Le « Covid long » (ensemble de symptômes persistant plusieurs semaines – voire plusieurs mois – après le diagnostic de l’infection par le SARS-CoV-2), qui toucherait jusqu’à 20 % des patients, a fait l’objet en février de recommandations de prise en charge. Cependant, ses manifestations cliniques sont très diverses et fluctuantes, et sa définition même varie selon les études qui évaluent sa prévalence, ce qui rend d’autant plus difficile son diagnostic. Or des chercheurs de l’AP-HP viennent de développer la première mesure scientifique de la sévérité de la maladie et de ses répercussions sur la vie des patients…

 

Le « Covid long » est le terme utilisé pour décrire l’ensemble des manifestations tardives survenant après une infection par le SARS-CoV-2, mais jusqu’à présent les différentes études estimant le nombre de patients ayant ces symptômes persistants utilisent chacune une définition différente de la maladie. D’où l’hétérogénéité des résultats : selon les études, le taux de personnes ayant un « Covid long » (des symptômes au-delà de 3 semaines) peut varier de 10 à 70 % des personnes ayant été infectées, dont beaucoup n’ont développé qu’une forme bénigne de Covid-19. Ainsi par exemple, selon l’Office national des statistiques du Royaume Uni, environ 1 personne sur 10 continue d’avoir des symptômes 12 semaines après le début de son infection.

Les causes de la persistance des symptômes peuvent être diverses : séquelles d’organe après la phase aigüe de la maladie (cicatrices pulmonaires, complications de la réanimation, etc.), stress post-traumatique lié à la maladie ou à sa prise en charge, persistance virale ou syndrome de fatigue post-viral. Chez un seul individu, plusieurs causes sont souvent mêlées aboutissant à des tableaux cliniques complexes.

Si des recommandations de prise en charge ont déjà commencé à émerger (la HAS a édité des fiches synthétiques en février 2021, indiquant les explorations cliniques et paracliniques nécessaires et les traitements possibles), les avancées dans la compréhension et le traitement de cette affection sont encore entravées par l’hétérogénéité de son évaluation. Il n’existe pas actuellement d’instrument complet, validé et fiable pour suivre l’évolution de la maladie longue ou évaluer ses conséquences sur la vie des patients.

C’est pourquoi des chercheurs de l’AP-HP, de l’Inserm et de l’université de Paris ont lancé fin 2020 une étude au sein de la cohorte « Compare » – dédiée à la recherche sur les maladies chroniques –, parue fin avril dans la revue Clinical Infectious Diseases. Ils ont d’abord élaboré un questionnaire, le « Long Covid Symptom and Impact Tools » à partir des réponses libres de près de 500 patients ayant encore des symptômes au moins 3 semaines après une infection par le SARS-CoV-2 (âge médian : 45 ans ; 84 % de femmes ; 43 % avec une infection confirmée par PCR).

Ces réponses ont permis la définition d’une liste de 53 manifestations de la maladie (fatigue, douleurs thoraciques, maux de tête, troubles de l’équilibre, etc.) et de 6 domaines de la vie des patients touchées par ces manifestations (vie familiale, professionnelle, etc.), aboutissant à deux sous-questionnaires (disponibles en annexe de l’étude) : le « Long Covid Symptom Tool » dont le score était défini comme le nombre de symptômes rapportés par les patients au cours des 30 derniers jours ; et le « Long Covid Impact Tool » dont le score était défini comme la somme des réponses à chaque question portant sur les répercussions de ces symptômes dans leur qualité de vie. La validité, la fiabilité et la pertinence de ces questionnaires ont ensuite été évaluées sur un second échantillon de 1 022 patients (âge médian : 45 ans ; 79 % de femmes ; 55 % de sujets avec une infection confirmée par PCR ; 12 % ayant été hospitalisés).

Résultat : les symptômes les plus fréquemment rapportés étaient la fatigue, les maux de tête, les difficultés de concentration ou brouillard mental, les troubles du sommeil et la dyspnée, avec une fréquence similaire chez les cas confirmés et les cas suspects. L’anosmie et l’agueusie étaient, en revanche, plus fréquentes chez les cas confirmés. Outre les symptômes, 80,6 % des participants ont signalé une évolution de la maladie par poussées – rémissions avec des poussées quotidiennes (34,6 %), hebdomadaires (38,8 %) ou moins d’une fois par semaine (26,6 %).

Par ailleurs, la baisse de la qualité de vie chez ces patients était estimée environ à 40 % par rapport à la qualité de vie de la population générale. Ainsi, 77 % des patients considéraient l’impact de leur maladie comme « insoutenable » et 48 % déclaraient ne plus être capables de réaliser certaines activités chez eux ou dans le cadre de leur travail.

Les « Long Covid Symptom and Impact Tools » sont donc les premiers instruments validés d’évaluation du Covid long, dont l’avantage principal est leur construction à partir de l’expérience directe des patients. Une standardisation de la mesure de cette maladie qui permettra de comparer les résultats de différentes études ; de mieux comprendre les variations des manifestations de la maladie au cours du temps ; et éventuellement de développer de stratégies de prise en charge. L’étude concernant ce Covid long au sein de la cohorte « Compare » est d’ailleurs toujours en cours, pour répondre à ces questions, et les inscriptions sont ouvertes sur https://compare.aphp.fr.

LMA, La Revue du Praticien

À lire aussi :

Covid long : enfin des recos ! Rev Prat (en ligne), février 2021.

Nobile N. Covid long : la piste des autoanticorps. Rev Prat (en ligne), janvier 2021.