Selon l’OMS, les premières victimes de violences sexuelles sont les femmes et les enfants (10 % des filles et 5 % des garçons). L’agresseur appartient à la famille dans 80 % des cas. Pour les mineurs, une alerte peut être adressée à la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes (CRIP) du Conseil général ou directement au parquet des mineurs en cas de danger grave ou imminent. Pour les majeurs, en particulier vulnérables, la dérogation au secret médical est possible puisque la loi impose la révélation des sévices ou privations constatés, auprès du procureur de la République.
C’est en interrogeant les victimes qu’on peut identifier l’agresseur. Après une évaluation clinique adaptée, il est pris en charge par les équipes psychiatriques et judiciaires (en pré-sententiel) ou pénitentiaires (après condamnation). Pour mémoire, la pédophilie n’est pas une infraction, mais un trouble psychiatrique paraphilique. Une agression pédo- sexuelle ne relève pas systématiquement d’une personne pédophile. Mais le risque de passer à l’acte est plus grand lorsque l’on souffre de ce trouble.
L’expertise psychiatrique pénale éclaire la psychopathologie de l’auteur des violences, préconise un type de soins (obligation ou injonction de soins)1 et précise le registre de la dangerosité au regard du risque de récidive : criminologique ou psychiatrique si un trouble mental est identifié. Les conclusions du rapport concernant une personne condamnée soumise à un soin pénalement ordonné sont accessibles au praticien traitant via le conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP).

Troubles paraphiliques

Selon la 10e Classification internationale des maladies, ces troubles sexuels sont caractérisés par des fantasmes ou des pratiques déviantes, inhabituelles ou bizarres et susceptibles de perturber les relations à autrui.
ll s’agit d’impulsions persistantes, puissantes et incontrôlables qui impliquent des objets inanimés (fétichisme, transvestisme) ; de l’humiliation et/ou de la douleur (sadisme, masochisme) ; des enfants ou des partenaires non consentants (pédophilie, frotteurisme).
Le DSM-5 en distingue 8 et précise que « les fantaisies, impulsions, ou comportements sont à l’origine d’une souffrance cliniquement significative ou d’une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants » (encadré 2).
Chaque trouble paraphilique doit être caractérisée selon :2
– son importance relative dans le champ fantasmatique/des désirs/de la sexualité agie ;
– l’âge, la répartition et le sexe des sources d’excitation sexuelle ou des victimes ;
– la présence, l’intensité et la nature des violences associées ;
– le diagnostic comorbide d’un sadisme.
Ces troubles sont souvent associés ; la violence étant un facteur de gravité. Le diagnostic de paraphilie peut être affirmé au seul stade de fantasme, en l’absence d’agressions. à l’inverse, le visionnage et le téléchargement d’images pédopornographiques est une infraction qui ne relève pas que des patients pédophiles.

Prise en charge

La combinaison évolutive et graduée d’approches chimiothérapiques et psychothérapiques individuelles ou collectives (groupe, famille, pairs) offre les meilleurs résultats en prévention des rechutes.3 L’intensité et la fréquence des soins doivent être ajustées à la gravité des troubles et au risque de récidive.
La HAS en propose une gradation selon la sévérité des comportements sexuels, la psychothérapie y est toujours indiquée (tableau).4
Les traitements freinateurs de libido, par hypogonadisme pharmaco-induit (donc réversible), sont efficaces pour réduire l’activité sexuelle, des fantasmes à l’érection. Cette réponse médicamenteuse « quantitative » (niveau de libido ou d’appétit sexuel) doit toujours être associée à une approche psychothérapique « qualitative » (préférence sexuelle) centrée sur la sexualité et la santé globale. Deux médicaments sont disponibles.
La triptoréline (Salvacyl), analogue de la GnRH, est la seule molécule à avoir comme indication : « réduction majeure et réversible des taux de testostérone afin de diminuer les pulsions sexuelles chez l’homme adulte ayant des déviances sexuelles sévères. Le traitement doit être instauré et contrôlé par un psychiatre ». Outre l’hypersensibilité à une substance active, seule l’ostéoporose grave est une contre-indication formelle. La galénique injectable favorise l’observance (administration trimestrielle).
à l’introduction et à l’arrêt, un traitement freinateur de libido d’action périphérique (Androcur) doit être associé afin d’éviter un phénomène de rebond par rétro-feedback positif.
L’acétate de cyprotérone (Androcur), progestatif de synthèse d’action péri- phérique, per os, peut être utilisé mais hors AMM. Les contre-indications sont nombreuses, dont la dépression chronique sévère et les affections hépatiques sévères. L’instauration, l’évaluation ou l’arrêt requièrent l’avis d’un psychiatre aguerri. La durée du traitement, qui varie selon l’évolution clinique, est de 3 à 5 ans au minimum selon les auteurs.
En cas de besoin, les professionnels des centres ressources pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles (CRIAVS) sont à la disposition des médecins pour un accompagnement, une évaluation ou un conseil.5
Enfin, la prise en charge doit être la plus précoce possible. Le rapport « Auteurs de violences sexuelles : prévention, évaluation, prise en charge » insiste sur le dépistage et le traitement systématique de tous les comportements sexuels problématiques, en particulier chez les moins de 12 ans.6
Encadre

