La détection des infections à Sars-CoV-2 à large échelle a contribué à maîtriser l’épidémie dans certains pays, notamment en Allemagne, Autriche, République tchèque, Taïwan ou Corée du Sud, où un taux de positivité d’environ 1,6 % aurait été retrouvé dans la population générale entre janvier et avril 2020.1 En revanche, l’Italie, l’Espagne, la France, le Royaume-Uni et les États-Unis ont eu des difficultés à mettre en œuvre une telle stratégie.2
Qu’en est-il pour les professionnels de santé ? Ils sont en effet particulièrement exposés au risque de contracter le Covid-19, mais aussi de transmettre la maladie aux personnes qu’ils rencontrent, en particulier leurs patients (fragiles ou non) et ce d’autant plus que les mesures de protection individuelle n’étaient pas (ou si peu) disponibles dans la phase ascendante de l’épidémie.
Selon le premier rapport du Center for Disease Control aux États-Unis,3 au 9 avril 2020, 9 282 professionnels de santé américains étaient touchés par le Covid-19 et 27 en sont morts. Ce chiffre est probablement sous-estimé, car la « profession » n’est renseignée que pour 16 % des cas aux États-Unis. En Italie, la FNOMCeO (Federazione Nazionale degli Ordini dei Medici Chirurghi e degli Odontoiatri) a recensé le 10 avril 2020 le décès de plus de 100 médecins et de 30 infirmières.4 Les autorités sanitaires italiennes (Istituto Superiore di Sanità) estiment que 10 % des malades sont des professionnels de santé. En France, ils seraient 25 337 à avoir été touchés selon le GERES.
Dans ce contexte, disposer aisément d’un moyen de dépistage de l’infection par le Sars-CoV-2 était essentiel. Pour autant, l’accès au diagnostic était initialement limité aux patients les plus gravement atteints et au personnel hospitalier essentiellement, en raison de la faible disponibilité de réactifs mais également de leur « consignes d’utilisation »…
Qu’en est-il pour les professionnels de santé ? Ils sont en effet particulièrement exposés au risque de contracter le Covid-19, mais aussi de transmettre la maladie aux personnes qu’ils rencontrent, en particulier leurs patients (fragiles ou non) et ce d’autant plus que les mesures de protection individuelle n’étaient pas (ou si peu) disponibles dans la phase ascendante de l’épidémie.
Selon le premier rapport du Center for Disease Control aux États-Unis,3 au 9 avril 2020, 9 282 professionnels de santé américains étaient touchés par le Covid-19 et 27 en sont morts. Ce chiffre est probablement sous-estimé, car la « profession » n’est renseignée que pour 16 % des cas aux États-Unis. En Italie, la FNOMCeO (Federazione Nazionale degli Ordini dei Medici Chirurghi e degli Odontoiatri) a recensé le 10 avril 2020 le décès de plus de 100 médecins et de 30 infirmières.4 Les autorités sanitaires italiennes (Istituto Superiore di Sanità) estiment que 10 % des malades sont des professionnels de santé. En France, ils seraient 25 337 à avoir été touchés selon le GERES.
Dans ce contexte, disposer aisément d’un moyen de dépistage de l’infection par le Sars-CoV-2 était essentiel. Pour autant, l’accès au diagnostic était initialement limité aux patients les plus gravement atteints et au personnel hospitalier essentiellement, en raison de la faible disponibilité de réactifs mais également de leur « consignes d’utilisation »…
Une initiative du terrain
Nous avons ouvert, entre le 27 mars et le 30 avril 2020, un centre de dépistage temporaire (par PCR nasopharyngée) sous la forme d’un drive in Covid-19. Mis en place à la mairie du 17e arrondissement de Paris avec l’appui du maire, le centre de dépistage des professionnels de santé parisiens (CDPSP) a été organisé grâce à la mobilisation du Réseau bronchiolite Île-de-France, de la Communauté professionnelle territoriale de santé Paris 17 (en cours de constitution) et de plusieurs laboratoires de biologie médicale volontaires. Ce dispositif a reçu également le soutien du Conseil départemental de la ville de Paris, de l’Ordre des médecins et celui de l’ARS Île-de-France.
