Plusieurs études ont montré que le virus SARS-CoV- 2 a un potentiel neuro-invasif, ce qui pourrait expliquer les symptômes du « Covid long », avec des répercussions sur la prise en charge des patients. Synthèse des connaissances et recos de l’Académie de médecine.

Plusieurs travaux suggèrent que le virus SARS-CoV- 2 a un potentiel neuro-invasif à la fois lors de la phase aiguë de l’infection et lors de la phase chronique (Covid long), bien que les preuves de l’invasion du virus dans le système nerveux central soient limitées. Les chercheurs ont montré que certaines cellules du parenchyme cérébral expriment de façon variable le récepteur ACE2 : plexus choroïdes, bulbe olfactif, péricytes, astrocytes, cellules endothéliales. De plus, les séries autopsiques ont révélé la présence d’antigènes du SARS-CoV- 2 dans le parenchyme cérébral et les neurones corticaux de certains patients tandis que l’ARN viral a pu être détecté dans la substantia nigra . Quel est donc le rôle du neurotropisme de ce virus sur la physiopathologie de l’infection et notamment dans le Covid long ?

Covid et système nerveux à la phase aiguë

À la phase aiguë, l’infection est associée à des encéphalopathies et des accidents vasculaires cérébraux. Après ajustement sur les facteurs de risque, le risque d’AVC est largement supérieur après Covid qu’après d’autres maladies infectieuses, telles que la grippe. Par ailleurs, l’existence de lésions vasculaires et microvasculaires est spécifique de l’infection. En revanche, l’interaction avec le système nerveux périphérique est moins affirmée (syndrome de Guillard-Barré).

Covid long et système nerveux : un syndrome post-infectieux insolite

Environ 2 millions de personnes seraient atteintes de Covid long en France. Son expression clinique, polymorphe et parfois déroutante, interroge sur son mécanisme.

Plusieurs symptômes décrits sont susceptibles d’impliquer le système nerveux : fatigue, difficulté d’attention, troubles de concentration, de la mémoire, de la parole, trouble de l’équilibre, céphalées, paresthésies, douleurs, insomnie, hypersomnie, irritabilité, anxiété, dépression… mais aussi troubles de l’odorat, du goût, acouphènes, surdité… Ces manifestations cliniques évoquent une atteinte lésionnelle du système nerveux. Mais – alors que les troubles neurologiques et les symptômes neurocognitifs affectent 30 à 85 % de ces patients – aucune étude n’a encore réellement pu conclure sur leur nature, et leur mécanisme reste flou. Contrairement aux patients hospitalisés qui peuvent avoir des séquelles respiratoires ou neurologiques d’un Covid sévère, surtout après un passage prolongé en soins intensifs, le « Covid long » reste médicalement inexpliqué chez les patients ayant eu une infection initiale bénigne.

En faveur d’une atteinte cérébrale, deux arguments :

  • la persistance de la présence virale dans le temps (des ARN et ARN subgénomique viraux dans divers tissus humains jusqu’à 230 jours et de la protéine Spike circulante ou d’ARN viral au cours du Covid long) ;
  • la présence d’anomalies microstructurales sur l’IRM chez certains patients : diminution de l’épaisseur corticale et du volume de substance grise au niveau de plusieurs structures dont le cortex orbitofrontal, le gyrus parahippocampique et des régions anatomiquement et fonctionnellement connectées ; modifications fonctionnelles de la conductivité ; réduction du volume cérébral total observée trois mois après la phase aiguë ; présence d’un hypométabolisme (18F FDG) dans les cortex orbito-frontaux, lobes temporaux, thalamus, tronc cérébral et cervelet…

En revanche, l’absence de congruence avec la gravité initiale du Covid, une pléiade de symptômes de tous appareils, des fluctuations majeures, une invalidité disproportionnée au regard de l’amplitude limitée des déficits objectifs, des examens complémentaires normaux et l’absence de profil neuropsychologique déficitaire caractéristique n’orientent pas vers l’existence de lésions spécifiques du système nerveux. De plus, les différentes séries publiées décrivent – en dehors de formes aiguës sévères et d’hospitalisation – un nombre non négligeable de troubles anxieux et/ou dépressifs et d’anxiété (13,1 % et 17,5 % respectivement chez les patients non hospitalisés), qui rend difficile l’interprétation de tests neuropsychologiques pathologiques. En effet, dépression et anxiété peuvent être un facteur explicatif confondant de la plainte cognitive exprimée.

Le profil d’évaluation neuropsychologique n’est donc pas spécifique, difficile à catégoriser et ne correspond pas à une pathologie neurologique classique.

Ainsi, les données disponibles montrent que le virus SARS-CoV- 2 a un neurotropisme relativement limité mais qu’il peut être neuro-virulent chez certains patients.

Les 4 recos de l’Académie

Compte tenu de ces données, l’Académie de médecine recommande :

1 - de réaliser un dépistage systématique gradué et traçable du déficit cognitif de façon standardisée et homogène dans l’ensemble des centres avec un regard particulier sur les troubles attentionnels ;

2 - une évaluation systématique et la prise en charge précoce des troubles anxieux et dépressifs ;

3 - de poursuivre l’effort de recherche publique insistant sur la transversalité et l’interdisciplinarité ;

4 - de structurer la prise en charge des patients selon les principes suivants :

  • formation et sensibilisation des soignants ;
  • processus de prise en charge multidisciplinaire ;
  • création d’un parcours de soins, protecteur, gradué, personnalisé, territorialisé, et d’une filière de soin ;
  • identification de centres de référence.

D’après
Chollet F, Leys D, Léger JM. Covid-19 et système nerveux : formes aiguës et Covid long.  Académie nationale de médecine 12 décembre 2023.
Qureshi AI, Baskett WI, Huang W, et al. Acute Ischemic Stroke and Covid-19: An Analysis of 27 676 Patients. Stroke 2021;52(3);905-12.
Ellul MA, Benjamin L, Singh B, et al. Neurological associations of Covid-19. Lancet Neurol 2020;19(9);767-83.
Merkler AE, Parikh NS, Mir S, et al. Risk of Ischemic Stroke in Patients With Coronavirus Disease 2019 (Covid-19) vs Patients With Influenza. JAMA Neurol 2020;77(11):1-7.
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Moonis G, Filippi CG, Kirsch CFE, et al. The Spectrum of Neuroimaging Findings on CT and MRI in Adults With Covid-19.  AJR Am J Roentgenol 2021;217(4):959-74.
HAS. Symptômes prolongés suite à une Covid-19 de l’adulte – Diagnostic et prise en charge.  21 avril 2023.

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