Alors que le nombre de cas de Covid est en recrudescence dans plusieurs pays, deux nouveaux variants attirent l’attention des autorités sanitaires :
- d’une part, le lignage EG.5 (« Eris »), classé comme variant d’intérêt (VOI) par l’OMS en raison de l’augmentation de sa prévalence enregistrée dans plusieurs régions du monde (Europe, Asie, Amérique du Nord) ;
- d’autre part, le BA.2.86 (« Pirola »), classé comme variant sous surveillance (VUM) en raison du nombre inhabituel de mutations qu’il arbore, mais qui semble circuler encore à bas bruit.
EG.5 : majoritaire en France
Les variants prédominants à l’échelle mondiale sont toujours ceux de la famille omicron XBB (96 % des séquences déposées sur la base de données GISAID au 28 août), dont fait partie EG.5 (24 % des séquences sur GISAID). D’après l’ECDC, les lignages apparentés à XBB.1.5 sont dominants en Europe ; EG.5 y représenterait jusqu’à 27 % des séquences, selon les données recueillies par l’OMS début septembre. Aux États-Unis, les XBB sont aussi majoritaires, et EG.5 représentait 22 % des séquences fin août.
En France, EG.5 est le plus détecté : 34 % des séquences d’après l’enquête Flash du 31 juillet (données de Santé publique France publiées fin août). Ce lignage a la mutation F456L dans sa protéine Spike, située sur un site d’interaction avec des anticorps, mais il reste proche génétiquement des autres sous-lignages XBB circulants (XBB.1.9, XBB.1.5 ; cette dernière étant la lignée sur laquelle sont basés les derniers vaccins disponibles). Selon deux études in vitro relayées par Santé publique France, il n’aurait pas de propriétés d’échappement immunitaire significatives par rapport à ces autres sous-lignages. Dans son rapport dédié à ce variant, l’OMS a également évalué le risque d’échappement immunitaire de ce variant comme modéré, tout en précisant que les données de laboratoire sont encore insuffisantes pour tirer des conclusions définitives.
L’augmentation de la détection d’EG.5 suggère qu’il possède un avantage de croissance. Ce dernier est toutefois évalué comme modéré par l’OMS, et il reste, d’après Santé publique France, plus modeste que celui observé pour de précédents variants. Par ailleurs, il n’existe actuellement pas de preuves indiquant que EG.5 puisse engendrer un tableau clinique différent et/ou une sévérité accrue de la maladie. Ainsi, le risque sanitaire lié est à ce jour évalué comme faible par l’OMS.
BA.2.86 : faible diffusion mais profil à surveiller
Le variant BA.2.86 est, quant à lui, sous surveillance depuis août, en raison du grand nombre de mutations (une trentaine) présentes sur sa protéine Spike, par rapport à son ancêtre BA.2. D’abord détecté au Danemark, il a ensuite été repéré en Israël, au Royaume-Uni et aux États-Unis. En France, un seul cas a été détecté et séquencé pour le moment (datant de fin août).
Malgré le faible nombre de cas identifiés à ce jour dans le monde, ce variant attire l’attention parce que son profil génétique est très différent des lignages décrits jusqu’à présent, au point que certains scientifiques font un parallèle entre son apparition et l’émergence du variant omicron fin 2021, qui était très divergent par rapport à la souche originale du SARS-CoV- 2 et a fini par la remplacer.
Selon les dernières données britanniques de la UKHSA, le nombre de cas dus à ce variant progresse lentement au niveau mondial. S’il semble davantage répandu que d’autres lignées ayant émergé de façon concomitante, les données sont à interpréter avec prudence en raison de la baisse de la surveillance génomique globale.
L’ECDC rapporte des cas mais sans transmission communautaire apparente au niveau européen, à ce stade ; en revanche, l’UKHSA fait déjà état d’une transmission communautaire dans ce pays, sans que sa prévalence n’ait dépassé les 2 % sur les dernières semaines.
Selon l’agence britannique, le faible nombre de cas ne permet pas à ce stade de savoir si ce variant a un avantage de croissance, des propriétés d’échappement immunitaire ou une plus grande pathogénicité. Identifier de tels signaux au niveau épidémiologique prendra sans doute encore quelques semaines.
Quelles mesures ?
Ces derniers jours, plusieurs pays ont annoncé la mise en place de mesures destinées à endiguer une potentielle vague liée à ces nouveaux variants.
Aux États-Unis, la FDA vient d’accorder une autorisation à la nouvelle génération de vaccins à ARNm (monovalents ciblant le variant XBB.1.5), et les CDC ont recommandé à l’ensemble de la population de recevoir un rappel avec ces derniers pour l’automne-hiver.
Au Royaume-Uni, la campagne vaccinale, qui devait débuter en octobre, a été avancée au 11 septembre ; le rappel est proposé aux populations à risque (> 65 ans, comorbidités, professionnels de santé…). Ce sont également les dernières versions des vaccins à ARNm qui sont proposées dans ce pays. Au niveau européen, l’EMA a recommandé l’autorisation du vaccin monovalent actualisé de Pfizer (Comirnaty Omicron XBB.1.5).
En France, la campagne vaccinale a été avancée, pour commencer le 2 octobre . Cette anticipation concerne les populations à risque, tout en maintenant le principe d’une vaccination concomitante Covid-grippe à partir du 17 octobre pour toutes les personnes ciblées n’ayant pu se faire vacciner plus tôt. Les vaccins monovalents Comirnaty XBB.1.5 sont désormais les seuls vaccins à ARN disponibles. Ils sont recommandés en première intention. En deuxième intention, en tant qu’alternative pour les personnes qui ne souhaitent plus recevoir un vaccin à ARNm, le vaccin VidPrevtyn Bêta reste disponible (pour les 18 ans et plus primovaccinés avec un vaccin à ARNm ou à vecteur adénoviral), jusqu’à l’arrivée du vaccin adapté Nuvaxovid XBB.1.5, attendu en novembre 2023 sous condition d’AMM.
Par ailleurs, le ministre de la Santé a précisé que l’obligation vaccinale des professionnels de santé contre le Covid – suspendue en mai à la suite d’un avis controversé de la HAS – ne serait pas réinstaurée pour l’heure, mais qu’un nouvel avis de la HAS serait sollicité en cas de recrudescence de l’épidémie. Enfin, aucun renforcement du protocole n’est prévu pour l’instant, l’accent étant mis sur la responsabilité individuelle (isolement, port du masque…). Pour rappel, le Système d’information de dépistage (SI-DEP), où étaient enregistrés les résultats de tests, a été abrogé avant l’été, tout comme l’application TousAntiCovid ; en revanche, le Covid est devenu une maladie à déclaration obligatoire.
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Abbasi J. What to Know About EG.5, the Latest SARS-CoV-2 “Variant of Interest”. JAMA 18 août 2023.
Haroche A. Covid : pas d’anticipation de la campagne de vaccination… pour l’instant. JIM 5 septembre 2023.