Le bénéfice des corticostéroïdes dans le traitement du SDRA et du choc septique fait l’objet, depuis des années, d’essais randomisés contrôlés aux résultats contradictoires, dont certains tendent à démontrer leur efficacité. Cependant, c’est la première fois que ce bénéfice est montré dans une infection respiratoire et systémique due à un virus, selon le Pr François Dequin, chef du service de médecine intensive et de réanimation du CHU de Tours et auteur de l’une des études dont il est question (essai Cape Covid).
Depuis le début de la pandémie, des recommandations discordantes concernant ces médicaments ont été publiées. Aux États-Unis, l’Infectious Diseases Society of America déconseillait en avril ce traitement hors essais cliniques. De même, en France, la référence thérapeutique, quel que soit le degré de gravité de la maladie, demeure celle des soins de support standard, selon les derniers avis du Haut Conseil de la santé publique édités fin juin et mi-août. Cela pourrait bientôt changer, l’OMS ayant également publié, à la suite de ces études, des recommandations en faveur de la corticothérapie dans les formes graves du Covid-19 (mais excluant pour l’instant ce traitement pour les formes modérées).
Le dernier numéro du JAMA publie donc les résultats de 3 essais contrôlés randomisés multicentriques (Remap-Cap, un essai international ; Codex, mené au Brésil ; et Cape Covid, en France) qui ont recruté à eux trois plus de 850 patients jusqu’en juin 2020, quand les promoteurs de l’essai britannique Recovery ont annoncé une partie de leurs résultats. Ces résultats positifs, montrant qu’un traitement par dexaméthasone diminuait d’un tiers la mortalité des patients hospitalisés pour Covid-19 et sous ventilation mécanique, et d’un cinquième celle des patients sous oxygène, par rapport au traitement usuel, ont en effet conduit à l’interruption de 6 essais sur les corticostéroïdes, dont Remap-Cap, Codex et Cape Covid. Pour pallier cet arrêt prématuré, l’OMS a donc réalisé une méta-analyse, publiée dans ce même numéro du JAMA, rassemblant toutes ces études, ainsi que celle de Recovery.
Cette méta-analyse, qui regroupe les données d’un total de 1 703 patients (678 ayant été traités par corticothérapie et 1 025 par soins standard ou placebo), conclue que la mortalité à 28 jours est moins élevée chez les patients traités par corticostéroïdes, qu’ils soient sous ventilation mécanique ou traités seulement par oxygène sans ventilation mécanique, avec une faible hétérogénéité entre les différentes études. Cette relation est, par ailleurs, similaire pour la dexaméthasone et l’hydrocortisone.
Néanmoins, malgré cette efficacité globale démontrée pour les formes sévères, le seuil exact à partir duquel un patient devrait être traité par corticothérapie est incertain. Les éditorialistes de ce numéro du JAMA soulignent ainsi que cela soulève d’autres questions sur le plan clinique : le bénéfice et le dosage optimal des corticostéroïdes diffèrent-ils selon les sous-phénotypes de SDRA ? L’administration de ces médicaments doit-elle être individualisée, l’initiation, le dosage et la durée étant guidés par la réponse clinique ou les biomarqueurs, tels que la protéine C-réactive ? L’inflammation rebondirait-elle après l’arrêt du traitement chez certains patients, et sa diminution progressive améliorerait-elle les résultats ? Quelle est l’incidence réelle des effets indésirables ? D’autres thérapies potentiellement actives, comme le remdésivir, doivent-elles y être associées ?
Ainsi, si les détails exacts de la mise en œuvre de ces résultats en pratique clinique sont encore à élucider, ces études suggèrent que la corticothérapie devrait être le traitement de première ligne pour les patients atteints des formes graves de Covid-19. Une étape thérapeutique d’autant plus importante que ces médicaments sont peu chers et facilement accessibles !
Pour en savoir plus
Prescott HC, Rice TW. Corticosteroids in COVID-19 ARDS: Evidence and Hope During the Pandemic. JAMA. Published online September 02, 2020. doi:10.1001/jama.2020.16747.
Inserm, Prise en charge des formes sévères de Covid-19 : une méta-analyse incluant l’étude CAPE-COVID plaide en faveur de la corticothérapie, communiqué du 2 septembre 2020.
Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien