Au-delà du taux de mortalité hospitalière, peu de données existent quant au devenir des patients Covid après l’hospitalisation, en termes de mortalité et morbidité. La Drees a analysé la trajectoire de 80 000 patients Covid dans l’année qui suit leur passage en soins critiques, en comparant leur pronostic à celui des personnes hospitalisées pour grippe. Édifiant !

Entre la période allant du 1er mars 2020 au 30 juin 2021, qui correspond aux trois premières vagues de Covid en France, 106 000 patients ont été admis en soins critiques à cause d’une infection par le SARS-CoV-2. Les auteurs de cette étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) analysent leur trajectoire après la sortie de l’hôpital, en la comparant à celle des patients hospitalisés en soins intensifs pour grippe entre 2014 et 2019.

Plus de patients transférés en soins de suite et de réadaptation (SSR)

Sur les 80 000 patients infectés par le Covid sortis vivants de soins critiques, 15 % ont été transférés en SSR à l’issue de leur hospitalisation, 84 % sont directement retournés chez eux et 1 % ont fait l’objet d’une hospitalisation à domicile (HAD). Les transferts en SSR augmentent avec l’âge (figure 1) : ils ne concernent que 5 % des patients de moins de 40 ans, versus 21 % au-delà de 70 ans ; parmi les patients qui ont nécessité une ventilation mécanique invasive, le taux de transfert en SSR s’élève à 31 %. L’atteinte respiratoire est à l’origine du transfert en SSR dans environ 40 % des cas et une atteinte neurologique dans 17 % des cas (dont un tiers concerne des atteintes spécifiques à la réanimation : neuropathie de réanimation).

En comparaison, parmi les personnes admises en soins critiques pour grippe entre 2014 et 2019 et sorties vivantes de réanimation, seulement 5 % ont été transférées en SSR à l’issue de l’hospitalisation (8 % pour ceux ayant nécessité une ventilation mécanique invasive), soit des transferts en SSR 3 à 4 fois moins fréquents que pour les hospitalisations liées au Covid. Cet écart peut s’expliquer par le fait que le besoin de rééducation – notamment de réhabilitation respiratoire – pourrait être plus important en cas de Covid. La durée de séjour médiane en SSR était en effet de 27 jours (24 jours pour les patients admis pour motif respiratoire et 36 jours pour ceux admis en SSR pour motif neurologique), alors que pour la grippe elle était de 12 jours.

Un taux de mortalité plus faible après la sortie

Après la sortie de soins critiques, le taux de mortalité dans l’année suivante est faible (7 %). Le risque de décéder est maximal au 10e jour (s’élevant à environ 1 %), puis il diminue nettement de manière continue. Près de 85 % de ces décès ont lieu dans les 50 premiers jours suivant la sortie de soins critiques.

Autre donnée intéressante : le taux de patients décédés dans l’année après passage en soins critiques pour Covid est moins élevé que celui de patients atteints de la grippe, et ce pour toutes les tranches d’âge (figure 2).

La Drees précise que « la mortalité totale à un an est du même ordre de grandeur, de 31 % contre 30 % contre les patients admis pour grippe car la mortalité intrahospitalière était plus importante parmi les patients admis en soins critiques pour Covid (notamment au-delà de 60 ans) ».

Tandis que plusieurs études ont montré que les hommes infectés par le SARS-CoV-2 ont un risque de décès plus important que les femmes pendant l’hospitalisation, cette analyse ne trouve pas d’association significative entre le sexe et le risque de décès (à âge, comorbidités et vague épidémique équivalents) une fois les patients sortis d’hospitalisation. Par ailleurs, de façon attendue, la mortalité augmente avec l’âge et le niveau de comorbidités préexistantes. Enfin, alors que le risque de décès à l’hôpital est plus important en deuxième et troisième vagues par rapport à la première, le risque de décès un an après la sortie est le même pour les trois vagues épidémiques.

