Depuis le début de la pandémie (novembre 2019), les enfants infectés par le SARS-CoV-2 sont majoritairement asymptomatiques ou ont des symptômes modérés. Comparativement aux adultes, ils sont moins à risque de développer des formes sévères de Covid et donc d’être hospitalisés.1 Cependant, dans un certain nombre de cas, les enfants infectés par le SARS-CoV-2 développent des symptômes persistants dont la fréquence, l’expression, la physiopathologie et les retentissements clinique, psychologique et social à moyen terme méritent d’être compris.

Qu’est-ce que le Covid long ?

La physiopathologie du Covid long est encore à éclaircir. Certaines études évoquent néanmoins un neurotropisme viral avec une inflammation persistante, une réaction dysimmunitaire, des anomalies vasculaires ou encore la perturbation des relations intestin-cerveau ainsi que des interactions avec des facteurs psychologiques.2 Une équipe marseillaise a même décrit un hypométabolisme cérébral dans une cohorte de 7 patients pédiatriques ayant des symptômes persistants post-Covid.3
Différents termes sont utilisés pour décrire ce phénomène émergent : symptômes persistants post-Covid, Covid long, forme prolongée de Covid, affection post-Covid. En octobre 2021, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié la définition d’affection post-Covid suivante : « L’affection post-Covid-19 survient chez des personnes ayant des antécédents d’infection probable ou confirmée par le SARS-CoV-2, généralement trois mois après l’apparition du Covid-19 avec des symptômes qui persistent au moins 2 mois et qui ne peuvent être expliqués par un autre diagnostic. Les symptômes courants comprennent la fatigue, l’essoufflement, un dysfonctionnement cognitif mais aussi d’autres symptômes qui ont généralement un impact sur le fonctionnement quotidien. Les symptômes peuvent être d’apparition nouvelle après un rétablissement initial à la suite d’un épisode de Covid-19 aigu, ou persister depuis la maladie initiale. Les symptômes peuvent également fluctuer ou récidiver au fil du temps. Une définition distincte peut être applicable aux enfants ».4 La Haute Autorité de santé (HAS) définit quant à elle les formes de Covid long chez l’adulte par 3 critères associés :
– avoir eu une forme symptomatique de Covid-19 ;
– avoir un ou plusieurs symptômes initiaux 4 semaines après le début de la maladie ;
– aucun de ces symptômes ne peut être expliqué par un autre diagnostic.5
La définition d’une telle affection n’existe pas en pédiatrie, complexifiant l’avancement de la recherche et l’élaboration de recommandations de prise en charge clinique. Récemment, une équipe anglaise a proposé une définition du Covid long chez les enfants et les adolescents se voulant consensuelle, en utilisant la méthode Delphi auprès de 120 experts : « L’affection post-Covid-19 survient chez les jeunes ayant des antécédents d’infection confirmée par le SARS-CoV-2, avec au moins un symptôme physique persistant pendant une durée minimale de douze semaines après le test initial et ne pouvant être expliqué par un autre diagnostic. Les symptômes ont un impact sur la vie quotidienne, peuvent continuer ou se développer après l’infection, et peuvent fluctuer ou rechuter dans le temps. » Le test positif au Covid-19 auquel il est fait référence dans cette définition peut être antigénique, PCR ou d’anticorps.6

Covid long chez l’enfant : quelques chiffres

La fréquence d’enfants ayant des séquelles à long terme après un Covid aigu est mal connue. Au niveau international, les estimations de la prévalence de cette affection en pédiatrie sont très variables d’une étude à l’autre selon le type d’enquête, la population étudiée et la définition utilisée.
En outre, la plupart des études sont monocentriques et sans groupe contrôle. La grande hétérogénéité dans la méthodologie des études rend ainsi difficile l’élaboration d’une synthèse de la fréquence et des facteurs de risque associés au développement de l’affection post-Covid chez l’enfant. Il manque par ailleurs des données sur la physiopathologie des symptômes rapportés et le retentissement de ces symptômes sur la santé globale des enfants. En fonction des différents rapports publiés et des tranches d’âge étudiées, 1 à 66 % des patients atteints de Covid-19 auraient des symptômes persistants pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, après une infection aiguë par le SARS-CoV-2 (tableau 1).1 La majorité de ces études reposent sur des autoquestionnaires ou des questionnaires complétés par les proches. De plus, le taux de participation est variable d’une étude à l’autre : l’équipe de Stephenson et al a mis en évidence une différence significative de 13 % entre les symptômes rapportés par le groupe cas et le groupe contrôle, mais le taux de participation de 13,4 % induit un biais de sélection important.7

Comment diagnostiquer le Covid long chez l’enfant ?

