Si, jusqu’à fin janvier, une primovaccination plus un rappel étaient nécessaires pour obtenir le passe vaccinal, aujourd’hui le ministère a changé les règles : une infection Covid vaut une 3e dose de vaccin. Argument de campagne électorale ou avancée scientifique ? Des études récentes semblent suggérer qu’une « immunité mixte » serait particulièrement puissante…

Des études précédentes avaient déjà observé que les personnes ayant eu une histoire d’infection par le SARS-CoV-2 avant d’être vaccinées avaient des niveaux d’anticorps et une capacité à neutraliser différents variants supérieurs à ceux des sujets « naïfs » avant la vaccination. Aujourd’hui, de nouvelles données suggèrent par ailleurs que les infections qui surviennent après la vaccination confèrent également une meilleure protection contre une infection ultérieure, par rapport à la vaccination seule, et ce contre plusieurs variants.

Cette immunité dite « hybride » a été étudiée par une équipe américaine sur une centaine de professionnels de santé divisés en 3 groupes : 31 sujets qui environ 5 mois après 2 doses de vaccin avaient eu un épisode Covid ; 31 sujets vaccinés (la plupart avec 2 doses) environ 10 mois après un Covid ; 42 ayant reçu 2 doses, sans histoire d’infection, ni avant ni après vaccination. La quasi-totalité ont été vaccinés avec Comirnaty (Pfizer).

Leurs résultats, publiés récemment dans Science Immunology, ont révélé des niveaux supérieurs d’anticorps neutralisants dans les 2 premiers groupes (infection + vaccination ou l’inverse)par rapport aux vaccinés. L’activité neutralisante était supérieure aussi bien contre la souche « historique » du virus que contre les variants alpha, bêta et delta, mais le variant omicron n’a pas été inclus dans l’analyse.

Une autre étude, publiée dans Cell, a examiné également l’immunité hybride face à omicron. Les auteurs ont constitué 3 groupes d’une quinzaine de personnes : 1 groupe vaccination + infection (en majorité par delta mais aussi par omicron) ; 1 groupe infection (datant d’avant septembre 2020, probablement souche historique) + vaccination ; 1 groupe vaccination seule (vaccins à ARNm). Dans chacun des groupes infection + vaccination et vaccination seule, 8 sujets ont ensuite reçu une 3e dose.

Le sérum des sujets à l’immunité hybride – infectés avant ou après vaccination – avaient une activité neutralisante plus puissante et durable (suivie sur 6 mois), y compris face à omicron, que celui des personnes ayant seulement une histoire d’infection (sérum collecté avant vaccination) ou ayant reçu 2 doses de vaccin. Ces derniers avaient en effet des titres d’anticorps neutralisants 10 fois plus faibles que les personnes à l’immunité hybride, et qui déclinaient davantage (divisés par 3 après 180 jours). Les personnes vaccinées, sans histoire d’infection, qui ont reçu la dose de rappel avaient des titres d’anticorps neutralisants comparables à ceux des personnes avec une immunité hybride – plus précisément, les titres des premiers à J10 post-rappel étaient semblables à ceux observés à J30 après l’infection chez les personnes infectées après 2 doses, et à J10 après la 2e dose chez les vaccinés après un Covid.

Ces données suggèrent ainsi globalement que les expositions répétées à la protéine Spike du virus – que ce soit par le biais de la vaccination, l’infection ou une combinaison des deux – induisent de puissantes réponses humorales.

Les auteurs ont aussi observé que les personnes infectées puis vaccinées (ou l’inverse) avaient un léger avantage en termes de neutralisation de différents variants par rapport aux personnes « seulement » vaccinées (même avec 3 doses).

Enfin, une troisième étude (preprint), sur des données cliniques et non plus in vitro, suggère également que l’immunité hybride est celle qui confère la meilleure protection contre l’infection, et ce d’autant plus lorsque les expositions sont répétées. Les données de plus de 500 000 tests PCR réalisés aux Pays-Bas entre le 22 novembre 2021 et le 19 janvier 2022 ont été incluses, dont 7,8 % étaient positifs pour omicron BA.1 et 7,4 % pour delta. Elles ont été corrélées aux statuts vaccinaux des personnes testées (adultes) : sujets naïfs (ni histoire d’infection ni vaccination), qui constituaient l’étalon de comparaison ; avec histoire d’infection et non vaccinés ; vaccinés sans histoire d’infection (groupe avec rappel et groupe sans) ; primovaccinés puis infectés ; infectés puis vaccinés (groupe avec rappel et groupe sans). Le vaccin majoritairement utilisé était Comirnaty.

Résultats : comparées aux sujets naïfs, les personnes « seulement » infectées ou « seulement » primovaccinées auparavant avaient une protection relativement faible contre une infection par omicron (risque réduit de 25 % et 33 % respectivement) ; la protection contre delta était plus élevée, avec une réduction du risque de 76 % et 78 % respectivement.

En revanche, la combinaison infection + vaccination (quel qu’en soit l’ordre) semblait offrir une meilleure protection contre omicron :

– vaccination puis infection : la réduction du risque de réinfection atteignait alors 62 % ;

– infection puis vaccination : risque réduit de 58 % ;

– la dose de rappel (3e dose) diminue davantage le risque d'infection par omicron : elle confère une protection de 76 % aux sujets à l’immunité hybride (à 1 mois de l’injection), versus 68 % aux personnes vaccinées avec 3 doses sans antécédent d’infection.

 

Reste à savoir la durée de ces immunités hybrides, en particulier lorsque l’infection postvaccinale a été causée par omicron, une situation très fréquente à l’heure actuelle en France…

 

Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien

 

Pour en savoir plus :

Callaway E. Breakthrough COVID powers up immune response to variants – including Omicron. Nature 3 février 2022.

Bates TA, Mcbride SK, Leier HC, et al. Vaccination before or after SARS-CoV-2 infection leads to robust humoral response and antibodies that effectively neutralize variants.Sci Immunol 25 janvier 2022.

Walls AC, Sprouse KR, Bowen JE, et al. SARS-CoV-2 breakthrough infections elicit potent, broad, and durable neutralizing antibody responses. Cell 19 janvier 2022.

Andeweg SP, de Gier B, Eggink D, et al. Protection of COVID-19 vaccination and previous infecion against Omicron BA.1 and Delta SARS-CoV-2 infections, the Netherlands, 22 November 2021 – 19 January 2022. medRxiv 6 février 2022.

Passe vaccinal : 3 est le nombre magique.Rev Prat (en ligne) 4 février 2022.