Les symptômes prolongés, perdurant à distance de l’infection par le SARS-CoV-2, ont fait l’objet de très nombreuses études, avec des conclusions hétérogènes. Les incertitudes qui persistent sur son épidémiologie et son étiologie ont des répercussions sur la prise en charge des patients – qui reste pour l’instant symptomatique. Mais de nouvelles pistes sur sa physiopathologie ont récemment émergé, et des essais thérapeutiques sont en cours…

Le Covid long a fait couler beaucoup d’encre : cette entité clinique aujourd’hui reconnue correspond à la persistance de symptômes au-delà de 4 semaines après l’épisode aigu de l’infection, selon la HAS (3 mois selon l’OMS). Néanmoins, elle est encore mal définie et mal comprise : ses manifestations cliniques sont très diverses et fluctuantes (fatigue, essoufflement, troubles cardiothoraciques, neurologiques…), et sa définition même varie selon les études qui évaluent sa prévalence, ce qui rend d’autant plus difficile son appréciation (certains travaux estiment qu’elle toucherait 20 % des patients Covid, alors que d’autres vont jusqu’à 50 %, voire davantage chez les patients ayant été hospitalisés).

Certains facteurs de risque ont été bien identifiés (Covid sévère à la phase aiguë avec hospitalisation voire passage en soins intensifs, sexe féminin, obésité, tabagisme actif, grand âge…) ; d’autres sont aussi suggérés : charge virale importante, présence du virus d’Epstein-Barr, de certains auto-anticorps…

La physiopathologie du Covid long fait donc l’objet de plusieurs hypothèses : séquelles d’organes après la phase aigüe de la maladie, en particulier en cas de gravité voire d’hospitalisation (cicatrices pulmonaires, complications de la réanimation, etc.), stress post-traumatique lié à la maladie ou à sa prise en charge, réservoirs viraux persistants, réactivation concomitante du virus d’Epstein-Barr…

La piste de l’auto-immunité a également été explorée, en particulier dans les formes de Covid long survenues après une forme grave. En effet, plusieurs études ont retrouvé la présence d’auto-anticorps chez des patients hospitalisés pour Covid : auto-anticorps bloquant l’action des interférons de type 1 (molécules impliquées dans la réponse immune antivirale), auto-anticorps pathogènes contre les phospholipides (protéines impliquées dans le contrôle de la coagulation sanguine), ou encore auto-anticorps contre l’annexine A2 (protéine impliquée dans la fibrinolyse et la stabilité des membranes des petits vaisseaux sanguins des poumons). Ainsi, l’hypothèse des autoanticorps pourrait contribuer aussi à expliquer l’apparition tardive ou la persistance des symptômes du Covid-19 (générés lors de l’inflammation induite par l’infection virale, ces auto-anticorps s’accumulent avant de provoquer les lésions tissulaires, qui apparaissent donc après la phase aiguë).

Récemment, une étude de l’Inserm et de l’université de Montpellier pointe aussi un mécanisme de dysrégulation immunitaire et le rôle d’auto-anticorps dans la persistance de symptômes à 6 mois, chez des patients ayant été hospitalisés pour Covid-19.

Des échantillons biologiques d’une centaine de patients Covid ont été recueillis : à la fois de sujets hospitalisés mais ayant une forme non sévère et des sujets hospitalisés avec une forme sévère (soins intensifs). Ils ont eu par la suite un bilan plus de 6 mois après leur sortie de l’hôpital, et ont été comparés à autant une centaine de contrôles sains.

Les résultats, publiés dans le Journal of Medical Virology, suggèrent que la production de « pièges extracellulaires de neutrophiles » – un mécanisme de la défense immunitaire innée – pourrait avoir un rôle dans la persistance de symptômes du Covid. De quoi s’agit-il ? Les neutrophiles sont la classe de globules blancs la plus abondante qui constitue la première ligne de défense contre les pathogènes ; lorsqu’ils sont activés, ils peuvent produire un mécanisme de défense particulier nommé NET (neutrophil extracellular traps, soit « pièges extracellulaires de neutrophiles ») : ces pièges, composés de fibres d’ADN, d’enzymes bactéricides et de molécules pro-inflammatoires, contribuent à la lutte contre les virus et les bactéries.

Or la comparaison des échantillons de patients Covid et de sujets sains a révélé que chez les premiers la production des NET est plus élevée ; ces patients avaient aussi une quantité plus importante d’auto-anticorps dits « anticardiolipine », qui sont souvent associés à la formation anormale de thromboses. De plus, cette réponse immunitaire dérégulée se maintenait chez les personnes qui avaient un Covid long – soit des symptômes 6 mois après l’hospitalisation (N = 42) – : la persistance de la production amplifiée et incontrôlée des NET et des auto-anticorps pourrait expliquer en partie les symptômes « longs », par le biais notamment d’une activité prothrombotique.

Davantage de recherches sont nécessaires pour mieux comprendre ce phénomène, ou d’autres pistes permettant de mieux appréhender la physiopathologie du Covid long. Des travaux menés récemment dans d’autres pays d’Europe explorent, par exemple, la piste de la réactivation de séquences de rétrovirus endogènes humains (HERV) : ces séquences virales « dormantes », réactivées lors d’un épisode infectieux comme le Covid, peuvent produire des protéines rétrovirales pathogènes qui pourraient être en cause dans la persistance de l’inflammation post-aiguë. D’après certains travaux, une protéine de ce genre, HERV-W ENV, serait présente chez des patients ayant fait des formes sévères de Covid et chez ceux ayant des symptômes persistants : un essai clinique mené dans les hôpitaux universitaires de Genève testera un anticorps monoclonal, le temelimab, visant à neutraliser cette protéine chez 200 patients ayant un Covid long… À suivre.