À mesure que les recherches sur les symptômes persistants du Covid progressent, émergent de nouvelles hypothèses sur ses mécanismes sous-jacents : certains chercheurs évoquent des réservoirs viraux persistant plusieurs mois après l’infection aiguë, tandis que d’autres suivent la piste des autoanticorps. Une étude récemment parue dans le journal Pathogens suggère, quant à elle, que ces symptômes peuvent être dus à une réactivation de l’infection par le virus Epstein-Barr (EBV)…

 

Ces chercheurs ont interrogé 185 patients ayant eu un diagnostic confirmé d’infection par le SARS-CoV-2, dont 30 % reportaient avoir des symptômes caractéristiques d’un Covid long au moins 30 jours après le diagnostic (fatigue, insomnies, céphalées, myalgies, confusion, pharyngite, éruption cutanée…).

Parmi ces patients, 68 sujets ont été recrutés au hasard pour étudier la présence de l’EBV, et divisés en 4 groupes : d’une part, 1 groupe « Covid long à long terme » comprenant 30 personnes (âge moyen : 44 ans ; 77 % de femmes) ayant eu un diagnostic de Covid au moins 90 jours avant l’étude et reportant au moins un symptôme de Covid long, avec 1 groupe contrôle (âge moyen : 44 ans ; 70 % de femmes) comprenant 20 sujets également positifs pour le SARS-CoV-9 au moins 90 jours auparavant mais ne reportant aucun symptôme de Covid long ; d’autre part, 1 groupe « Covid long à court terme » (9 sujets) testés positifs entre 21 et 90 jours avant le début de l’étude, reportant au moins un symptôme de Covid long, et son groupe contrôle correspondant, également composé de 9 sujets.

L’infection par l’EBV ou sa réactivation peuvent être détectées à travers différents tests sérologiques : les IgG de l’antigène de la capside virale l’EBV (EBV VCA) et les IgG de l’antigène nucléaire 1 de l’EBV (EBNA-1) donnent un résultat positif peu après la primo-infection et restent généralement positifs à vie ; un résultat positif pour les deux indique généralement une infection antérieure par l’EBV. La réactivation de l’EBV est, quant à elle, généralement identifiée en recherchant la présence d’IgG EBV EA-D (early antigen-diffuse) ou d’IgM EBV VCA. Les participants ont donc réalisé des sérologies dans le but de déceler une réactivation de l’EBV.

Conclusion : 67 % des patients du groupe « Covid long à long terme », contre 10 % des sujets témoins, avaient une réactivation de l’EBV (testés positifs pour les IgG EBV EA-D ou pour les IgM EBV VCA). Les mêmes résultats ont été obtenus dans le groupe « court terme » : 67 % des participants avaient des titres positifs pour les IgG de l’EBV EA-D ou les IgM de l’EBV VCA, contre 11 % dans le groupe témoin, suggérant que la réactivation de l’EVB peut se produire peu de temps après l’infection aiguë par le SARS-CoV-2, voire de façon concomitante, par l’inflammation qui accompagne cette dernière.

Pour rappel, l’infection par l’EBV touche plus de 90 % de la population mondiale. La primo-infection est souvent asymptomatique lorsqu’elle est contractée dans l’enfance, mais dans sa forme symptomatique, en particulier à l’adolescence ou à l’âge adulte, elle entraîne une mononucléose infectieuse ; l’infection devient ensuite latente et concerne près de 95 % des adultes en bonne santé. Dans certaines conditions de stress oxydatif et inflammation, l’EBV peut se réactiver. Les manifestations cliniques couramment associées à cette réactivation de l’infection par l’EBV sont d’ailleurs similaires à celles décrites dans le Covid long : fatigue, brouillard cérébral, troubles du sommeil, l’arthralgie, la pharyngite, la myalgie, céphalées, éruptions cutanées…

Les résultats de cette étude sont cohérents avec d’autres analyses qui ont également documenté une réactivation précoce de l’EBV chez des patients hospitalisés pour Covid-19. Un lien à explorer davantage, qui pourrait influencer la prise en charge du Covid long, notamment en incluant l’indication d’une sérologie EBV chez ces patients…

Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien

Pour en savoir plus :

Gold JE, Okyay RA, Licht WE, et al. Investigation of Long COVID Prevalence and Its Relationship to Epstein-Barr Virus Reactivation. Pathogens 2021;10(6);763.

À lire aussi :

Frances P, Hassid D, Passeron C, et al. Mononucléose infectieuse. Rev Prat Med Gen 2019;33(1028);713.