Notre volonté a été de tester, et ce, à tous les stades de la maladie (asymptomatiques ou présymptomatiques compris).5, 6 Il est évidemment crucial de dépister et de participer aux actes de vigilance sanitaire en vue de protéger la santé du plus grand nombre.7
La gestion des prélèvements biologiques a été faite selon le protocole fixé par la Société française de microbiologie.8
Notre volonté a été de tester, et ce, à tous les stades de la maladie (asymptomatiques ou présymptomatiques compris).5, 6 Il est évidemment crucial de dépister et de participer aux actes de vigilance sanitaire en vue de protéger la santé du plus grand nombre.7
La gestion des prélèvements biologiques a été faite selon le protocole fixé par la Société française de microbiologie.8
Dépistage en 3 temps
La mairie du 17e arrondissement dispose d’une aire de parking avec une entrée et une sortie indépendantes, au 18-20 rue des Batignolles. Les avantages sont nombreux : espace non confiné, pas besoin de salle d’attente (ce qui limite la contamination virale), fonction barrière de la voiture protégeant les personnes chargées de l’accueil, les médecins prescripteurs des examens ainsi que les biologistes préleveurs.
Les modalités d’accès étaient relativement simples. Après prise de rendez-vous sur Doctolib9 (via un numéro RPPS), la personne recevait un SMS rappelant l’horaire et l’adresse du centre. Une fois sur place, le dépistage s’articulait en trois phases. Une première étape d’accueil (identito-vigilance, information et orientation) était assurée par des masseurs-kinésithérapeutes.
Puis une seconde phase médicale était la consultation suivie de la rédaction d’une ordonnance nécessaire pour la pratique du test et sa prise en charge par l’Assurance maladie.
Enfin, le prélèvement nasopharyngé était pratiqué par le ou les biologistes.
La collecte des données et des échantillons biologiquesa respecté les règles de bonnes pratiques. La personne testée a pu rester dans son véhicule tout au long du circuit. Avant de repartir, elle était informée sur les modalités de restitution des résultats par le laboratoire d’analyse via une démarche sécurisée. Ceux-ci ont été rendus entre 2 et 4 jours selon, notamment, la disponibilité des réactifs et des automates de tests.
Au total, près de 65 professionnels de santé (34 kinésithérapeutes, 1 infirmière, 19 médecins et 10 pharmaciens biologistes) se sont relayés entre le 27 mars et le 30 avril 2020 du lundi au vendredi (deux vacations par jour, entre 9 h et 17 h). La protection de tous les membres de l’équipe du CDPSP a été une priorité pendant les 4 semaines de fonctionnement, malgré la difficulté d’acheminer régulièrement tous les équipements nécessaires (masques FFP2, surblouses, gants, visières et/ou lunettes de protection).
Tout professionnel de santé qui le souhaitait a pu s’y faire dépister : médecins, infirmières, kinés, pharmaciens, chirurgiens, dentistes, sages-femmes, podologues, orthoptistes, orthophonistes. Ont été également reçus hors rendez-vous : les personnels des Ehpad, des instituts médico-éducatifs, les ambulanciers, quelques sapeurs-pompiers, militaires de l’opération Sentinelle et fonctionnaires de police.
Les modalités d’accès étaient relativement simples. Après prise de rendez-vous sur Doctolib9 (via un numéro RPPS), la personne recevait un SMS rappelant l’horaire et l’adresse du centre. Une fois sur place, le dépistage s’articulait en trois phases. Une première étape d’accueil (identito-vigilance, information et orientation) était assurée par des masseurs-kinésithérapeutes.
Puis une seconde phase médicale était la consultation suivie de la rédaction d’une ordonnance nécessaire pour la pratique du test et sa prise en charge par l’Assurance maladie.
Enfin, le prélèvement nasopharyngé était pratiqué par le ou les biologistes.
La collecte des données et des échantillons biologiquesa respecté les règles de bonnes pratiques. La personne testée a pu rester dans son véhicule tout au long du circuit. Avant de repartir, elle était informée sur les modalités de restitution des résultats par le laboratoire d’analyse via une démarche sécurisée. Ceux-ci ont été rendus entre 2 et 4 jours selon, notamment, la disponibilité des réactifs et des automates de tests.
