Les lavages de nez occupent une place majeure dans la prise en charge de nombreuses pathologies nasales. Ils permettent un nettoyage mécanique de la cavité nasale en éliminant et limitant le temps de contact des différents aéro-contaminants (agents pathogènes comme bactéries, virus, champignons, allergènes, particules aéroportées). Les lavages permettent aussi de diminuer la concentration locale de médiateurs pro-inflammatoires en augmentant la clairance mucociliaire.
Quels effets en cas d’infection virale aiguë ?
Les cellules épithéliales développent un effet antiviral par la production de l’acide hypochloreux (HOCl) à partir d’ions chlorure.1 Il s’agit d’un mécanisme de l’immunité innée pour éliminer les infections virales. Dans cette étude, les auteurs ont évalué si une gamme de virus (à ADN, ARN, enveloppés ou non enveloppés) étaient inhibés lors de la présence d’ions chlorure fournis via le sel (NaCl). Tous les virus testés ont été inhibés en présence de NaCl : virus à ADN/enveloppés comme le virus herpès simplex ; ceux à ARN/enveloppés comme le coronavirus humain 229E (HCoV-229E), le virus respiratoire syncytial, la grippe A ; ceux à ARN/non enveloppés comme le virus coxsackie B3.1 D’autre part, des analyses secondaires post-hoc des données d’un essai clinique (étude ELVIS – Edinburgh and Lothians Viral Intervention Study) ont montré que les lavages de nez et le gargarisme à l’eau salée hypertonique permettent de réduire la durée d’infection par les coronavirus des voies respiratoires supérieures de l’ordre de 2,5 jours en moyenne.2 De plus, des études in vitro récentes de Rafael et al. ont montré que le NaCl à 1,5 % provoque une inhibition totale de la réplication du virus SARS-CoV-2.3
Par ailleurs, les lavages de nez permettent de nettoyer les débris muqueux stagnant dans l’ensemble de la cavité nasale, responsables d’une inflammation locale. Ils permettent d’améliorer la clairance mucociliaire par l’intermédiaire de l’hydratation de la cavité nasale et d’éliminer des matières incrustées telles que les bactéries et les virus piégés dans la couche collante du mucus. La solution saline hydrate et apaise également les muqueuses irritées.
Lors de l’irrigation nasale, la solution saline élimine le mucus épais ou sec et les irritants, tels que le pollen, les particules de poussière, les polluants et les bactéries, des cavités nasales. Elle aide à augmenter l’hydratation de la couche aqueuse la plus profonde améliorant simultanément la fréquence des battements ciliaires sous-jacents et diminuant des médiateurs inflammatoires locaux. Cela peut être particulièrement utile lors d’une infection respiratoire virale, dans laquelle il en résulte un dysfonctionnement mucocilliaire et une mucostase secondaire à la réponse inflammatoire.
L’épithélium nasal et la muqueuse nasopharyngée sont les portes d’entrée clé, les sites d’attachement, de localisation et de réplication du SARS-CoV-2. Par conséquent, les lavages de nez et les gargarismes à l’eau salée peuvent être envisagés dans le traitement de la Covid-19, car potentiellement efficaces et sans danger. Il s’agit d’une méthode simple, économique, facile à réaliser.
Quels intérêts en cas d’anosmie post-infectieuse ?
Les lavages de nez ont également un rôle important dans le traitement de la perte brutale de l’odorat en lien avec l’infection par le SARS-CoV-2 : ce virus réside en effet principalement au sein des voies respiratoires, avec des charges virales élevées dans les fosses nasales et la cavité buccale. La physiopathologie de la perte brutale de l’odorat due au SARS-CoV-2 est principalement liée à la destruction massive de l’épithélium olfactif,4 qui est la porte d’entrée du virus. Les lavages pluriquotidiens vont donc permettre d’évacuer les débris cellulaires (cellules neuronales, cellules de soutien), de diminuer ainsi l’inflammation locale au niveau de la fente olfactive et de favoriser la cicatrisation.
En pratique
Aucun ou très peu d’effets secondaires ont été liés aux lavages de nez pluriquotidiens au sérum physiologique : ils peuvent donc être pratiqués de façon quotidienne sans risque.
Il n’y a pas de recommandation établie sur la méthode pour leur réalisation.
D’après nos expériences, les lavages de nez à la seringue permettent de projeter l’eau salée vers les fentes olfactives et mieux nettoyer les cavités nasales grâce à la pression lorsqu’on pousse le piston de la seringue. Nous prescrivons à nos patients des seringues de 10 mL ou 20 mL et du NaCl 0,9 % (500 mL) et nous recommandons de réaliser environ 4 à 6 lavages par jour pendant au moins 2 semaines.
Quelle solution salines conseiller ? Théoriquement, une solution saline hypertonique (SSH), ayant une osmolarité plus élevée, extrait l’eau des cellules, ce qui entraîne une hydratation accrue de la partie aqueuse de la couche de mucus. Par d’ailleurs, la SSH peut provoquer un efflux de calcium des cellules épithéliales, stimulant la fonction ciliaire. Tout cela améliore la clairance mucociliaire tout en diminuant l’œdème épithélial. Une méta-analyse récente évaluant à la fois la solution saline isotonique et les rinçages par une SSH dans toutes les maladies naso-sinusiennes a conclu que la SSH, avec une concentration inférieure à 5 % de chlorure de sodium, était plus bénéfique que la solution saline isotonique.5 Pour ces raisons, nous conseillons à nos patients d’utiliser une SSH, si possible, en ajoutant une cuillère à café de sel dans une bouteille de 500 mL, ou notre recette au CHRU de Nancy (3 cuillères à soupe de gros sel + une cuillère à café de bicarbonate de sodium alimentaire dans 1,5 L d’eau de source en bouteille). En cas de symptômes indésirables locaux – brûlures nasales, obstruction nasale paradoxale, rhinorrhée – une solution saline isotonique est conseillée. Il faut également faire attention à la température de la solution salée : il faut éviter qu’elle soit trop froide.
Pour effectuer un lavage de nez efficace et nettoyer l’ensemble des cavités nasales, la tête doit être inclinée du côté opposé à la narine nettoyée (vidéo). L’orientation de la seringue est en parallèle de la cloison en visant vers le haut (vers les fentes olfactives) permettant d’optimiser le rendement de l’irrigation sur l’ensemble de la cavité nasale et atteignant la muqueuse olfactive. Nous considérons un lavage nasal comme efficace lorsque la solution se draine par le vestibule nasal controlatéral ou la sphère orale.
Y a-t-il un risque de dissémination bronchopulmonaire ? Il n’y a pas de preuve scientifique permettant de démontrer ce risque. Cependant, ces précautions sont à envisager afin d’éviter l’exposition virale aux autres personnes par l’auto-irrigation : nettoyage soigneux des matériels et du lavabo avec de l’eau et du savon.
Duc Trung Nguyen1, Lucas Ancel1, Tan Dai Tran2
1Service d’ORL et chirurgie cervico-faciale, hôpitaux de Brabois, CHRU de Nancy
2Université de Montpellier, faculté des sciences
Auteur correspondant : Dr Duc Trung Nguyen, dt.nguyen@chru-nancy.fr