Si le lien entre un cancer et le risque de faire une forme grave de Covid est amplement établi, une hospitalisation pour Covid est-elle associée à un diagnostic ultérieur de cancer ? Selon une étude menée par Épi-Phare et publiée dans Nature, un Covid sévère pourrait être un marqueur de certains types de tumeurs…

Cette étude, fondée sur les données de santé de toute la population française, a exploré le lien entre un épisode sévère de Covid, ayant donné lieu à une hospitalisation, et la probabilité d’avoir un diagnostic de cancer dans le mois suivant. Il s’agit d’une étude d’Épi-Phare menée conjointement avec l’Institut de santé globale de Genève et l’Université de Genève.

Un risque de cancer accru de 30 % chez les hospitalisés pour Covid

Sur la période allant de février 2020 à août 2021, 41 302 sujets hospitalisés en soins intensifs pour Covid ont été identifiés grâce au Système national des données de santé (SNDS). Ils ont été comparés à 713 670 sujets contrôle non hospitalisés pour Covid, appariés selon l’âge, le sexe et le lieu de résidence. Les participants, pour 67 % des hommes, étaient âgés de 16 ans et plus (âge moyen : 60 ans) et n’avaient pas d’antécédent de cancer sur les 5 années précédentes.

L’incidence de divers cancers a été comparée dans ces deux groupes, sur une durée de minimum 4 mois suivant l’admission à l’hôpital (la durée médiane de suivi était de 327 jours pour le groupe des hospitalisés et 340 pour le groupe contrôle). Au total, 2,2 % des personnes du groupe hospitalisé ont eu un diagnostic de cancer sur cette période, contre 1,5 % des contrôles (âge moyen au diagnostic : 68 ans). Le diagnostic est survenu dans un délai médian de 168 jours et 200 jours respectivement.

Ainsi, après ajustement pour des facteurs confondants (comorbidités, traitements immunosuppresseurs, vaccination contre le SARS-CoV-2…), l’hospitalisation en soins intensifs pour Covid était associée à un risque accru de 31 % d’avoir un diagnostic de cancer dans les mois suivants (aHR = 1,31 ; IC95 % : 1,22-1,41). Il demeurait, mais à un degré moindre (sur-risque de 17 %), lorsque le suivi était uniquement pris en compte après la sortie de l’hôpital – ce qui permet de minimiser le biais de détection potentiel associé au groupe de patients hospitalisés, soumis à davantage d’examens que les sujets contrôle pendant la période d’hospitalisation.

Par ailleurs, ce risque était plus important durant les 3 premiers mois de suivi (aHR = 1,65 ; IC95 % : 1,45-1,88). Enfin, l’association était plus forte chez les femmes (aHR = 1,69 ; IC95 % : 1,48-1,93) et chez les personnes de moins de 60 ans (aHR = 1,78 ; IC95 % : 1,52-2,09).

Enfin, en analysant par types de cancer, il apparaissait que le risque était particulièrement élevé pour les cancers du rein, hématologiques, du côlon et du poumon (il était multiplié respectivement par 3,16, 2,54, 1,72 et 1,70 dans le groupe hospitalisé par rapport au contrôle).

Comment l’interpréter ?

Si ces résultats n’établissent pas un lien de causalité entre une hospitalisation pour Covid et la survenue d’un cancer, ils indiquent qu’un Covid sévère peut constituer un marqueur potentiel d’un cancer non encore diagnostiqué. En effet, l’hospitalisation pour Covid pourrait être un marqueur – voire le résultat – d’une immunodépression sous-jacente, qui peut être à son tour associée à la survenue d’un cancer.

Concernant les types de cancer pour lesquels l’association observée est plus forte : si le lien entre les cancers hématologiques et un état d’immunodépression est plus intuitif et peut potentiellement expliquer cette association, il est plus difficile à comprendre pour les cancers du rein et du poumon. Toutefois, des études récentes ont aussi trouvé un lien entre des dysfonctions immunes et ces types de cancer : cette hypothèse pourrait donc aussi expliquer les résultats pour ces cancers.

Enfin, s’il serait prématuré de conclure qu’un dépistage systématique de certains cancers doit être fait chez ces patients, ces résultats invitent tout de même à une surveillance accrue, notamment dans les 3 premiers mois suivant l’hospitalisation pour Covid.

Pour en savoir plus
Dugerdil A, Semenzato L, Weill A, et al. Severe SARS-CoV-2 infection as a marker of undiagnosed cancer: a population-based study.  Scientific Reports 2023;13:8729.

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