La découverte des premiers traitements antidépresseurs date des années 1950. Les propriétés des deux premières classes de traitements antidépresseurs, les inhibiteurs de la mono-amine oxydase (IMAO) et les tricycliques, furent découvertes par sérendipité. L’iproniazide, alors utilisé comme antituberculeux, avait pour « effet secondaire » une « stimulation du système nerveux central » : élévation de l’humeur, vitalité accrue. Les effets antidépresseurs de cette substance furent ensuite montrés en psychiatrie chez des patients déprimés n’ayant pas de tuberculose. Concernant les tricycliques, c’est au décours de la caractérisation des effets neuroleptiques de la chlorpromazine que la future imipramine, alors développée comme antihistaminique, fut identifiée comme ayant des effets antidépresseurs, ce qui conduisit à sa commercialisation en 1957. Si ces molécules furent découvertes ainsi, la description de leurs mécanismes neurobiologiques permit d’établir le rôle des mono-amines (sérotonine, noradrénaline, dopamine) dans la maladie dépressive. Cette hypothèse a dominé la conception neurobiologique de la dépression et a guidé le développement de générations de molécules agissant via cette neurotransmission.
Dans le traitement de la dépression, la démarche de construction d’une molécule sur la base d’un rationnel scientifique a montré ses limites. De nouvelles stratégies sont nécessaires. Il en est ainsi des études actuelles sur les mécanismes d’action de la kétamine, utilisée depuis les années 1970, initialement pour ses propriétés anesthésiques et sédatives puis à plus faible dose dans l’analgésie. L’activité antidépressive de ces substances passe par un antagonisme du récepteur NMDA (N-méthyl-D-aspartate), par une possible action sur les récepteurs opioïdes, mais aussi par une action directe sur les cellules microgliales, modulant ainsi l’état inflammatoire du système nerveux central. Ces travaux permettent non seulement de progresser dans la compréhension des mécanismes d’action mais aussi d’affiner nos connaissances sur la physiopathologie cognitive de la dépression, et plus encore de transformer en profondeur les représentations de cette maladie chez les patients ainsi que chez leurs proches et les soignants. Du fait de leurs effets spectaculaires, y compris dans les formes résistantes, ces molécules sont actuellement les plus prometteuses.

Fabien Vinckier, centre hospitalier Sainte-Anne, Institut du cerveau et de la moelle épinière, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris

23 mars 2021