Le mélanome provoque 1 % des cas de cancers et est à l’origine de la majorité des décès par cancer de la peau, soit 1 975 décès/an et 15 513 nouveaux cas/an. Son dépistage systématique annuel en population générale fait débat dans la communauté scientifique. Que disent les dernières données ?
Dépistage systématique : pas d’effet bénéfique
En 2008, l’Allemagne a été le premier pays à mettre en œuvre un programme national de dépistage des cancers cutanés. Ce programme a été évalué à partir des taux d’incidence d’hospitalisations, de décès et d’arrêts de travail dus aux cancers cutanés dans une population non sélectionnée et dans une population à haut risque.1 Les résultats, publiés en 2018, sur une population de 18 millions d’habitants, ont montré une stabilité du taux d’hospitalisation et estiment qu’il faut dépister 34 000 sujets pour éviter un décès dû au mélanome cutané (avec l’hypothèse d’une réduction du risque de décès liée au dépistage de 50 %). Sept ans après l’introduction de ce programme de dépistage, les auteurs ont souligné qu’aucun effet bénéfique du dépistage systématique n’était perceptible dans la population générale.
Par ailleurs, une métanalyse de la Cochrane, publiée en 2019, a rapporté que le dépistage du mélanome chez les adultes n’était ni soutenu ni réfuté par les données actuelles des essais comparatifs randomisés dont aucun n’a évalué l’effet sur la mortalité.2
Enfin, très récemment, des études3 ont montré qu’environ 50 % des mélanomes diagnostiqués relèveraient du surdiagnostic, soit 44 000 cas chez l’homme et 39 000 chez la femme dans la population américaine en 2018. Des études observationnelles n’ont pas retrouvé d’association entre le dépistage visuel et le stade de mélanome ou le risque de décès par mélanome.
Ainsi, selon les dernières recommandations américaines, les preuves sont insuffisantes pour généraliser un dépistage des cancers cutanés par examen visuel chez les adolescents et les adultes asymptomatiques.
Dépistage opportuniste en MG
Le Conseil scientifique du CNGE estime donc que les « données actuelles de la science ne sont pas en faveur d’un dépistage annuel systématique en population générale des cancers cutanés ». Cependant, le dépistage opportuniste en soins de première ligne, en fonction des risques personnels du patient, pourrait contribuer à faciliter le parcours de ces patients, au même titre que l’utilisation d’outils d’intelligence artificielle.4 Les auteurs précisent également que l’introduction de la dermoscopie en médecine générale, avec l’apport de la télédermatologie, pourrait permettre un adressage plus pertinent des patients aux dermatologues.
Téléexpertise en dermato : comment ça marche ?
Mise en place depuis 2022 par l’Assurance maladie, cette procédure permet de solliciter à distance l’avis d’un dermatologue par l’échange d’informations médicales (et notamment de photos). Point sur les modalités pratiques, l’équipement nécessaire, le remboursement dans la vidéo ci-dessous.
2. Johansson M, Brodersen J, Gøtzsche PC, et al. Screening for reducing morbidity and mortality in malignant melanoma. Cochrane Database Syst Rev 2019;6:CD012352.
3. Adamson AS, Naik G, Jones MA, et al. Ecological study estimating melanoma overdiagnosis in the USA using the lifetime risk method. BMJ Evid Based Med 2024;29(3):156-61.
4. Crawford ME, Kamali K, Dorey RA, et al. Using Artificial Intelligence as a Melanoma Screening Tool in Self-Referred Patients. J Cutan Med Surg 2024;28:37-43.
Pour en savoir plus :
Collège national des généralistes enseignants. Dépistage systématique des cancers cutanés : une fausse bonne idée ? 6 juin 2024.