Épidémiologie
Le CCR est de très bon pronostic lorsqu’il est détecté à un stade précoce (I et II, pas d’envahissement ganglionnaire ni métastatique). Survie à 5 ans : 90 % pour ceux diagnostiqués au stade I et II, mais seulement 70 % au stade III et 13 % au stade IV. Une baisse de la mortalité très probablement liée à des diagnostics plus précoces et à l’amélioration de la prise en charge est observée depuis les années 80.
Trois niveaux de risque
Principaux facteurs modifiables : obésité (RR = 1,1), tabac (RR = 1,2 pour 20 paquets-années) et consommation de viande rouge ou transformée plus de 5 fois par semaine (RR = 1,1). Cette épidémiologie a permis d’élaborer des stratégies de dépistage adaptées au risque. Trois groupes ont été identifiés :
– le niveau moyen concerne des patients asymptomatiques âgés de 50 à 74 ans sans facteur prédisposant, soit 80 % des CCR. Le risque de CCR dans cette population a été estimé à environ 3,5 % à 75 ans. Elle est la cible du programme national de dépistage organisé ;
– le risque est dit élevé en cas d’antécédent personnel d’adénome ou de CCR et/ou d’antécédent familial au 1er degré de CCR quel que soit l’âge de survenue, ou d’adénome > 10 mm de diamètre détecté avant 65 ans, si 2 ou plusieurs antécédents familiaux au 1er degré de CCR quel que soit l’âge de survenue, une maladie inflammatoire chronique (rectocolite hémorragique ou maladie de Crohn) avec pancolite et/ou une atteinte inflammatoire ancienne. Soit 15 à 20 % des CCR. Le risque de cancer est évalué à environ 10 %. Le dépistage doit être fait par coloscopie et l’identification puis la motivation des sujets concernés restent à améliorer. Il n’existe en effet à ce jour aucune systématisation du dépistage coloscopique dans cette population ;
– le risque très élevé qualifie les sujets ayant une prédisposition génétique, notamment un syndrome de Lynch ou une polypose adénomateuse familiale (PAF). La probabilité de CCR est évaluée entre 40 et 100 %, mais ces patients représentent seulement 1 à 3 % des CCR en France. Ils doivent bénéficier d’un plan personnalisé de prévention établi lors d’une consultation d’oncogénétique, encore insuffisamment proposée. Le dépistage du CCR repose sur la coloscopie avec examens rapprochés.
Dépistage en cas de risque moyen
Ce dépistage est proposé gratuitement aux hommes et aux femmes de 50 à 74 ans tous les 2 ans, soit plus de 18 millions d’individus. Le taux de participation est de 33,5 %, bien inférieur à l’objectif européen minimal acceptable de 45 % et loin du taux souhaitable de 65 %. Cependant le « vrai » taux de couverture, prenant en compte la coloscopie hors dépistage organisé, reste peu décrit mais est probablement supérieur à 45 %.
Une lettre individuelle accompagnée d’un document d’information est envoyée à tous les hommes et femmes de 50 à 74 ans leur demandant de consulter leur médecin traitant pour recevoir des explications avec le cas échéant remise du test. L’intégration régionale des structures de gestion départementale en charge des 3 dépistages organisés du cancer (sein, col de l’utérus et colorectal) récemment achevée a pu retarder certaines actions. Le caractère multicéphale du pilotage des dépistages (DGS, Assurance maladie, INCa, Santé publique France, structures de gestion) permet une approche fine de l’action publique mais rend hélas l’éxécution de certaines d’entre elles complexe.
Le médecin traitant détermine si ce test est approprié à la situation de son patient selon son niveau de risque. S’il est moyen, sans contre-indication temporaire ou permanente, il remet le test tout en expliquant les modalités d’utilisation et en s’assurant de la bonne compréhension de la démarche. La conduite à tenir en cas de positivité (nécessité d’une coloscopie) doit alors être clairement expliquée.
Le médecin traitant doit aussi proposer le test à toute personne éligible même si elle n’a pas reçu de lettre d’invitation.
Pour réaliser le test il suffit de gratter la surface d’une selle à plusieurs endroits à l’aide de la tige fournie dans l’emballage. Une fois acheminé, la lecture est centralisée dans un seul laboratoire national. Le résultat est transmis au patient, au médecin identifié sur le prélèvement et à la structure de gestion. Un test positif est associé à un risque d’environ 6 % de CCR et 34 % d’adénomes avancés.
En cas de test négatif, le sujet est invité à le renouveler 2 ans plus tard. Il est également sensibilisé aux signes cliniques d’alerte qui doivent le conduire à consulter sans attendre ce délai de 2 ans. Si le test est positif, le médecin doit prescrire la coloscopie, effectivement réalisée dans environ 90 % des cas.
L’absence de médecin traitant ou de consultation avec ce dernier ainsi que ses contraintes d’organisation (temps imparti, disponibilité du matériel), voire le manque de motivation de certains praticiens, sont des freins identifiés au dépistage. Un envoi postal direct du test généralisé tel qu’il est pratiqué dans certains pays européens n’a pas été retenu en France bien que cette modalité ait été estimée coût-efficace par une étude récente.
Le testest cependant directement envoyé aux personnes ayant déjà participé à une précédente campagne et n’ayant pas renouvelé cette démarche malgré la relance postale. D’autres voies comme l’envoi du test après vérification des critères d’inclusion et d’exclusion par autoquestionnaire, voire sa remise par d’autres professionnels de santé, font l’objet d’évaluation et devraient permettre de mieux couvrir la population. La relance par SMS ou en utilisant des messageries de réseaux sociaux pourraient aussi être des outils complémentaires utiles.
CCR : faire une coloscopie de prévention si risque moyen ?
Différentes stratégies de dépistage sont mises en œuvre dans les pays où l’incidence de ce cancer justifie une prévention.3 Certains pays ou institutions proposent une coloscopie de prévention pour toutes les personnes âgées de plus de 45 ans (recommandation 2018 de l’Association de lutte contre le cancer, États-Unis), de 50 ans (American Gastroenterological Association, États-Unis) ou de 55 ans (Allemagne, Pologne). C’est la méthode de référence pour l’exploration colique, avec une sensibilité pour la détection des cancers proche de 100 % lorsqu’elle est pratiquée en respectant les critères de qualité. La participation de la population est variable, inférieure à 25 % en Allemagne, mais élevée dans certaines villes nord-américaines.
Les résultats intermédiaires des essais randomisés en cours comparant cette approche au dépistage organisé par test immunologique ne montrent pas d’avantage clair pour la coloscopie d’emblée. Cet examen a un impact important tant économique qu’humain (anxiété, arrêts de travail et iatrogénie) et n’est pas coût-efficace en France. Ainsi, en cas de risque moyen, la coloscopie de prévention ne doit pas être proposée. Elle peut cependant être réalisée chez des sujets souhaitant une protection maximale après information loyale sur le rapport bénéfice/risque.
2. Sportes A, Bejou B, Catajar N, Benamouzig R. Dépistage du cancer colorectal. EMC (Elsevier Masson SAS) Gastro-entérologie, 2016 [9-008-E-50].
3. Young GP, Rabeneck L, Winawer SJ. The Global Paradigm Shift in Screening for Colorectal Cancer. Gastro- enterology 2019;156:843-851.e2.