La marche d’une pandémie nouvelle est peu prévisible. Nous pensions, en juin, que l’été serait calme en France sur le front du Covid, mais la capacité du variant Delta à se propager à une vitesse foudroyante dans une population insuffisamment vaccinée nous a donné des sueurs froides, comme l’a tristement montré la situation antillaise. L’instauration du pass sanitaire à la mi-juillet a limité (provisoirement ?) les dégâts en cassant la vague qui s’annonçait en métropole. En deux mois, le nombre des personnes ayant reçu au moins une injection a augmenté de plus de 13 millions (pour atteindre, le 13 septembre, 73,7 % de la population) et celui des sujets complètement vaccinés de plus de 18 millions (soit 69,4 % de la population), ce qui prouve qu’il ne faut pas confondre inertie et opposition vaccinales. Toutefois, la baisse de la protection vaccinale avec le temps, la menace liée à l’émergence de nouveaux variants là où la vaccination est encore balbutiante, sans compter l’impact de la propagande des antivaccins, rendent illusoire la stratégie zéro Covid ou celle d’obtenir une immunité collective. Peut-être atteindrons-nous un jour un état d’équilibre avec un virus qui continuera à circuler à bas bruit dans la population non vaccinée mais aura moins de conséquences graves pour la masse de ceux qui auront déjà été contaminés et/ou vaccinés. Un scénario de type grippal qui verra le Sars-CoV-2 rejoindre les autres Coronavirus qui nous infectent déjà, probablement depuis longtemps, et auxquels nous nous sommes peu ou prou habitués.
Mais en attendant, la leçon est rude. Ce n’est pas parce que scientifiques et médecins alertent depuis quarante ans sur le risque pandémique que nous avons pu anticiper la situation actuelle. Qu’en sera-t-il quand les enfants des enfants d’aujourd’hui seront confrontés aux bouleversements climatiques majeurs dont nous voyons les prémices avec la succession des désastres qui nous affligent déjà ? Plus de 200 revues scientifiques lancent un « appel à une action d’urgence pour limiter l’augmentation de la température mondiale, restaurer la biodiversité et protéger la santé », lequel, pointant l’immense menace que représente l’inaction des gouvernants à restaurer l’environnement et à maintenir la hausse de la température mondiale en dessous de 1,5 °C, les presse, sans attendre l’issue de la crise sanitaire, à agir pour le climat avec les mêmes financements colossaux.1 Même l’Agence internationale de l’énergie, initialement créée pour défendre les intérêts des pétroliers et réputée sensible à leurs pressions, vient de publier un rapport explosif, dans lequel elle estime que, si l’on veut parvenir à la neutralité carbone en 2050 et contenir le réchauffement climatique, il faut cesser dès maintenant tout investissement dans de nouvelles installations pétrolières et gazières !2 Il n’est que de lire aussi le dossier que nous publions ici sur les perturbateurs endocriniens pour prendre conscience des risques que font peser, entre autres, sur notre santé l’océan de plastique dans lequel nous nageons ou les pesticides que nous utilisons massivement et dont les mécanismes d’action n’ont pas de spécificité d’espèce.3
La prise de conscience semble générale. Les moyens d’agir existent. Il reste aux politiques à prendre des décisions qu’ils n’ont pas envie de prendre et à échapper au poids de lobbys de toute nature, sans compter désormais avec le poids croissant de la vérité alternative dont on a vu le succès à ralentir la vaccination contre le Covid ou à nier, sous la présidence Trump, la réalité du réchauffement climatique… Mission impossible ? 

1. Atwoli L, Baqui AH, Benfield T, Bosurgi R, Godlee F, Hancocks S, et al. Call for emergency action to limit global temperature increases, restore biodiversity, and protect health. BMJ 2021;374:n1734. Doi: 10.1136/bmj.n1734.
2. Neutralité carbone : le virage « historique » de l’AIE. Le Monde 20-21 juin 2021.
3. Dossier « Perturbateurs endocriniens », sous la direction de Robert Barouki. Rev Prat 2021;71(7):721-52.