Alors que le SARS-CoV-2 continue de se propager, et que les mesures de freinage ont l’objectif d’éviter la saturation du système hospitalier français, il est important de connaître le profil et le devenir des patients à l’hôpital (admission en soins critiques, décès) et leur évolution depuis le début de la pandémie. L’analyse des données de surveillance nationale sur 9 mois révèle des variations importantes selon le stade de l’épidémie.

 

Les chercheurs de l’unité « Modélisations mathématiques des maladies infectieuses » de l’Institut Pasteur et de l’université de Cambridge ont développé un modèle probabiliste permettant d’analyser les trajectoires détaillées de patients à partir de 198 846 hospitalisations par Covid en France au cours des 9 premiers mois de la pandémie, de mars à novembre 2020. Cette période inclut donc 2 grandes vagues épidémiques.

Dans ces travaux publiés le 21 mars 2021 dans le Lancet Regional Health Europe, les auteurs ont analysé les variations d’âge et de sexe des patients au cours du temps, et ont exploré l’évolution des probabilités d’admission en soins critiques, de décès, ainsi que les changements des durées de séjour à l’hôpital.

Quelles sont leurs conclusions ?

Les chercheurs ont noté des changements importants dans l’âge et le sexe des patients hospitalisés au cours de la période étudiée. En particulier, la proportion de patients hospitalisés âgés de plus de 80 ans a varié de 48 % au pic de la première vague à 27 % durant l’été 2020. Concernant les patients de moins de 40 ans : la proportion était de 8 % au début de l’épidémie, de 17 % durant l’été et de 6 % à la fin de novembre. La proportion de femmes parmi les patients hospitalisés a varié de 45 % à 53 %, puis était de 48 % début novembre.

Par ailleurs, les trajectoires des patients hospitalisés ont connu des variations importantes durant la pandémie. La probabilité que ceux-ci soient admis en soins critiques a chuté de 25,4 % (24,4 % – 26,4 %) en mars à 12,6 % (11,6 % – 13,6 %) en juin, parallèlement à la diminution du nombre de cas, avant de remonter à 19,3 % (18,9 % – 19,7 %) au cours de la deuxième vague.

La probabilité globale de décès a suivi une trajectoire similaire, passant de 24,9 % (24,0 % – 25,9 %) à 10,0 % (8,7 % – 11,3 %) pendant l’été. Elle a ensuite a augmenté à nouveau au cours de la deuxième vague (pour toutes les tranches d’âge, sauf chez les patients de moins de 60 ans), pour atteindre 18,6 % (18,1 % – 19,0 %). Ces dynamiques sont similaires pour les hommes et les femmes.

Selon Noémie Lefrancq, doctorante au sein du département de génétique à l’université de Cambridge et première auteure de l’étude : « Les raisons de ces variations concernant la mortalité des patients depuis le début de la pandémie restent incertaines. Cependant, elles pourraient être expliquées par une combinaison de changements : les comportements de recours aux soins des patients, l’évolution des tensions subies par les établissements de santé, ainsi qu’une meilleure prise en charge car les médecins en savent aujourd’hui plus sur la maladie. »

En effet, cette baisse drastique (d’environ 50 %) de la probabilité d’être admis en soins critiques et de décès entre la première vague et l’été peut être au moins en partie expliquée par une meilleure prise en charge hospitalière (oxygénothérapie, traitements anti-inflammatoires efficaces). Cependant, le fait que cette tendance à la baisse soit partiellement inversée lorsque le nombre de cas positifs augmente suggère que, pendant la période entre les 2 pics, l’état des patients hospitalisés était moins grave. La probabilité globale de décès à l’hôpital reste toutefois plus faible en novembre par rapport au début de la pandémie (18,6 % vs 24,9 %).

Le délai entre l’admission et la sortie de l’hôpital était stable au cours du temps.

Enfin, les chercheurs ont considéré le taux d’occupation en soins critiques comme un indicateur de la tension hospitalière. Ils ont retrouvé une corrélation positive entre le taux d’occupation et la mortalité hors soins intensifs mais pas de corrélation significative avec la mortalité globale.

Bien que dans ce modèle ne soient analysés ni les profils de comorbidités des patients ni les possibles disparités régionales (en termes de prise en charge et de traitements), « ces variations importantes dans les probabilités d’admission en soins critiques et de décès doivent être prises en compte dans les efforts de planification des besoins en soins hospitaliers », explique Simon Cauchemez, responsable de l’unité « Modélisations mathématiques des maladies infectieuses » de l’Institut Pasteur et dernier auteur de l’étude.

 

 

Cinzia Nobile, La Revue du Praticien

Pour en savoir plus

Lefrancq N, Paireau J, Hozé N, et al. Evolution of outcomes for patients hopistalised during the first 9 months of the SARS-CoV-2 pandemic in France: A retrospective national surveillance data analysis. The Lancet Regional Health 2021.100087.

Lefrancq N, Paireau J, Hozé N, et al. Évolution du devenir des patients hospitalisés au cours de 9 premiers mois de la pandémie de SARS-CoV-2 en France : analyse rétrospective des données de surveillance nationale. Institut Pasteur, 22 mars 2021.

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