Quels mécanismes impliqués dans la survenue des cystites ?
Le plus souvent, il s’agit d’une colonisation bactérienne vésicale à partir de la flore fécale, par E. coli, Proteus, Klebsielles notamment, ou des germes commensaux cutanés. Plus de 150 types différents d’E. coli sont répertoriés, mais quelques-uns sont plus particulièrement responsables d’infections urinaires. Pendant l’été, on retrouve surtout Staphylococcus saprophyticus, peut-être à cause de la plus grande fréquence de gastro-entérites (consommation de viande insuffisamment cuite) ; par ailleurs, les cystites dans cette période de l’année sont favorisées par le port de sous-vêtements mouillés et la fréquentation des piscines.
Venant de la zone péri-anale, les germes colonisent le vagin puis remontent le long de l’urètre et se multiplient dans la vessie en adhérant à sa muqueuse (fig. 1).
Quelle antibiothérapie selon les dernières recos ?
En cas de cystite aiguë non compliquée, l’association fosfomycine-trométamol (3 g en prise unique) est toujours indiquée en 1re intention ; en 2e intention : pivmécillinam 400 mg 2 fois par jour mais pendant 3 jours. En cas de cystites récidivantes, les recos ont changé (cf. ci-dessous).
Quand prescrire un ECBU ?
Le diagnostic de cystite aiguë est clinique (brûlures mictionnelles et/ou urgenturies) ; il est confirmé à la bandelette urinaire (présence de leucocytes et nitrites), mais l’ECBU n’est pas prescrit systématiquement, notamment chez la femme jeune.
Il faut le prescrire en cas de facteur de risque de complication (grossesse, anomalie organique ou fonctionnelle de l’arbre urinaire, IR sévère (DFG < 30 mL/min), immunodépression grave, âge > 75 ans, ou > 65 ans avec au moins 3 critères de Fried : perte de poids involontaire au cours de la dernière année, vitesse de marche lente, faible endurance, faiblesse/fatigue, activité physique réduite) afin d’adapter le traitement à l’antibiogramme. Quant à l’ECBU de contrôle, il est indiqué seulement en cas de persistance ou aggravation des signes cliniques après 3 jours ou de récidive précoce dans les 2 semaines.
Que faire en cas de cystites récidivantes ?
On parle de cystites récidivantes lorsque la femme a au moins 4 épisodes pendant une période de 12 mois ; 10 % des patientes sont concernées. Pour les prévenir, il faut agir sur les 3 étapes de progression des germes : pullulation périnéale, remontée dans l’urètre, multiplication bactérienne.
Par quelles stratégies ?
Pour s’opposer à la pullulation périnéale, certaines mesures sont utiles : régulariser le transit, qu’il s’agisse de constipation ou de diarrhée (germes intestinaux) ; éviter les vêtements serrés et la lingerie synthétique (germes cutanés) ; faire la toilette d’avant en arrière ; proscrire savon acide et irrigation endovaginale pour protéger la flore locale (les bacilles de Döderlein s’opposent à la colonisation vaginale par d’autres germes virulents).
Quant à la remontée des germes dans l’urètre, l’activité sexuelle est le principal facteur favorisant. En effet, la pénétration vaginale ouvre l’urètre, facilitant sa colonisation.
C’est pourquoi on recommande aux patientes d’effectuer une miction post-coïtale pour laver l’urètre (mais uriner avant les rapports sexuels est sans intérêt !).
Chez la femme ménopausée, l’atrophie muqueuse du vestibule vaginal favorise la colonisation bactérienne : rétablir l’imprégnation estrogénique renforce la flore vaginale saprophyte.
Un traitement local est indiqué : Trophigil en gélules vaginales, tous les 2 jours, durant 6 mois.
Enfin, pour s’opposer à la multiplication bactérienne on recommande de boire régulièrement (2 litres par jour), pour obtenir 5 à 6 mictions quotidiennes. Le jus de cranberry a une efficacité prouvée : il divise par deux le risque de cystite. En effet, la proanthocyanidine s’oppose à l’adhésion des germes, à condition de respecter la bonne posologie : un verre (200 mL) matin et soir car l’action inhibitrice est limitée à 12 heures.
Le D-mannose, sucre éliminé dans les urines, serait capable de diminuer la fixation bactérienne (2 à 3 g pour jour en compléments alimentaires, qui sont toutefois assez coûteux), de même que les instillations endovaginales d’acide hyaluronique.
Quid de l’antibiothérapie prophylactique ?
Elle est indiquée en cas d’infections urinaires très fréquentes : au moins 1 par mois. En cas d’épisodes moins fréquents (< 1/mois), on préfère traiter chaque épisode.
Quant aux schémas recommandés, les dernières recos de la Spilf (Société de pathologie infectieuse de langue française) préconisent en 1re intention l’association fosfomycine-trométamol 3 g en prise unique tous les 7 jours au maximum (ou dans les 2 heures précédant ou suivant le rapport sexuel si cystites post-coïtales ; tous les 7 jours au maximum) ou le triméthoprime à 150 mg par jour (1 fois par jour maximum, au coucher ou dans les 2 heures précédant ou suivant le rapport sexuel si cystites post-coïtales).
La nitrofurantoïne est contre-indiquée, les fluoroquinolones et bêtalactamines doivent être évitées. Il serait intéressant toutefois d’évaluer une antibiothérapie prophylactique à doses minimes ayant seulement un effet bactériostatique et non bactéricide, moins agressive pour le microbiote vésical et intestinal.
En pratique, c’est un traitement de 6 mois, puis on arrête et on surveille (ECBU).
En cas d’échec, on peut discuter une éventuelle prise en charge chirurgicale : dilatation de l’urètre sous anesthésie générale ou brides hyménéales (sectionner/allonger sous anesthésie locale).
HAS et Spilf. Choix et durée de l’antibiothérapie : cystite aiguë simple, à risque de complication ou récidivante, de la femme. 27 août 2021.