Au total, près de 65 professionnels de santé (34 kinésithérapeutes, 1 infirmière, 19 médecins et 10 pharmaciens biologistes) se sont relayés entre le 27 mars et le 30 avril 2020 du lundi au vendredi (deux vacations par jour, entre 9 h et 17 h). La protection de tous les membres de l’équipe du CDPSP a été une priorité pendant les 4 semaines de fonctionnement, malgré la difficulté d’acheminer régulièrement tous les équipements nécessaires (masques FFP2, surblouses, gants, visières et/ou lunettes de protection).
Tout professionnel de santé qui le souhaitait a pu s’y faire dépister : médecins, infirmières, kinés, pharmaciens, chirurgiens, dentistes, sages-femmes, podologues, orthoptistes, orthophonistes. Ont été également reçus hors rendez-vous : les personnels des Ehpad, des instituts médico-éducatifs, les ambulanciers, quelques sapeurs-pompiers, militaires de l’opération Sentinelle et fonctionnaires de police.
Une activité superposable à la dynamique épidémique
Le nombre de professionnels testés était de 1 633 en date du 25 avril 2020. Le pourcentage de personnes positives a été en moyenne de 11,5 % (extrêmes : 4,8 %- 23 %). L’activité du centre a été maximale début avril, ce qui correspond probablement au pic épidémique mesuré en Île-de-France.
Et après ?
Chacune des personnes testées a rempli une fiche. La cohorte est suivie au sein d’un projet de recherche. Au total, 480 patients ont été recontactés au cours du mois de mai pour recueillir des informations complémentaires : état de santé, circonstances de leur infection, utilisation de mesures ou d’équipements de prévention, évolution clinique. Un test sérologique plasmatique de type ELISA pourra être proposé, à visée séro-épidémiologique. L’étude est actuellement en cours et ce jusqu’au 30 juin 2020.
L’analyse des observations permettra de mieux documenter l’exposition des professionnels de santé de premier recours au Covid-19, leur prise en charge et leur évolution clinique et virologique. Grâce au croisement des données épidémiologiques et biologiques, on pourra tirer des enseignements pour, à l’avenir, mieux les protéger et étudier l’intérêt de la mise en place de ce type de dispositif.
L’analyse des observations permettra de mieux documenter l’exposition des professionnels de santé de premier recours au Covid-19, leur prise en charge et leur évolution clinique et virologique. Grâce au croisement des données épidémiologiques et biologiques, on pourra tirer des enseignements pour, à l’avenir, mieux les protéger et étudier l’intérêt de la mise en place de ce type de dispositif.
Quelle évaluation ?
Au-delà d’un chiffre d’activité très conséquent sur une période aussi courte, en l’absence de toute comparaison possible avec une expérimentation du même type, il faut prendre en compte 3 dimensions : pertinence, faisabilité, acceptabilité.
La pertinence ne fait pas de doute. Indéniablement, les professionnels de santé payent un lourd tribut à l’épidémie de Covid-19, non seulement par l’exposition aux patients symptomatiques, mais aussi lors des soins courants, le portage asymptomatique du virus étant quasiment confirmé.
Concernant la faisabilité, la mobilisation de professionnels déjà engagés au sein d’un réseau déployé lors des épidémies de bronchiolite en Île-de-France a pu être activée très rapidement (moins de 1 semaine). La mise en relation facilitée par la proximité des intervenants a permis de mettre au point cette opération innovante et fonctionnelle en moins de 10 jours. Nul doute qu’en cas de nouvelle urgence sanitaire, il est possible de remettre en marche une telle task force de proximité.
En termes d’acceptabilité, les soignants ont pu obtenir à travers le service proposé des réponses claires et pratiques : suis-je ou non porteur du virus ? Quelles mesures dois-je adopter pour moi-même, mon entourage, mes patients ?
Quant aux protagonistes, eux-mêmes professionnels de santé, la solidarité entre « pairs » a joué pleinement son rôle dans leur mobilisation. Enfin, l’organisation proposée a permis de répartir les contraintes en prévoyant une rotation des ressources en fonction des disponibilités, et de les ajuster en temps réel en fonction de la demande.
La pertinence ne fait pas de doute. Indéniablement, les professionnels de santé payent un lourd tribut à l’épidémie de Covid-19, non seulement par l’exposition aux patients symptomatiques, mais aussi lors des soins courants, le portage asymptomatique du virus étant quasiment confirmé.
