Épidémiologie
En France, selon le dernier point épidémiologique de Santé publique France (datant du 3 novembre 2022), la détection du sous-lignage BQ.1.1 – issu du variant BA.5* – est en augmentation depuis plusieurs semaines : sa part a atteint 31 % dans l’enquête Flash de la semaine 42 (17-23 octobre). Pour rappel, BA.5 (tous sous-lignages confondus) est toujours omniprésent en France, avec 92 % des séquences interprétables.
En parallèle, dans ce même point épidémiologique, un ralentissement de la circulation du SARS-CoV-2 était noté : taux de nouvelles hospitalisations et nombre de décès en diminution ; les taux d’incidence et de positivité étaient aussi en baisse, mais ces données sont affectées par la suspension de la transmission des résultats de tests PCR Covid-19 dans SI-DEP par certains laboratoires (taux de dépistage sous-estimés à partir du 30 octobre ; les valeurs du taux de positivité et du R effectif sont aussi affectées). Le nombre de nouveaux cas confirmés semble, en revanche, augmenter ces derniers jours (+ 18 % en 7 jours, selon les données du 5 novembre).
En Europe, les sous-lignages BQ.1 (dont BQ.1.1) sont présents à des niveaux significatifs, et selon les estimations de l’ECDC, de mi-novembre à début décembre 2022, plus de 50 % des infections par le SARS-CoV-2 seront dues à BQ.1/BQ.1.1. Cette proportion pourrait atteindre 80 % début 2023. D’après l’agence, il est probable que la présence de BQ.1 contribue à une prochaine augmentation des cas de Covid-19 dans les semaines et mois à venir en Europe.
Échappement immunitaire, virulence… qu’en sait-on ?
Selon l’ECDC, l’augmentation observée du taux de croissance de BQ.1 est probablement due principalement à un échappement immunitaire. Mais il souligne aussi que, sur la base des données limitées disponibles, rien ne prouve que BQ.1 soit associé à une plus grande gravité de l’infection que les variants BA.4/BA.5.
Le Covars (Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires), quant à lui, indiquait dans son avis du 20 octobre 2022 que le niveau d’échappement immunitaire de BQ.1.1 est incertain, et qu’il y a « une proximité significative entre les vaccins bivalents à valence BA.5 et ces nouveaux lignages BQ.1.1 ». Il souligne également qu’aucun impact clinique significatif lors d’une infection par ces variants n’a encore été observé (mais cela reste sous surveillance) : les membres du Covars en déduisent que, pour l’heure, « le redémarrage épidémique observé en France, comme dans une partie de l’Europe, ne semble pas être dû à l’apparition d’un nouveau variant stricto sensu, mais plutôt à un ensemble de conditions permettant une reprise épidémique (baisse d’immunité collective, conditions climatiques favorables à la diffusion du virus…) ». Dans la même veine, Santé publique France (dans son analyse de risque des variants émergents datant du 26 octobre) dit qu’il n’y a à ce jour aucune indication que BQ.1 ou BQ.1.1 soit associé à des manifestations cliniques ou une sévérité différente des autres sous-lignages d’omicron.
Certaines données in vitro sont disponibles dans des études en preprint concernant la capacité d’échappement immunitaire de ces sous-variants.
Une étude chinoise (avec des personnes vaccinées par Coronavac, avec ou sans infection postérieure par BA.1, BA.2 ou BA.5) a examiné dans quelle mesure différents « nouveaux » variants – dont BQ.1.1 – étaient capables d’échapper aux capacités neutralisantes des sérums de ces différents participants. Il est apparu que la capacité neutralisante des anticorps des personnes vaccinées puis infectées par BA.5 était 6,7 fois plus faible vis-à-vis de BQ.1.1 (par rapport à BA.5). Selon cette même étude, BQ.1 serait résistant à la combinaison d’anticorps monoclonaux Evusheld (tixagévimab-cilgavimab), utilisée en France en tant que prophylaxie pré-exposition.
Une étude américaine a, quant à elle, examiné la résistance de ces sous-variants aux sérums de professionnels de santé ayant reçu un rappel de vaccin monovalent (Pfizer ou Moderna) : par rapport à la réponse vis-à-vis de la souche ancestrale, celles vis-à-vis de BQ.1 et BQ.1.1 étaient diminuées respectivement par un facteur 18,7 et 22,9 (alors que la réponse à l’égard des variants BA.4/5 était 8,7 fois plus faible). L’étude de neutralisation avec des sérums de patients infectés durant la vague BA.4/5 a suggéré que BQ.1 et BQ.1.1 sont respectivement 10,4 et 10,7 fois moins bien neutralisés. Cette capacité d’échappement est attribuée par les chercheurs surtout à la mutation N460K.
Enfin, une autre étude américaine rapporte des tests sur plusieurs panels des sérums : collectés 1 à 3 mois après une 4e dose de vaccin à ARNm monovalent ; 1 mois après un rappel bivalent BA.5 ; 1 mois après rappel bivalent BA.5 avec une infection préalable. En comparant les titres géométriques moyens d’anticorps neutralisants face à différents variants, les chercheurs ont conclu que, bien que le rappel bivalent BA.5 suscite une meilleure neutralisation que le vaccin « ancestral », il ne produit pas de neutralisation robuste contre BQ.1.1 (titres de 73 versus 298 pour BA.4-5). Toutefois, une infection antérieure augmente l’ampleur de la neutralisation induite par ce rappel (les titres montent à 267 pour BQ.1.1 ; ils sont de 1 558 pour BA.4-5).
Ainsi, il faudra encore attendre pour connaître les répercussions spécifiques du variant BQ.1.1 sur la situation épidémique française. Selon le Covars, des modélisations pourront être produites lorsque son avantage de transmission et/ou d’échappement immunitaire aura été mieux estimé.
Santé publique France. Chiffres clés et évolution de la Covid-19 en France et dans le Monde. 2 novembre 2022.
ECDC. Spread of the SARS-CoV-2 Omicron variant sub-lineage BQ.1 in the EU/EEA. 21 octobre 2022.
Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires. Avis du 20 octobre du Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (Covars) sur la Covid-19. 20 octobre 2022.
Cao Y, Jian F, Wang J, et al. Imprinted SARS-CoV-2 humoral immunity induces convergent Omicron. RBD evolution. BioRxiv 30 octobre 2022.
Qu P, Evans JP, Faraone J, et al. Distinct Neutralizing Antibody Escape of SARS-CoV-2 Omicron Subvariants BQ.1, BQ.1.1, BA.4.6, BF.7 and BA.2.75.2. BioRxiv 20 octobre 2022.
Kurhade C, Zou J, Xia H, et al. Low neutralization of SARS-CoV-2 Omicron BA.2.75.2, BQ.1.1, and XBB.1 by 4 doses of parental mRNA vaccine or a BA.5-bivalent booster. BioRxiv 4 novembre 2022.
Gozlan M. Covid-19 : le sous-variant BQ.1.1 d’Omicron progresse en France. Le Monde,24 octobre 2022.