Le manque de définition consensuelle, les études hétérogènes et les nombreux symptômes ne favorisent en rien le diag­nostic chez les jeunes patients. La HAS a publié en mars 2022 une fiche pour aider les professionnels de santé à un repérage précoce chez l’enfant et l’adolescent. Elle précise que les fiches concernant les symptômes prolongés de Covid-19 chez l’adulte peuvent apporter des compléments d’information selon les symptômes évoqués par l’enfant.8

Pléthore de symptômes !

Les manifestations cliniques sont très variables. Les enfants décrivent souvent une association de symptômes, parmi lesquels : douleurs thoraciques, maux de tête, fatigue, douleurs musculaires ou articulaires, maux de gorge, maux d’estomac, étourdissements, éruptions cutanées, sautes d’humeur, nausées, fièvre, perte d’appétit, difficultés à respirer, cernes sous les yeux, palpitations, troubles de la mémoire ou de la concentration, mains ou pieds froids, toux, lèvres gercées, vertiges en position debout, sensibilité à la lumière, décoloration des doigts ou des orteils et pâleur extrême. Dans les études danoise et anglaise, ayant inclus un plus grand nombre de cas et de contrôles, les symptômes les plus fréquemment décrits sont la fatigue, les céphalées, l’essoufflement, la toux et les maux de gorge.7,9

Diagnostics différentiels : nombreux

Un entretien avec la famille, un examen clinique complet et d’éventuels examens complémentaires permettent d’éliminer les principaux diagnostics différentiels : hémopathie, cancer, maladie auto-­immune, maladie inflammatoire, maladie endocrinienne, diabète, autre maladie infectieuse, maladie chronique (neuromusculaire, cardiologique, respiratoire, etc.).

Quelle prise en charge ?

La HAS insiste sur la nécessité d’une prise en charge précoce du Covid long de l’enfant et de l’adolescent selon cinq axes (tableau 2).5 Plusieurs sociétés savantes italiennes ont également publié en mars 2022 un consensus. Cependant, la prise en charge thérapeutique y est très peu détaillée.10
Une équipe de Rome a, quant à elle, publié les premières données de leur unité pédiatrique « post-Covid » ; la prise en charge en quatre étapes qu’elle propose pourrait servir de modèle pour d’autres centres (figure).2

Se montrer à l’écoute

Une fois le diagnostic de Covid long évoqué, la première étape est l’entretien avec la famille et l’enfant, réalisé par des professionnels impliqués et informés. Il est important que l’enfant et la famille se sentent écoutés car il s’agit d’un problème de santé qui affecte la vie quotidienne du patient. De nombreuses familles rapportent le fait que les troubles psychosomatiques aient été évoqués en premier lieu et que les plaintes des enfants n’aient pas été entendues. Un enfant ayant des symptômes persistants au-delà de quatre semaines après une infection par le SARS-CoV-2 devrait consulter un professionnel de santé de premiers recours (médecin généraliste ou pédiatre).

Réévaluer à trois mois

La deuxième étape est d’attendre et de voir si les symptômes persistent plus de trois mois. En effet, dans la majorité des cas pédiatriques, les symptômes régressent en moins de douze semaines. Une réévaluation de l’enfant à trois mois s’impose donc et devrait être réalisée par le même professionnel de santé.

Prise en charge multidisciplinaire individualisée

La troisième étape, pour les enfants qui ont des symptômes persistant au-delà de douze semaines avec un retentissement sur leur vie quotidienne, relève d’une prise en charge multidisciplinaire en fonction des symptômes rapportés (figure).Devant une fatigue chronique au repos ou après un effort, une évaluation cardiorespiratoire fonctionnelle et musculaire doit être mise en place. Des tests plus spécialisés (immunologique, neurologique avec tests psychoneurologiques et imagerie fonctionnelle cérébrale, test de coagulopathie, dermatologique, gastroentérologique, etc.) sont réalisés au cas par cas après avis des spécialistes concernés. À cette étape, il est également important d’évaluer le retentissement de cette affection sur la qualité de vie de l’enfant et de son entourage ; il existe des questionnaires adaptés à l’âge permettant une évaluation « standardisée » de la qualité de vie (Pediatric Quality of Life Inventory, ou PedsQL). Ce type de questionnaires prend en compte le retentissement sur les capacités physiques, l’état émotionnel et les relations sociales de l’enfant. Il est conseillé aux professionnels de santé concernés par cette affection de travailler en collaboration au niveau local, national, voire international, et d’être au fait des nouvelles avancées dans la compréhension du Covid long de l’enfant.

