Si une timide baisse des indicateurs épidémiques semble amorcée ces derniers jours, qu’en est-il de la présence du virus dans les eaux usées, étant donné que c’est un indicateur précoce de l’évolution épidémique ? Le point avec Sébastien Wurtzer, cofondateur du réseau Obépine.
La concentration du SARS-CoV-2 dans les eaux usées est un indicateur précoce des tendances de l’épidémie. Depuis mars 2020, le réseau Obépine mène cette surveillance à partir de 150 stations d’épuration sur le territoire national. Les analyses montrent-elles une régression de l’épidémie ? Le point avec Sébastien Wurtzer, virologue et responsable du service de biologie moléculaire et pathogènes émergents au sein du département R&D (direction de la recherche, du développement et de la qualité de l’eau) d’Eau de Paris.
Y a-t-il une tendance à la baisse de l’épidémie en France ?
En ce qui concerne l’Île-de-France, si dans certaines stations on note une diminution de la concentration du génome viral dans les eaux usées, d’un point de vue global les analyses ne montrent pas de baisse évidente, mais plutôt un plateau très haut. Il y a bien sûr une disparité régionale, avec des régions comme le Finistère où la concentration virale est très faible… Cela est cohérent avec les données cliniques, et notamment le nombre de cas comptabilisés.
Il faut souligner que le principal avantage de cette méthode de détection est son caractère collectif, permettant de traquer aussi le virus sécrété par les sujets asymptomatiques, qui ne sont que rarement testés mais dont on connaît le rôle dans la transmission virale. Pour cette raison, c’est un indicateur très précoce d’une reprise épidémique. Cependant, elle a une limite quand la circulation est à son maximum : les personnes positives continuent à sécréter des particules virales dans les selles pendant au moins 8-10 jours, parfois plus longtemps, qui s’additionnent à celles produites par les nouveaux cas. On ne connaît donc pas, à un instant T, la part qui provient des personnes nouvellement infectées, ce qui complique notre modélisation et peut même parfois masquer un début de régression. Je pense que ce n’est pas forcément le meilleur outil pour voir si l’épidémie régresse lorsqu’on est dans une phase très active de circulation virale. Pour autant, ce suivi est particulièrement important en ce moment, même dans les zones fortement touchées afin de mieux caractériser la pertinence de cette approche. C’est avant tout un projet de recherche sur lequel reposent beaucoup d’attentes.
Pourtant, vous avez vu un effet après le 1er confinement…
Oui, car le confinement était strict et très bien observé, et la régression a été importante et rapide. Mais la diminution après la 2e vague n’a été que modérée et, et depuis la 3e, on reste à un niveau très haut depuis un certain temps. Aller chercher des clusters, alors que le virus est partout, ça n’a pas de sens…. En revanche, quand la circulation virale aura retrouvé des niveaux faibles, la surveillance des eaux usées pourra apporter des informations uniques sur l’apparition de nouveaux foyers. Il faudra donc être très vigilant à ces signaux !
Cinzia Nobile, La Revue du Praticien
À lire aussi
Nobile C. 2e vague Covid : l’analyse des eaux usées l’avait pourtant prédite… (entretien avec Sébastien Wurtzer). Rev Prat (en ligne), octobre 2020.