Concernant la faisabilité, la mobilisation de professionnels déjà engagés au sein d’un réseau déployé lors des épidémies de bronchiolite en Île-de-France a pu être activée très rapidement (moins de 1 semaine). La mise en relation facilitée par la proximité des intervenants a permis de mettre au point cette opération innovante et fonctionnelle en moins de 10 jours. Nul doute qu’en cas de nouvelle urgence sanitaire, il est possible de remettre en marche une telle task force de proximité.
En termes d’acceptabilité, les soignants ont pu obtenir à travers le service proposé des réponses claires et pratiques : suis-je ou non porteur du virus ? Quelles mesures dois-je adopter pour moi-même, mon entourage, mes patients ?
Quant aux protagonistes, eux-mêmes professionnels de santé, la solidarité entre « pairs » a joué pleinement son rôle dans leur mobilisation. Enfin, l’organisation proposée a permis de répartir les contraintes en prévoyant une rotation des ressources en fonction des disponibilités, et de les ajuster en temps réel en fonction de la demande.
Références
1. Coronavirus Disease-19, Republic of Korea.
https://bit.ly/2Utik7J
2. Moatti JP. The French response to COVID-19: intrinsic difficulties at the interface of science, public health, and policy. The Lancet Public Health 2020;5:E255. https://bit.ly/30q6zTe
3. CDC. COVID-19 Response Team. Characteristics of Health Care Personnel with COVID-19 - United States, February 12-April 9, 2020. MMWR Morb Mortal Wkly Rep 2020;69:477-81.
4. Italy says number of doctors killed by coronavirus passes 100. France 24. https://bit.ly/30rlRr8
5. Kimball A, Hatfield KM, Arons M, et al. Asymptomatic and presymptomatic SARS-CoV-2 infections in residents of a long-term care skilled nursing facility-King County, Washington, March 2020. MMWR Morb Mortal Wkly Rep 2020;69:377-81.
6. Wei WE, Li Z, Chiew CJ, Yong SE, Toh MP, Lee VJ. Presymptomatic transmission of SARS-CoV-2-Singapore, January 23-March 16, 2020. MMWR Morb Mortal Wkly Rep 2020;69:411-5.
7. Code de la santé publique. Art. R4127-12.
8. SFM. Fiche : Gestion des prélèvements biologiques d’un patient suspect ou confirmé de COVID-19. Version 5, 6 avril 2020. https://bit.ly/37jh6RU
9. Doctolib. Centre de dépistage des professionnels de santé parisiens (CDPSP). https://bit.ly/30r7C5w
10. Xi He, Lau EHY, Wu P, et al. Temporal dynamics in viral shedding and transmissibility of COVID-19. Nat Med 2020;26:672-5.
https://bit.ly/2Utik7J
2. Moatti JP. The French response to COVID-19: intrinsic difficulties at the interface of science, public health, and policy. The Lancet Public Health 2020;5:E255. https://bit.ly/30q6zTe
3. CDC. COVID-19 Response Team. Characteristics of Health Care Personnel with COVID-19 - United States, February 12-April 9, 2020. MMWR Morb Mortal Wkly Rep 2020;69:477-81.
4. Italy says number of doctors killed by coronavirus passes 100. France 24. https://bit.ly/30rlRr8
5. Kimball A, Hatfield KM, Arons M, et al. Asymptomatic and presymptomatic SARS-CoV-2 infections in residents of a long-term care skilled nursing facility-King County, Washington, March 2020. MMWR Morb Mortal Wkly Rep 2020;69:377-81.
6. Wei WE, Li Z, Chiew CJ, Yong SE, Toh MP, Lee VJ. Presymptomatic transmission of SARS-CoV-2-Singapore, January 23-March 16, 2020. MMWR Morb Mortal Wkly Rep 2020;69:411-5.
7. Code de la santé publique. Art. R4127-12.
8. SFM. Fiche : Gestion des prélèvements biologiques d’un patient suspect ou confirmé de COVID-19. Version 5, 6 avril 2020. https://bit.ly/37jh6RU
9. Doctolib. Centre de dépistage des professionnels de santé parisiens (CDPSP). https://bit.ly/30r7C5w
10. Xi He, Lau EHY, Wu P, et al. Temporal dynamics in viral shedding and transmissibility of COVID-19. Nat Med 2020;26:672-5.