1. Médecin traitant : quel rôle dans l’injonction de soins ?

Pour la mise en œuvre de cette injonction, le juge de l’application des peines (JAP) désigne un médecin coordonnateur (formé et inscrit sur liste). Ce dernier invite le condamné à choisir un praticien (psychologue ou psychiatre). Une fois la peine arrivée à terme, il informe le condamné des possibilités de poursuivre le traitement. C’est au praticien de délivrer les attestations de suivi de la prise en charge. Il doit aussi informer le médecin coordonnateur ou à défaut le JAP en cas d’interruption du suivi. Il peut signaler toute difficulté au coordonnateur et solliciter auprès du JAP une nouvelle expertise psychiatrique.

Encadre

2. Troubles paraphiliques (DSM-5)

Fétichisme : utilisation d’objets inanimés comme stimulus pour l’excitation et la satisfaction sexuelle.

Exhibitionnisme : tendance récurrente ou persistante à exposer ses organes génitaux à des tiers non consentants.

Voyeurisme : tendance à observer à leur insu des personnes lorsqu’elle se livrent à des activités sexuelles ou intimes.

Frotteurisme : tendance à frotter son appareil génital contre des personnes à leur insu.

Masochisme sexuel : soumission à des violences verbales, psychiques (humiliations) ou physiques dans le but d’obtenir une excitation sexuelle.

Sadisme sexuel : imposition de souffrances pour se procurer une excitation.

Travestissement fétichiste : port de vêtements du sexe opposé, principalement pour parvenir à une excitation sexuelle.

Pédophilie : préférence sexuelle (à partir de 16 ans) pour des enfants prépubères de moins de 11 ans (on parle d’hébéphilie en cas d’attirance pour les adolescents au début de la puberté, puis d’éphébophilie pour les 15-18 ans ; la népiophilie est la préférence sexuelle pour les enfants en bas âge).

Références
1. Ministère de la Santé/ministère de la Justice. Guide de l’injonction de soins : https://bit.ly/2qWofpR
2. Coutanceau R, Lacambre M. De l’évaluation pluridisciplinaire aux stratégies thérapeutiques. In: Coutanceau R, Damiani C, Lacambre M, eds. Victimes et auteurs de violences sexuelles. Malakoff: Dunod; 2016:145-60.
3. Lacambre M, Bodkin W, Courtet P. Les violences sexuelles : nouvelles expressions, nouvelles interventions. Paris: Lavoisier Médecine Sciences; 2019:192 p
4. HAS. Prise en charge des auteurs d’agression sexuelle à l’encontre des mineurs de moins de 15 ans. Paris. Juillet 2009. https://bit.ly/34XSxaA
5. Site de la FFCRIAVS. https://www.ffcriavs.org/accueil/
6. Delarue JM, et al. Auteurs de violences sexuelles : prévention, évaluation, prise en charge. Rapport de la Commission d’audition du 17 juin 2018. Paris: Audition Publique, 14-15 juin 2018.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés
essentiel

Les délinquants sexuels sont soumis, lors de leur condamnation, à une injonction de soins.

Les freinateurs de libido, uniquement symptomatiques, ne peuvent être prescrits que par un psychiatre.

Ils sont réservés aux agresseurs ayant un trouble paraphilique sévère.

Une psychothérapie doit être toujours associée.