
– avant le départ, le voyageur doit présenter :
. un test RT-PCR négatif réalisé moins de 72 heures avant le voyage et un test antigénique négatif réalisé moins de 48 h avant ;
. ou bien une PCR négative réalisée moins de 36 h avant le voyage.
Ces documents s’accompagnent d’une déclaration sur l’honneur attestant l’absence de symptômes évocateurs de Covid-19 et l’absence de contacts avec des personnes atteintes de la maladie au cours de 14 jours précédents, et d’une déclaration indiquant le motif impérieux du voyage.
– à l’arrivée en France :
. réalisation d’un test antigénique à l’aéroport ;
. respect d’un isolement de 10 jours obligatoire, passible d’amende en cas de non-respect (pouvant donc être contrôlé aléatoirement par la police) ;
. réalisation d’une PCR à J9 conditionnant la sortie de l’isolement.
Au niveau du dépistage, toute personne ayant voyagé en Inde dans les 14 jours précédant le début des symptômes (ou le prélèvement, si asymptomatique) ou ayant eu un contact avec une personne qui y a séjourné fera l’objet d’un renseignement à ce propos sur la base SIDEP (dans le champ « pays de provenance ») par le professionnel effectuant le dépistage.
Ensuite :
– un test RT-PCR est obligatoire, quand bien même la personne se serait présentée pour un test antigénique ;
– le séquençage de tout prélèvement positif est prioritaire et doit être accéléré (à cet effet, les prélèvements sont à adresser à un laboratoire du réseau ANRS-MIE en première intention ; les séquençages font l’objet d’une remontée obligatoire de la séquence et des métadonnées dans la base de données nationale EMERGEN).
Sans attendre les résultats du séquençage, uncontact-tracing renforcé est mis en place (au niveau 2 par les CPAM et au niveau 3 par les ARS) pour tous les cas confirmés de Covid-19 au retour de l’Inde ou ayant été en contact avec des personnes y ayant séjourné ;
Pour l’isolement, les patients peuvent bénéficier d’une visite IDE à domicile ; de plus, les personnes dont la situation le requiert (fort risque de propagation au foyer, pour les sujets vivant en famille par exemple, cohabitation avec une personne à risque…) auront systématiquement une proposition d’offre spécifique d’hébergement via les cellules territoriales d’appui à l’isolement.
LMA, La Revue du Praticien
Pour en savoir plus
Peacock S, Barret J. Expert reaction to cases of variant B.1.617 (the « Indian variant ») being investigated in the UK. Science Media Centre, 19 avril 2021.
Gozlan M. Covid-19 : ce qu’on sait et ce qu’on ignore sur le variant indien. Le Monde - Réalités biomédicales, 22 avril 2021.
DGS. Variant indien B.1.617 : renforcement du dépistage et des mesures aux frontières. 26 avril 2021.