Établir une stratégie Thérapeutique

La quatrième étape consiste à établir une stratégie thérapeutique pour ces enfants et leur famille. Il n’existe actuellement aucune recommandation de prise en charge standardisée à l’échelle internationale. Une approche personnalisée est indispensable.
Aucun essai clinique randomisé n’a montré l’efficacité d’un traitement médicamenteux dans la prise en charge du Covid long en pédiatrie. Chez l’adulte, plusieurs essais sont en cours afin de mesurer les effets de la supplémentation en micronutriments, de la vaccination contre le SARS-CoV-2 et de la prescription d’anticoagulants.

Encadre

Que dire à vos patients ?

• Le Covid long chez l’enfant existe et ne se résume pas à des troubles psychologiques. Sa prise en charge doit être précoce, personnalisée et réévaluée en fonction de l’évolution des symptômes.

• Si le retentissement de la pathologie est fort, il est nécessaire de mettre en place une prise en charge multidisciplinaire avec un suivi structuré et un soutien psychologique.

• La rééducation et la réadaptation sont des stratégies thérapeutiques à privilégier, en respectant les capacités de l’enfant.2

• Des associations peuvent aider les familles dans la prise en charge de leur enfant :

– #ApresJ20-association Covid long France (https://bit.ly/3wEUvwH)

– Tous Partenaires Covid (https://bit.ly/3COn8vp)

Références

1. Ludvigsson JF. Systematic review of COVID-19 in children shows milder cases and a better prognosis than adults. Acta Paediatr 2020;109(6):1088-95.
2. Buonsenso D, Di Gennaro L, De Rose C, et al. Long-term outcomes of pediatric infections: from traditional infectious diseases to long Covid. Future Microbiol 2022;17:551-71.
3. Morand A, Campion JY, Lepine A, et al. Similar patterns of [(18)F]-FDG brain PET hypometabolism in paediatric and adult patients with long COVID: a paediatric case series. Eur J Nucl Med Mol Imaging 2022;49(3):913-20.
4. World Health Organization. A clinical case definition of post COVID-19 condition by a Delphi consensus. Octobre 2021.
5. HAS. Réponses rapides dans le cadre de la Covid-19. Symptômes prolongés à la suite d’une Covid-19 de l’adulte. Diagnostic et prise en charge. Mars 2022.
6. Stephenson T, Allin B, Nugawela MD, et al. Long COVID (post-COVID-19 condition) in children: a modified Delphi process. Arch Dis Child 2022;107(7):674-80.
7. Stephenson T, Pinto Pereira SM, Shafran R, et al. Physical and mental health 3 months after SARS-CoV-2 infection (long COVID) among adolescents in England (CLoCk): a national matched cohort study. Lancet Child Adolesc Health 2022;6(4):230-9.
8. HAS. Réponses rapides dans le cadre de la Covid-19. Symptômes prolongés à la suite d’une Covid-19 de l’enfant et de l’adolescent. Mars 2022.
9. Borch L, Holm M, Knudsen M, et al. Long COVID symptoms and duration in SARS-CoV-2 positive children - a nationwide cohort study. Eur J Pediatr 2022;181(4):1597-607.
10. Esposito S, Principi N, Azzari C, et al. Italian intersociety consensus on management of long covid in children. Ital J Pediatr 2022;48(1):42.
11. Zimmermann P, Pittet LF, Curtis N. How Common is Long COVID in Children and Adolescents? Pediatr Infect Dis J 2021;40(12):e482-e7.

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essentiel

Le Covid long en pédiatrie est décrit mais son incidence n’est pas clairement déterminée.

Les mécanismes immunologiques et inflammatoires ainsi que la persistance virale et les problèmes de coagulation pourraient jouer un rôle dans sa pathogenèse.

Dans la majorité des cas pédiatriques, les symptômes régressent en moins de trois mois.

Il existe encore des incertitudes quant à la meilleure approche diagnostique et thérapeutique.