Moins de suites pulmonaires mais plus de complications néphrologiques

La majorité des patients hospitalisés en soins critiques pour Covid (8/10) n’avaient pas d’antécédent de maladie pulmonaire chronique ou de suivi pneumologique antérieurs. Parmi eux, 27 % ont eu au moins une consultation de ville de pneumologie dans l’annéepost-hospitalisationet un peu plus de 1 % a été de nouveau hospitalisé avec un nouveau diagnostic d’insuffisance respiratoire chronique ou d’emphysème pulmonaire. Parmi les patients intubés pendant l’hospitalisation, ces proportions étaient de 36 % et 2 % respectivement. Cela confirme une persistance de symptômes respiratoires après la sortie de réanimation. Pour la grippe : seulement 62 % n’avaient aucun antécédent de maladie pulmonaire chronique ou de suivi pneumologique avant l’hospitalisation en soins critiques. Mais, parmi eux, 21 % ont eu au moins une consultation de ville de pneumologie dans l’année après la sortie et 5 % ont été de nouveau hospitalisés avec un nouveau diagnostic d’insuffisance respiratoire chronique ou d’emphysème pulmonaire, soit cinq fois plus que les patients atteints de Covid.

Plusieurs études ont rapporté une atteinte rénale fréquente chez les patients atteints de Covid, particulièrement en cas de ventilation mécanique invasive.1,2 Parmi les patients ayant nécessité la dialyse pendant l’hospitalisation et sans antécédents de maladie rénale chronique ou de suivi néphrologique, 19 % ont eu au moins une consultation de néphrologie en ville dans l’année après la sortie et 13 % ont été de nouveau hospitalisés avec un nouveau diagnostic de maladie rénale chronique. Ces chiffres étaient 7 % et 4 %, soit deux à trois fois moins élevés, en cas de grippe. Quant aux patients ayant nécessité des séances régulières de dialyse, le pourcentage est le même pour les deux virus, autour de 4 %.

Même pourcentage de patients traités par antidépresseurs

Neuf pour cent des patients Covid (qui n’avaient pas d’antécédents psychiatriques) ont eu au moins une délivrance d’antidépresseurs dans l’année qui a suivi leur sortie de l’hôpital. De nombreuses études internationales réalisées sur les survivants des soins critiques ont montré en effet des prévalences importantes (30 % des patients à 6 mois) de syndrome de stress post-traumatique et de dépression au décours de l’hospitalisation. Parmi ceux ayant nécessité une ventilation mécanique invasive, le taux de délivrance d’antidépresseurs est près de deux fois plus élevé (13 %). Concernant les patients sortis vivants de soins critiques pour grippe entre 2014 et 2019, 7 % ont eu au moins une délivrance d’antidépresseurs dans l’année qui a suivi la sortie d’hospitalisation, une proportion proche de celle observée chez les patients admis pour Covid. En revanche, chez ceux ayant reçu de la ventilation mécanique invasive ce chiffre s’élève à 8 %, soit près de deux fois moins que chez les patients admis pour Covid.

Qu’en retenir ?

Ces données montrent que, après passage en soins intensifs, un pourcentage plus important de patients sont admis en SSR en cas de Covid qu’en cas de grippe, et que la durée de séjour est plus que doublée. Il serait intéressant d’étudier si ces taux sont les mêmes après juin 2021, quand la vaccination anti-Covid a été généralisée à toute la population.

En revanche, à 1 an après la sortie de l’hôpital, le pronostic est comparable pour les deux infections, voire moins bon pour la grippe en ce qui concerne certains paramètres (mortalité, suites pulmonaires). Un argument de plus pour motiver les patients à risque à se faire vacciner contre la grippe, l’épidémie faisant un retour précoce cette année, après 2 ans d’absence. 

Pour en savoir plus

Naouri D, Vuagnat A (Drees), avec la collaboration des médecins intensivistes-réanimateurs Beduneau G, Combes A, Demoule A, et al. Covid-19 : profils et trajectoires de prise en charge des patients dans l’année qui suit leur sortie de soins critiques.  Études et résultats, 1248, décembre 2022.
Références :
1. Hirsch JS, Ng JH, Ross DW, et al. Acute kidney injury in patients hospitalized with Covid-19.  Kidney Int 2020;98(1):209-18.
2. Gross O, Moerer O, Weber M, et al. Covid-19-associated nephritis: early warning for disease severity and complications?  Lancet 2020;395(10236):e87-8.

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