L’efficacité des vaccins sur la prévention des infections asymptomatiques a été peu étudiée. Un essai clinique de phase III chez 17 000 participants a suggéré que la vaccination avec AstraZeneca réduit le portage asymptomatique du SARS-CoV-2 ; l’étude SIREN (prospective), suivant 23 000 professionnels de santé travaillant dans les hôpitaux publics au Royaume-Uni, a rapporté une réduction des infections symptomatiques mais aussi asymptomatiques après vaccination avec Pfizer. Cependant, aucune étude, ni clinique ni de vie réelle, n’avait comparé les taux d’infections parmi les contacts étroits des personnes vaccinées ou non.
Dans cette large étude nationale écossaise, les auteurs ont suivi du 8 décembre 2020 au 3 mars 2021 l’évolution des cas de Covid-19 dans 2 populations : les personnels de santé et leurs contacts familiaux, à mesure que les premiers étaient vaccinés. L’objectif était d’évaluer l’effet de la vaccination sur le risque d’infection et d’hospitalisation par Covid des professionnels de santé, mais aussi – comme mesure directe de la transmission – de tous les membres de leur ménage.
Ce modèle est particulièrement intéressant pour étudier la question de la transmission, puisque d’une part les personnels de santé sont très exposés à l’infection par le SARS-CoV-2, d’autre part ils ont été massivement vaccinés dès le début de la campagne.
Cette analyse s’est appuyée sur plusieurs bases de données nationales : celles du service national de santé (NHS) écossais pour les professionnels de santé ; le CHI (patients enregistrés pour recevoir des soins du NHS, ce qui correspond quasiment à toute la population), pour identifier toutes les personnes qui n’étaient pas elles-mêmes professionnels de santé, mais partageaient un foyer avec un soignant ; ces informations étant croisées avec celles d’autres données nationales : tests virologiques pour le SARS-CoV-2, données d’hospitalisations, admissions en soins intensifs, registre national des décès. Les soignants ayant un test PCR positif avant le 8 décembre 2020 (date à laquelle le programme de vaccination a été lancé) ont été exclus. La cohorte des professionnels de santé était limitée à la population en âge de travailler (18 à 65 ans), alors que celle des membres du ménage comprenait tous les âges, mais incluait uniquement les foyers avec un seul professionnel de santé.
Au total, la cohorte comprenait 194 362 membres du ménage et 144 525 professionnels de santé (âge moyen 44,4 ± 11,4 ans). Parmi ces derniers, 78,3 % avaient reçu au moins une dose de vaccin Pfizer ou AstraZeneca (25,1 % une deuxième dose). La majorité des vaccinations ont eu lieu en décembre et janvier.
Résultats : chez les travailleurs de la santé, les auteurs rapportent 4 343 cas confirmés et 177 hospitalisations liées à la Covid. Comme attendu, le nombre d’infections était drastiquement réduit à partir de 14 jours après la première dose de vaccin, par rapport à la période pré-vaccinale (8,51 % versus 20,13 %). L’effet sur les taux d’hospitalisation était encore plus élevé (0,14 versus 0,97).
Chez les membres du foyer, 3 123 cas de Covid-19 et 175 hospitalisations ont été rapportés. La vaccination du professionnel cohabitant (à partir de 14 jours après la première dose de vaccin) était associée à une réduction du risque de contracter la Covid de 30 % ; la baisse des hospitalisations était du même ordre.
Étant donné que les membres du ménage pouvaient également être contaminés par d’autres voies (personnes extérieures non vaccinées), ce taux est probablement une sous-estimation de l’effet « réel » de la vaccination sur la transmission. Les auteurs ayant évalué dans une étude précédente que la moitié des contaminations totales des membres du foyer était due à l’exposition au soignant, ils estiment que dans cette analyse la proportion de cas de Covid évités chez les membres du foyer est en réalité de 60 %.
Après la 2e dose de vaccin (25 000 personnels de santé) les effets sur la transmission étaient encore plus importants qu’après la première dose, mais le nombre d’effectifs étant trop faible, les résultats ne sont pas statiquement interprétables.
En conclusion, cette étude, qui a examiné l’impact d’un programme de vaccination à l’échelle nationale sur le risque de Covid-19 chez les soignants et les membres de leur ménage, montre que la vaccination progressive et massive des personnels de santé entraîne une réduction très importante des contaminations, soutenant la stratégie de ciblage de la vaccination aux groupes professionnels à haut risque d’exposition.
Toutefois, cette vaccination ciblée réduit mais n’élimine pas les infections et les hospitalisations par Covid chez les membres du foyer, suggérant que la vaccination ne pourra être totalement efficace sur la transmission à l’échelle de la population que si elle est généralisée…
Cinzia Nobile, La Revue du Praticien
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Ibrahimi N, Chaltiel D, Hill C. Vaccins contre la Covid-19 disponibles en Europe. Rev Prat 2021;71:239-44.