Selon une vaste étude épidémiologique qui vient de paraître dans Nature Medicine, le risque d’événement cardiovasculaire reste augmenté de façon significative jusqu’à 1 an après un épisode de Covid, indépendamment des autres facteurs de risque CV, et ce même chez des patients non hospitalisés.
Dans cette étude, les chercheurs ont utilisé la base de données du département des anciens combattants des États-Unis pour constituer trois cohortes :
– un groupe de plus de 150 000 sujets d’âge moyen 61 ans (+ 16 ans), 89 % d’hommes, ayant eu le Covid entre le 1er mars 2020 et le 15 janvier 2021, dont 86 % avaient eu des formes non graves (pas d’hospitalisation) ;
– deux groupes contrôle sans histoire documentée d’infection : le premier constitué de 5 millions de contrôles « contemporains » (sujets ayant utilisé le système médical des anciens combattants durant la pandémie) et le second composé d’autant de contrôles « historiques » (ayant utilisé le système en 2017).
L’incidence d’événements cardiovasculaires (troubles cérébrovasculaires, arythmies, cardiopathies ischémiques et non ischémiques, insuffisance cardiaque, péricardites et myocardites, événements thrombo-emboliques veineux, etc.) chez les sujets Covid entre J30 et 1 an après l’infection a été comparée à celle des deux autres groupes.
Conclusion : par rapport aux contrôles « contemporains », les personnes ayant eu le Covid avaient un surrisque de survenue d’événements cardiovasculaires dans l’année suivant l’infection, avec une augmentation significative de l’ensemble des événements cardiovasculaires étudiés (hazard ratio : 1,63), soit un excès de risque estimé à 45 pour 1 000 sujets à 12 mois. Les pathologies les plus fréquentes étaient : la myocardite, avec un risque multiplié par plus de 5 (HR : 5,38), le choc cardiogénique (HR : 2,43), l’arrêt cardiaque (HR : 2,45), l’embolie pulmonaire (HR : 2,93) et la thrombose veineuse profonde (HR : 2,09).
Si le surrisque d’événement cardiovasculaire était d’autant plus important que la sévérité du Covid avait été grande (les patients ayant été hospitalisés en soins critiques étaient les plus concernés, ce qui converge avec les résultats de travaux antérieurs), cette étude est la première à montrer que le surrisque persiste aussi chez les patients ayant eu des épisodes non graves. En effet, après exclusion des sujets hospitalisés de la cohorte, les hazard ratios demeuraient élevés, en particulier pour la myocardite (3,47), l’embolie pulmonaire (2,01), la thrombose veineuse profonde (1,62) ou encore l’angor (1,40).
Cette augmentation du risque CV était observée dans tous les sous-groupes, quels que soient les autres facteurs de risque cardiovasculaire connus (tabagisme, hypertension, obésité…). Enfin, des résultats similaires ont été obtenus en comparant la cohorte Covid au groupe contrôle « historique », soulignant que l’excès de risque existe indépendamment de la période analysée.
Quant aux mécanismes en cause, plusieurs pistes sont évoquées : infection directe des cellules cardiaques et/ou endothéliales vasculaires, modification de la coagulation, dérégulation du système rénine-angiotensine, inflammation, auto-immunité…
À noter que cette étude a inclus des personnes infectées lors de la première année pandémique : le risque CV lié à l’infection par les variants successifs (et notamment par omicron) est-il le même ? Par ailleurs, la période considérée précède la mise à disposition des vaccins : l’analyse ne tient donc pas compte des séquelles cardiovasculaires d’une infection Covid post-vaccinale (peut-être moins importantes ?) ; toutefois, un second article abordant cette question est actuellement en cours de révision par les pairs.
En tout cas, la Société française de cardiologie considère que les pathologies cardiovasculaires devraient être particulièrement surveillées chez les patients ayant eu un Covid, même en cas de forme légère, et qu’une réflexion devrait être mise en place sur les modalités de ce suivi.
Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien
Pour en savoir plus :
Xie Y, Xu E, Bowe B, et al. Long-term cardiovascular outcomes of COVID-19. Nat Med, 7 février 2022.
Sidik MS. Heart-disease risk soars after COVID — even with a mild case. Nature News, 10 février 2022.
Wadman M. COVID-19 takes serious toll on heart health—a full year after recovery. Science, 9 février 2022.
Boccara F, Le Bos PA, Cohen A. Événements cardiovasculaire à moyen terme après une infection à Covid-19. Société française de cardiologie, 14 février 2022.
Covid long : un risque cardiovasculaire augmenté de façon persistante. CardioOnline (Société française de cardiologie), 8 février 2022.