La durée de la période d’incubation du SARS-CoV-2 est un paramètre crucial, qui explique la transmission sournoise de cette infection. Au début de la pandémie, elle était estimée à 7 voire 14 jours, justifiant de longues périodes d’isolement imposées par certains pays, mais peu de travaux ont étudié de façon systématique son évolution dans le temps, selon les variants. La première large méta-analyse comparant les périodes d’incubation des différents variants est parue dans le JAMA.

La période d’incubation d’une maladie infectieuse est un paramètre épidémiologique fondamental, qui détermine aussi bien la définition des cas que la durée du suivi pour la recherche des contacts et la détection des cas secondaires, et la mise en place de mesures visant à réduire la transmission. Le contact-tracing, en particulier, peut varier en fonction des estimations sur la période d’incubation, car il s’agit d’identifier les personnes ayant pu être contaminées par un cas lorsque celui-ci était contagieux à son insu (avant l’apparition des symptômes). Actuellement, en France, la période prise en compte pour le contact-tracing est de 48 heures avant l’apparition de symptômes (plus courte qu’auparavant, où elle a pu s’élever à 14 jours au tout début de la pandémie) ; en l’absence de symptômes, les 7 jours qui précèdent la date de prélèvement du test positif sont pris en compte.

Ces règles ont ainsi été revues à la baisse au gré des nouvelles vagues de Covid mettant en jeu les variants successifs, pour trouver un compromis entre l’endiguement de la transmission et l’acceptabilité des mesures par la population. Toutefois, jusqu’à présent aucune étude n’avait évalué les différences dans les périodes d’incubation de chaque variant du SARS-CoV-2 – donc, par extension, la pertinence des mesures prises pour la recherche des contacts et la détection des cas secondaires. C’est désormais chose faite, grâce à une large méta-analyse parue dans le JAMA.

Il s’agit donc de la première méta-analyse qui concerne la période d’incubation propre à chaque variant ; elle a inclus 142 études, pour un total de 8 112 patients. La majorité d’entre elles (119), dont une grande partie menée entre janvier et mars 2020 en Chine, concernait la souche ancestrale du virus, tandis que les variants les plus récents, delta et omicron, étaient analysés dans respectivement 6 études (2 368 participants) et 5 études (829 participants) menées en Asie et en Europe.

Il est apparu que les périodes d’incubation ont décru au fur et à mesure de l’apparition des différents variants, même si les auteurs ont conclu que les différences n’étaient pas statistiquement significatives. Les périodes d’incubation moyennes calculées étaient en effet de :

  • 6,65 jours pour la souche ancestrale ;
  • 5,00 jours pour le variant alpha ;
  • 4,50 jours pour le variant bêta ;
  • 4,41 jours pour le variant delta ;
  • 3,42 jours pour le variant omicron BA.1/B.1.1.529 (études conduites entre novembre 2021 et janvier 2022).

 

Par ailleurs, selon une analyse par sous-groupes, la période d’incubation était un peu plus longue chez les patients âgés de 60 ans et plus, mais sans que la différence soit significative : 7,43 jours (d’après 8 études), contre 6,65 jours de période d’incubation moyenne en population générale, tous variants confondus. Il en allait de même pour les enfants (< 18 ans) : 8,82 jours, également d’après 8 études. Toutefois, ces études comportant des données ventilées par âge ne concernaient que la souche ancestrale et d’autres variants ayant circulé en 2020.

 

Une limite importante : les données étaient collectées rétrospectivement dans la plupart des études ; le biais de mémoire était donc non négligeable. De plus, les études étaient très hétérogènes (différences dans les populations incluses, dans les périodes de recollection des données, dans les méthodes d’analyse…), ce qui peut également influencer les estimations. Néanmoins, cette première étude comparant les différentes durées d’incubation des variants du SARS-CoV-2 semble confirmer le bien-fondé des nouvelles règles de détermination des cas contacts.

Pour en savoir plus

Wu Y, Kang L, Guo Z, et al. Incubation Period of COVID-19 Caused by Unique SARS-CoV-2 Strains.  JAMA Netw Open 2022;5(8):e2228008.