Le dépistage individuel du cancer de la prostate repose en partie sur le dosage du PSA (prostate specific antigen), mais ce marqueur, imparfait car non spécifique (sa valeur dépendant notamment de la taille de la prostate, qui augmente avec l’âge, donc fluctuante par nature), est loin d’être idéal. Il ne permet pas, en outre, un dépistage en population générale – non recommandé par les autorités sanitaires actuellement. Si d’autres marqueurs ont été développés (Prostate Health Index, 4Kscore, PCA3, SelectMDx…), ils n’ont pas, pour le moment, évincé le dosage du PSA ; en outre, d’autres biomarqueurs sont actuellement à l’étude, dans l’espoir notamment de mieux différencier les tumeurs indolentes des agressives, pour limiter les risques de surtraitement voire le recours aux examens invasifs.
Dans une étude cas-témoins rétrospective , récemment publiée dans la revue Cancers , des chercheurs britanniques ont évalué les performances d’un nouveau test épigénétique qui, couplé au dosage du PSA, pourrait affiner la recherche du cancer de la prostate.
Ce test épigénétique, EpiSwitch, utilise une analyse algorithmique des conformations tridimensionnelles de la chromatine (CC). Ces dernières sont des régulateurs épigénétiques de l’expression des gènes et des phénotypes cellulaires pathologiques ; or d’importantes altérations épigénétiques au niveau des CC ont été retrouvées dans les tumeurs primaires de la prostate et dans l’ADN circulant des patients atteints de ce cancer. Ainsi, ce test, fondé sur l’identification de ces signatures, permettrait la détection et la stratification du cancer de la prostate. Dans cette étude, il a été couplé au dosage du PSA afin d’en augmenter la précision.
Pour évaluer cette combinaison, les chercheurs ont utilisé les échantillons sanguins de patients provenant de deux cohortes : 109 patients de 50 à 69 ans prenant part à l’étude pilote de dépistage Prostagram (21 ayant un cancer de la prostate et 88 contrôles) et 38 patients de l’Imperial College NHS Trust (29 ayant un cancer de la prostate et 9 contrôles). Un dosage de PSA a été pratiqué sur tous les échantillons, et la présence de signatures conformationnelles de la chromatine y a aussi été recherchée (dans les loci codant pour DAPK1, HSD3B2, SRD5A3, MMP1 et miRNA98, associés à un risque élevé de cancer de la prostate dans de précédents travaux).
Résultats : le test EpiSwitch couplé au dosage du PSA a montré de très bonnes valeurs prédictives, positive (0,81) et négative (0,78), contrairement au dosage du PSA seul (avec une valeur seuil > 3 ng/mL), dont la valeur prédictive positive était très faible (0,14), quoique sa valeur prédictive négative ait été plus élevée (0,93). Le test EpiSwitch seul, quant à lui, a montré une valeur prédictive positive plus élevée (0,91) mais une valeur prédictive négative faible (0,32). Ainsi, les auteurs en concluent que c’est la combinaison EpiSwitch + dosage du PSA qui permet la plus grande précision dans la détection du cancer de la prostate. De plus, lorsque le dosage du PSA est pris en compte comme une variable continue – et non dichotomique comme avec le seuil de 3 ng/mL –, sa combinaison avec le test EpiSwitch dans un modèle de stratification multivarié améliore encore davantage les valeurs prédictives positive (0,93) et négative (0,95).
Dès lors, ce test combiné, qui est rapide, non invasif et peu coûteux, pourrait être une option intéressante, à condition d’être validée dans des études prospectives, sur de plus vastes cohortes ayant une prévalence moins élevée du cancer de la prostate que dans celle du présent essai.
S’il ne s’agit que d’une étude pilote sur une centaine de patients, « intéressante dans son principe mais non encore applicable en clinique », ses résultats doivent néanmoins être connus par les médecins « afin qu’ils ne soient pas pris au dépourvu si leurs patients leur en parlent », commente le Pr François Desgrandchamps, chef de service d’urologie de l’hôpital Saint-Louis (AP-HP, Paris).
À lire aussi :
Barbat V. Dépistage du cancer de la prostate : guide de survie pour le MG. Rev Prat (en ligne) 1er décembre 2021.
Ferriere JM. PSA : ni trop ni trop peu ! Rev Prat Med Gen 2020;34(1041);386-7.