Le variant delta ayant rebattu les cartes de la dynamique épidémique, les chercheurs de l’unité « Modélisations mathématiques des maladies infectieuses » de l’Institut Pasteur ont présenté leurs dernières projections sur le contrôle de l’épidémie dans la population française, dont plus de 73 % a désormais reçu au moins une dose de vaccin. Que révèle cette étude sur les probabilités d’un rebond automnal ? Quid des personnes vaccinées face au variant delta ?

 

Alors que dans les résultats rendus en juin, la couverture vaccinale projetée était de 30 %, 70 % et 90 % respectivement chez les 12-17 ans, les 18-59 ans et les plus de 60 ans, l’avancée de la campagne vaccinale pendant l’été (aujourd’hui, 50 % des 12-17 ans sont complètement vaccinés) a conduit les chercheurs à considérer des couvertures plus hautes dans cette nouvelle analyse : respectivement 70 %, 80 % et 90 %. Ils ont pris en compte, en parallèle, les caractéristiques du variant delta (transmissibilité multipliée par 2, risque d’hospitalisation augmenté de 50 %, voire plus…), afin de construire des scénarios d’un possible rebond épidémique automnal.

Leur premier constat : les adultes non vaccinés contribuent, sans surprise, de façon disproportionnée à la pression sur l’hôpital. Ils soulignent l’importance d’obtenir une couverture vaccinale quasi-parfaite chez les personnes âgées (actuellement, 86 % des 50-64 ans sont complètement vaccinés, 90 % des 65-74 ans et 85 % des > 75 ans) : en effet, selon les chercheurs, les personnes de plus de 60 ans non vaccinées représentent 43 % des hospitalisations pour Covid, alors qu’elles ne représentent que 3 % de la population totale.

Le constat que les personnes non vaccinées contribuent aussi de façon disproportionnée à la transmission les conduit également à réitérer cette recommandation d’élargir la couverture vaccinale et à confirmer que les mesures de contrôle ciblant spécifiquement cette population, telles que le passe sanitaire, « pourraient maximiser le contrôle de l’épidémie tout en minimisant l’impact sociétal par rapport à des mesures non ciblées ».

Car si les personnes vaccinées semblent moins bien protégées contre l’infection par le variant delta, la protection semble tout de même très élevée contre les formes graves requérant une hospitalisation : les auteurs ont en effet retenu l’hypothèse que la vaccination réduisait de 60 % le risque d’infection par delta (d’après des données américaines récentes concernant le vaccin Pfizer en période de circulation majoritaire de delta), mais de 95 % le risque d’hospitalisation.

Cependant, dans ce scénario envisagé par les auteurs, du fait de la transmissibilité accrue de delta (avec un R0 = 5 dans leur hypothèse), ils rappellent l’importance pour les vaccinés de continuer d’appliquer les gestes barrières, afin de se prémunir contre l’infection et d’éviter la contamination de leurs proches : en effet, à mesure que la couverture vaccinale avance, la part de personnes vaccinées parmi les cas d’infection aussi, de sorte que dans ce modèle il apparaît qu’à peu près la moitié des infections auraient lieu chez des personnes vaccinées (qui représentent plus de 70 % de la population). 

En bref, prenant en compte les caractéristiques du variant delta, ils concluent que l’arrêt de toutes les mesures de contrôle peut conduire à une pression importante sur le système de santé… Toutefois, soulignent-ils, l’avancement de la couverture vaccinale permettrait de réduire l’intensité des mesures nécessaires pour que les hospitalisations restent à des niveaux gérables, car des réductions de 20-30 % du taux de transmission pourraient suffire à présent pour réduire suffisamment la pression sur le système de santé (contre une réduction de 70-80 % qui avait été nécessaire lors des confinements de 2020)…

Enfin, concernant les enfants et adolescents, les auteurs ont estimé, avec les données actualisées, que ceux-ci représenteraient seulement un tiers des infections, contrairement à leurs prévisions de juin selon lesquelles la moitié des infections à la rentrée aurait lieu dans cette population. Cela s’expliquerait, d’un côté, par la part relative plus importante des infections chez les adultes (baisse de l’efficacité vaccinale contre le variant delta) et, d’un autre côté, par la proportion plus élevée d’adolescents vaccinés comparativement aux hypothèses faites en juin.

LMA, La Revue du Praticien

Pour en savoir plus :

Institut Pasteur. Épidémiologie du SARS-CoV-2 dans une population vaccinée et implications pour le contrôle d’un rebond automnal. 6 septembre 2021.