Depuis début 2024, dans un contexte d’épidémie inédite dans les Antilles françaises et en Amérique latine, on constate une forte augmentation des cas importés de dengue en France hexagonale. Face à un risque réel de diffusion épidémique cet été, Santé publique France appelle à la vigilance et donne des recos aux soignants.

La dengue est une maladie à déclaration obligatoire, tout comme le chikungunya et le Zika. Depuis 2023, le nombre de cas importés de dengue est en recrudescence, en particulier depuis le début de cette année. À l’approche de la saison d’activité du moustique tigre – vecteur de ces arboviroses –, Santé publique France a appelé à une vigilance renforcée.

Les moustiques du genre Aedes (moustiques tigre) sont en expansion fulgurante en France métropolitaine depuis les années 2000. Ils ont aujourd’hui colonisé la quasi-totalité du territoire (fig. 1). Pendant la période d’activité du moustique, du 1er mai au 30 novembre, une surveillance renforcée est mise en place par Santé publique France, en lien avec les Agences régionales de santé et le Centre national de référence des arbovirus.

Les cas importés explosent par rapport à 2023

Depuis 2023, le nombre de cas de dengue signalés dans l’Hexagone atteint des chiffres sans précédent : 2 019 cas importés (confirmés ou probables) notifiés entre le 1er mai et le 8 décembre 2023 ; sur cette même période, neuf foyers de transmission autochtone ont été identifiés, résultant en un total 45 cas de dengue infectés dans l’Hexagone.

Entre le 1er janvier et le 25 juin 2024, 2 788 cas importés de dengue ont été notifiés à Santé publique France, contre un peu plus de 100 en moyenne sur la même période des 5 années précédentes, et sur la même période en 2023 (fig. 2).

La grande majorité des cas reviennent des Antilles françaises et de la Guyane (près de 90 % sur les quatre premiers mois de 2024 et plus de 60 % entre mai et juin), où une épidémie est en cours depuis mi- 2023, dans un contexte de très forte augmentation des cas dans les Amériques. Depuis début 2024, le taux d’incidence cumulé de la dengue dans cette région (451 cas pour 100 000 habitants) est en effet 3 fois plus important qu’à la même période en 2023 et 5 fois plus important que la moyenne de cas sur cette période pendant les 5 années précédentes. L’Organisation panaméricaine de la santé explique cette épidémie inédite notamment par la hausse des températures (changement climatiques et phénomènes météorologiques extrêmes comme El Niño) et l’urbanisation croissante.

Vigilance à l’approche de l’été

Dans ce contexte, Santé publique France appelle à la vigilance des professionnels de santé pour diagnostiquer et signaler les cas aux autorités sanitaires. Tableaux cliniques, diagnostic et traitement sont détaillés dans l’encadré ci-dessous.

Elle a aussi alerté les voyageurs à l’approche de la saison d’activité du moustique tigre, entre mai et novembre, pour prendre les mesures de prévention nécessaires (v. ci-après).

Le Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (Covars) a également alerté, dans ses avis d’avril 2024 et avril 2023, sur le risque de diffusion épidémique estivale de la dengue, qui pourrait causer une « situation sanitaire exceptionnelle » étant donné : (1) l’augmentation des cas importés mais aussi des cas autochtones, favorisés par la diffusion du moustique tigre en raison des évolutions climatiques et environnementales ; (2) le manque de préparation aux épidémies de dengue en métropole, par rapport aux régions d’outre-mer. Ce risque est accru cette année par le déroulement des Jeux olympiques et paralympiques (augmentation probable de l’importation de cas et de diffusion du virus en période d’activité du moustique tigre).

Quelles mesures de prévention ?

Le moustique tigre est essentiellement urbain et pique surtout le jour, avec un pic d’activité en début et fin de journée. Il est silencieux et de petite taille (inférieure à une pièce de 1 centime d’euro), avec des rayures noires et blanches.

Les bons gestes pour éviter les piqûres : porter des vêtements amples et couvrants, utiliser des répulsifs antimoustiques cutanés sur les zones découvertes, utiliser des ventilateurs.

Pour les voyageurs : pendant les 15 jours suivant le retour d’une région où circule le virus, il est recommandé de consulter un médecin en cas de fièvre et de continuer à se protéger contre les piqûres de moustique pour éviter la dissémination du virus.

La lutte contre les gîtes larvaires est également importante : détruire ses lieux de ponte par la suppression des eaux stagnantes (tout réservoir d’eau, vases, coupelles, fûts, bidons, vieux pneus, etc.), éliminer ses lieux de repos (végétation) en élaguant les arbres et débroussaillant haies et herbes hautes (conseils à retrouver sur le site de l’Anses). Des affiches et brochures rappelant les bons gestes peuvent être téléchargées sur le site de l’ARS Île-de-France : https ://www.calameo.com/ars-ile-de-france/books/006779761d507bd88a541 

En outre, le signalement des cas permet aux ARS de mettre rapidement en œuvre des mesures de gestion et démoustication autour d’un cas pour éviter la mise en place d’un cycle de transmission autochtone (un moustique qui pique une personne infectée en période de virémie est à son tour infecté et peut retransmettre ensuite le virus).

Encadre

Dengue : tableaux cliniques et traitements

La dengue est asymptomatique dans 80 % des cas.

Dans les autres cas, après une période d’incubation de 3 à 14 jours, deux formes de dengue sont possibles :

  • la forme « classique » se manifeste par une fièvre élevée avec frissons, céphalées, nausées, vomissements, arthralgies, myalgies et une éruption cutanée. Ces symptômes régressent en une à deux semaines environ, mais les patients peuvent garder une asthénie pendant plusieurs mois ;
  • la forme sévère (5 % des cas symptomatiques), due à une augmentation de la perméabilité vasculaire, peut évoluer vers un choc et des hémorragies de mauvais pronostic (mortalité de 1 % à 20 % : les patients ont des douleurs abdominales intenses, des vomissements incessants avec parfois du sang, une polypnée, des gingivorragies et une asthénie profonde.

Habituellement, une dengue primaire est une forme classique, mais une dengue secondaire (deuxième infection avec une autre souche du virus) a un risque important d’évoluer vers une forme grave.

La détection du génome par PCR dans les premiers jours confirme le diagnostic, outre les arguments épidémiologiques. Le bilan biologique retrouve une leucopénie, une thrombopénie, une augmentation de la CRP et des enzymes hépatiques.

Diagnostics différentiels : chikungunya, paludisme, leptospirose, fièvre typhoïde ou encore des rickettsioses.

Le traitement est symptomatique : réhydratation, paracétamol (en évitant aspirine et anti-inflammatoires) pour les formes classiques. En cas de formes sévères, le patient doit être hospitalisé pour traiter l’état de choc hémodynamique.

Pour en savoir plus : Bourrée P. Dengue, chikungunya, Zika : il faut s’y préparer !  Rev Prat (en ligne) 21 décembre 2023.

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