Les cystites récidivantes (> 3 épisodes par an) concerneraient 5 à 10 % des femmes. Aujourd’hui, outre les mesures visant à s’opposer à la colonisation bactérienne de l’urètre – régularisation du transit intestinal, miction post-coïtale, hydratation régulière > 2 L/j notamment avec du jus de canneberge (cranberry)… –, la stratégie en cas de récidives très fréquentes (au moins 1 épisode par mois) est l’antibiothérapie prophylactique. Mais cette dernière est associée à une incidence non négligeable d’effets indésirables et contribue au risque d’antibiorésistance. C’est pourquoi d’autres stratégies de prévention sont à l’étude.
L’une d’entre elles est la prise de compléments alimentaires à base de D-mannose (monosaccharide présent dans des fruits comme les canneberges ou les myrtilles). Étant donné les propriétés « anti-adhésives » de cette molécule – elle empêche l’adhésion aux cellules uro-épithéliales des bactéries, qui sont alors éliminées par la miction –, ces compléments sont souvent pris par les patientes mais leur efficacité est débattue.
Une revue de la Cochrane publiée en 2022, incluant 7 essais randomisés (dont un seul contrôlé contre placebo) avec un total de 719 participants, avait conclu à une insuffisance de preuves de bonne qualité pour soutenir ou réfuter l’utilisation du D-mannose dans cette indication. L’une des limites des études incluses était la petite taille des échantillons.
Pour la première fois, un essai randomisé en double insu, contrôlé contre placebo, a été mené au Royaume-Uni avec près de 600 participantes. Ses résultats viennent de paraître dans le JAMA Internal Medecine .
Pas de différence significative sur les récidives, la durée des symptômes ou la prise d’antibiotiques
Les 598 femmes éligibles (âge moyen : 58 ans), recrutées dans 99 centres de soins primaires entre mars 2018 et janvier 2020, avaient un antécédent de cystites récidivantes, défini comme la survenue d’au moins 2 épisodes de cystites au cours des 6 mois précédents ou 3 épisodes au cours des 12 mois précédents (la moyenne sur 1 an était de 4,6 épisodes). La prise d’une antibioprophylaxie dans les 3 mois précédant l’inclusion était un critère d’exclusion.
Elles ont été aléatoirement réparties en deux groupes : 303 recevaient un complément alimentaire de D-mannose sous forme de poudre (2 g/j) ; 295 recevaient un placebo de même forme, volume et goût.
Suivies pendant 6 mois, elles devaient tenir un journal quotidien (ou répondre à un questionnaire hebdomadaire) consignant l’observance, les éventuels symptômes de cystites et la prise d’antibiotiques. De plus, les recours aux soins primaires pour suspicion clinique de cystite, les éventuels résultats des cultures urinaires, les prescriptions d’antibiotiques et les hospitalisations étaient relevés grâce à l’examen des dossiers médicaux.
La proportion de femmes ayant au moins une récidive de cystite diagnostiquée cliniquement pendant le suivi était le critère de jugement principal. Les critères secondaires comprenaient la durée des symptômes, la prise d’antibiotiques, le délai entre l’inclusion et la récidive, le nombre de récidives et les admissions à l’hôpital liées à ces dernières.
Dans le groupe prenant le D-mannose, 51 % des femmes ont eu une récidive de cystite, contre 55,7 % dans le groupe placebo, une différence considérée non significative. Les résultats étaient similaires dans les analyses des sous-groupes (pré- et postménopause, fréquence des épisodes de cystites dans l’année précédente) et de sensibilité prenant en compte seulement les patientes ayant rapporté une bonne observance. Aucune différence significative n’a été décelée sur les critères secondaires non plus.
Les auteurs en concluent que les compléments alimentaires de D-mannose ne devraient pas être prescrits en prévention des cystites récidivantes en soins primaires. Ils précisent que ces résultats ne sont pas forcément généralisables au cas les plus sévères, de récidives très fréquentes ou requérant une hospitalisation.
D’autres pistes sont à l’étude. Un vaccin nommé MV140 (suspension orale contenant 4 espèces bactériennes entières inactivées) a montré, dans un essai randomisé contre placebo, une réduction de 60 % des récidives. Des approches visant à bloquer la liaison des pili de type 1 (fibres de surface contribuant à l’adhésion des bactéries aux tissus de l’hôte) d’Escherichia coli sont aussi explorées avec des mannosides synthétiques, dont l’affinité pour l’adhésine FimH (protéine adhésive située sur les pili de type 1) est beaucoup plus grande, ou sous forme de vaccin utilisant la FimH comme antigène. Ce dernier a démontré son innocuité et son immunogénicité dans un essai de phase I.