En octobre 2020, ces mêmes équipes avaient déjà publié deux études, que nous avions synthétisées, avançant une explication génétique pour 10 à 15 % des formes sévères de Covid-19, par deux mécanismes distincts. Il s’agissait, d’une part, d’anomalies génétiques résultant dans un défaut de production des interférons (IFN) de type 1 (cytokines qui constituent la première ligne de défense contre les infections virales), retrouvées chez 3,5 % des 700 patients inclus atteints d’une forme grave. D’autre part, des taux élevés d’auto-anticorps contre les IFN de type 1 ont été retrouvés chez plus de 10 % des patients ayant une forme critique de Covid-19 (987 sujets hospitalisés étudiés), absents chez ceux ayant une forme bénigne (663 personnes incluses), alors que leur prévalence est 15 fois inférieure en population générale ; 95 % des malades qui avaient des taux élevés d’anticorps étaient des hommes, suggérant que la production de ces derniers pourrait être liée aux chromosomes sexuels.
Deux nouvelles recherches viennent aujourd’hui s’ajouter à ces données, identifiant d’autres mécanismes, toujours dans la voie des IFN de type 1.
Tout d’abord, partant du constat que les formes graves touchent surtout les hommes, les chercheurs ont scruté les chromosomes sexuels de 1 202 patients (hommes) ayant développé une forme sévère de Covid, et ceux d’un groupe contrôle n’ayant développé que des formes asymptomatiques ou légères. Résultat : 1,1 % des patients avaient des variants du gène TLR7 (impliqué dans la production d’IFN 1) entraînant une perte de fonction, donc un déficit d’IFN 1. Si globalement 1,3 % des formes graves de Covid-19 s’expliqueraient par ce type d’anomalies génétiques chez les hommes, ce déficit serait plus fréquent (1,8 %) chez les malades de moins de 60 ans…
Ensuite, la deuxième étude a prolongé les recherches concernant les auto-anticorps contre les IFN 1 (qui bloquent leur effet inhibiteur de la réplication virale). En 2020, les auteurs avaient expliqué 10 % des formes graves par des taux très élevés de ces auto-anticorps ; mais, abaissant le seuil à des taux jusqu’à 100 fois moins élevés, ils ont constaté que des auto-anticorps capables de bloquer de faibles concentrations d’IFN 1 conduisent aussi à des pneumopathies sévères. Ils ont donc revu à la hausse le pourcentage initial : 15 à 20 % des formes sévères seraient ainsi en lien avec la présence de ces auto-anticorps.
Or, en comparant plus de 34 000 individus sains, classés par sexe et tranche d’âge, les auteurs ont découvert que la présence d’auto-anticorps dirigés contre les IFN 1 est très rare avant 65 ans (0,2 à 0,5 %) ; elle augmente ensuite exponentiellement avec l’âge, atteignant 4 % entre 70 et 79 ans et 7 % entre 80 et 85 ans. Ceci pourrait expliquer, au moins en partie, pourquoi l’âge est le principal facteur de risque de Covid grave…
Ces résultats ouvrent des perspectives thérapeutiques : la détection des auto-anticorps dirigés contre les IFN de type 1 pourrait être un marqueur du risque de développer une forme critique de Covid ; les sujets concernés pourraient bénéficier, en cas d’infection, d’un traitement capable d’éliminer les auto-anticorps ou les cellules qui les produisent.
LMA, La Revue du Praticien
Pour en savoir plus :
Inserm. Un quart des formes sévères de Covid-19 s’expliquent par une anomalie génétique ou immunologique. 20 août 2021.
Nobile C. Covid : une explication génétique pour 15 % des formes graves.Rev Prat (en ligne) septembre 2020.