De plus en plus de données pointent le rôle déterminant d’événements – et d’individus – dits « supercontaminateurs » dans la dynamique de l’épidémie de Covid-19. Mais qui sont ces « superpropagateurs » ? Une étude récente sur une cohorte de plus de 70 000 personnes a tenté de répondre à cette question…

 

Des chercheurs de l’université de Colorado Boulder aux États-Unis ont analysé les données de 72 5000 échantillons salivaires testés par PCR pour le SARS-CoV-2, dans le cadre d’une campagne de dépistage de masse dans le campus de cette université, entre août et décembre 2020 (tests hebdomadaires). Parmi eux, 1 405 cas positifs ont été identifiés ; ils étaient tous asymptomatiques (ou présymptomatiques au moment de la collecte de l’échantillon).

L’analyse des charges virales dans les échantillons a montré, tout d’abord, une très grande variabilité dans les charges virales portées par des individus ayant pourtant les mêmes caractéristiques cliniques (ici, asymptomatiques, mais les charges virales constatées chez ces individus, et leur distribution dans la population, étaient par ailleurs similaires à ceux constatés chez les individus hospitalisés). Une variabilité qui ne peut en effet s’expliquer par la réalisation des tests à des moments différents de l’infection, étant donné que le suivi était longitudinal et les tests périodiques. Si bien que, estimant qu’à des charges virales inférieures à 10virions/mL le virus n’est pas infectieux, les chercheurs ont conclu qu’environ 50 % des sujets testés positifs n’étaient pas contagieux, et ne portaient que 0,02 % des virions circulant dans la communauté analysée. En revanche, 2 % des personnes infectées porteraient 90 % des virions circulants ; 99 % des virions seraient portés par seuls 10 % des individus asymptomatiques et 14 % des symptomatiques.

Ces individus, que les auteurs nomment « superporteurs » (supercarriers) pourraient également être responsables de « superpropagations » du virus, bien que le lien entre les deux ne soit pas clairement établi. Si une charge virale élevée peut ne pas être, en effet, le seul facteur impliqué dans une transmission importante du virus, ces données sur les « superporteurs » sont cohérentes avec les analyses qui suggèrent que 80 % à 90 % des infections sont causées par seulement 10 à 20 % des individus contaminés.

Du « superportage » à la « superpropagation » n’y aurait-il qu’un pas ? De nombreux facteurs semblent s’entremêler, tant au niveau biologique (un « superportage » serait-il dû à des variations interindividuelles dans la réponse immunitaire, puis une plus grande propagation liée à des caractéristiques telles que le poids qui conduirait à exhaler plus d’aérosols ?), que comportemental (une personne ayant plus de contacts qu’une autre…), mais une chose semble sûre : les individus les plus à risque de devenir des « superpropagateurs » sont les personnes pauci- ou asymptomatiques, d’autant plus lorsqu’ils sont eux-mêmes des « superporteurs ». 

D’où la recommandation des auteurs de procéder à des dépistages communautaires pour identifier ces « superporteurs » du virus aux stades présymptomatique et asymptomatique de la maladie, car ces sujets seraient les moteurs principaux de l’épidémie.

Cette dynamique de « superpropagation » est par ailleurs cohérente avec la transmission du virus par aérosols, dont l’évidence tend à montrer de plus en plus qu’elle est le principal mode de diffusion du SARS-CoV-2. En effet, si la séquence génétique du virus, la sévérité de la maladie, et les paramètres biologiques du porteur (âge, sexe…) ne semblent pas corrélés à une « superpropagation », l’environnement semble à l’inverse déterminant. La plupart, sinon la totalité, des événements « superpropagateurs » documentés dans la littérature se sont produits dans des espaces intérieurs surpeuplés et mal ventilés : lieux de restauration et salles de sport, par exemple, sont des lieux à haut risque de transmission, selon des études récentes – des lieux de « superpropagation », car comme pour les individus, 10 % seraient responsables de 80 % des infections…

Pour en savoir plus :

Yang Q, Saldi TK, Gonzales PK. Just 2% of SARS-CoV-2-positive individuals carry 90% of the virus circulating in communities. PNAS 2021;118(21);e2104547118.

Lakdawala SS, Menachery V. Catch me if you can: Superspreading of SARS-CoV-2. Trends in Microbiology 2021.05.002.

Dyani L. Superspreading drives the COVID pandemic – and could help to tame it. Nature News 23 février 2021.

À lire aussi :

Nobile C. Entretien avec le Pr Antoine Flahault. Transmission quasi-exclusive du SARS-CoV-2 par aérosols ? Rev Prat (en ligne) 10 mai 2021.

Martin Agudelo L. Covid : la transmission par aérosols en 5 questions. Rev Prat (en ligne) novembre 2020.

Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien