Le traitement de la leucémie à promyélocytes (LAP) est fondé sur le concept général, qui a émergé à partir des années 1980, de la possibilité de faire évoluer une cellule maligne en levant le blocage de différenciation. L’acide rétinoïque d’abord dans sa forme 13 -cis puis tout-trans s’est avéré être un agent différenciant prometteur, avec la démonstration de son activité dans plusieurs études in vitro, aussi bien avec la lignée cellulaire promyélocytaire HL- 60 qu’avec des cellules fraîchement isolées de patients atteints de LAP. La LAP, un sous-type de leucémie aiguë myéloblastique, a le pronostic le plus sévère, souvent fatal en quelques jours du fait de la gravité des manifestations hémorragiques cataclysmiques d’une constante coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) échappant à tout traitement ; la chimiothérapie seule peut même intensifier l’hémorragie.Le premier cas d’une fillette de 5 ans, toujours bien portante, traitée en 1985, avec succès, par l’acide rétinoïque, ouvre la voie d’une nouvelle ère de recherche clinique. Les premières séries de patients utilisent l’acide rétinoïque (ATRA) d’abord seul puis, jusqu’en 1993, plusieurs essais testent l’ATRA en association avec la chimiothérapie (cytosine arabinoside) avec des taux de rémission variables. Bien que les taux de rémission observés soient élevés, avec 90 % de patients en vie à un an, la survie sur le plus long terme reste médiocre, de l’ordre de 30 % à trois ans.Une nouvelle étape est franchie par l’introduction du trioxyde d’arsenic (ATO) dans l’arsenal thérapeutique, les deux produits ayant une action synergique. À partir de 2013, plusieurs essais montrent la supériorité de l’association ATO-ATRA sur celle de la chimiothérapie-ATRA. Le taux de survie globale à deux ans pour le groupe traité par l’ATRA et l’ATO est de 99 %, et celui du groupe traité par l’ATRA et la chimiothérapie de 91 % (p = 0,02) ; le taux de rechute étant plus élevé avec chimiothérapie-ATRA. Plusieurs travaux ont ensuite montré que tous les cas de LAP n’étaient pas identiques et que les réponses étaient variables selon certaines caractéristiques initiales de la maladie. Les patients atteints de LAP ont été subdivisés en trois groupes de risque, élevé, intermédiaire et faible. Une importante étude chinoise a inclus 855 patients traités en induction par ATRA-ATO avec ou sans chimiothérapie selon les scores de risque, suivi d’un traitement de consolidation puis d’entretien. La rémission complète a été de 95 % et la survie à sept ans de 89 %, 93,5 % et 97 % selon les scores de risque. Cette étude a permis de mieux définir la place respective des traitements différenciants ATRA-ATO et de la chimiothérapie, à chaque étape du traitement.
Jian-Qing Mi, Ruijin Hospital, Shanghai, Chine, au nom de Zhen Yi Wang, membre de l’Académie d’ingénierie de Chine et associé étranger de l’Académie des sciences de France
24 janvier 2023