L’offensive anti-Nutri-Score s’est récemment intensifiée, menée par les « secteurs agricoles de grandes multinationales qui font de la résistance car elles n’apprécient guère d’être forcées de fournir aux consommateurs une information enfin compréhensible sur la composition nutritionnelle de leurs produits », expliquent les concepteurs de ce logo, le Pr Serge Hercberg et ses collègues, dans une tribune parue récemment dans Le Monde et signée à ce jour par plus de 800 professionnels de santé et scientifiques, dont les rédacteurs de La Revue du Praticien.
En effet, sous couvert de défendre la gastronomie traditionnelle française – fromages et charcuteries d’appellation d’origine protégée (Rocamadour, Roquefort, Maroilles…), souvent classés D ou E par ce logo en raison de leur teneur importante en graisses saturées et en sel –, de grands groupes agroalimentaires discréditent le Nutri-Score, niant les multiples études scientifiques qui mettent en évidence son intérêt et son efficacité dans l’amélioration de la santé des populations, particulièrement des plus défavorisées. « Derrière l’image des petits producteurs locaux et éleveurs de brebis mise en avant dans la communication anti-Nutri-Score, se camouflent de grands groupes agroalimentaires qui défendent avant tout leurs propres intérêts financiers », dénoncent les signataires de la tribune : Lactalis, premier producteur mondial de produits laitiers, qui détient à lui-seul 70 % de la production de Roquefort et de nombreux autres fromages, contrôle la moitié des AOP françaises et commercialise également des crèmes dessert, du beurre et de la crème fraîche (produits classés plutôt D et E par le Nutri-Score) ; Savencia, 5e groupe mondial, qui, outre sa large gamme de fromages dont plusieurs AOP (Maroilles, Roquefort, Époisses), produit également de la charcuterie et du chocolat (également classés plutôt D et E).
Qui plus est, cette campagne anti-Nutri-Score bénéficie de relais politiques : députés, sénateurs, et responsables politiques locaux qui, tout en se réclamant défenseurs des intérêts économiques des filières de production régionales là où ils sont élus (ou candidats…), omettent de mentionner les grands enjeux de santé publique liés à la nutrition auxquels la population française est confrontée (obésité, cancers, maladies cardiovasculaires, diabète…) et pour lesquels ce logo contribue à réduire le risque. « Sans argument scientifique, ils exigent d’exempter du Nutri-Score les fromages de leur région voire tous les aliments ayant une appellation d’origine, refusant aux consommateurs la transparence sur [leur] composition nutritionnelle » ; or, arguent les auteurs de ce texte, « ils feraient mieux de rappeler que la présence des deux informations sur les produits permet de tendre vers le concept “consommer moins mais mieux”. S’il faut limiter la consommation d’une famille d’aliments comme l’indique le Nutri-Score, en accord avec les recommandations de santé publique, les labels permettent d’orienter les choix dans cette catégorie, vers des produits qualitatifs, locaux, plus vertueux quant à leurs modes de production ».
En bref, une fois de plus, la santé publique est confrontée à des intérêts économiques industriels. Si le Nutri-Score sera amené à évoluer en fonction des connaissances scientifiques, ces évolutions ne doivent pas se faire pour complaire aux secteurs économiques et politiques ; elles doivent aller exclusivement dans le sens de l’intérêt des consommateurs et de leur santé.
Vous pouvez signer cette tribune en remplissant le formulaire sur le lien suivant : https://framaforms.org/nutriscore-1638781659
Le texte complet de la tribune et la liste de ses signataires sont disponibles également sur le site du Nutri-Score.
À lire aussi :
Nobile C. Entretien avec le Pr Serge Hercberg. Nutri-Score : effets sur la mortalité et le risque de cancer. Rev Prat (en ligne) 28 février 2021.
Hercberg S, Galan P, Egnell M, et al. Comment essayer de décrédibiliser un outil de santé publique qui dérange ?Rev Prat 2019;69(5):489-95.
Dossier – Conseils nutritionnels (élaboré selon les conseils du Pr Serge Hercberg). Rev Prat 2021;71(2);149-64.
Hercberg S, Galan P, Kesse-Guyot E, et al. Nutri-Score : le bilan 3 ans après son adoption officielle en France. Rev Prat 2021;71(2);151-3.