Une large cohorte multiethnique montre qu’un diabète gestationnel détecté par une hyperglycémie à jeun a un pronostic différent de celui détecté par une hyperglycémie post-charge lors du test d’HGPO – et ce, même lorsque le diabète est ensuite traité. Explications...

Le dépistage du diabète gestationnel est recommandé entre 24 et 28 SA, en présence d’au moins un facteur de risque (> 35 ans, IMC > 25 kg/m2, antécédent de diabète au 1er degré, antécédent personnel de diabète gestationnel ou de macrosomie), par une hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) avec 75 g de glucose, avec mesure des glycémies à 0, 1 et 2 heures. Si la glycémie est ≥ 0,92 g/L (5,1 mmol/L) à jeun, ou ≥ 1,80 g/L (10 mmol/L) à 1 h, ou > 1,53 g/L (8,5 mmol/L) à 2 h, le diagnostic de diabète gestationnel peut être posé – une seule valeur positive est en effet suffisante. Un diabète gestationnel précoce peut aussi être détecté au 1er trimestre lorsque la glycémie à jeun est comprise entre 0,92 g/L et 1,25 g/L (si ≥ 1,26 g/L, il s’agit d’un diabète de type 2).

Dans une étude observationnelle qui vient de paraître dans Diabetes & Metabolism, des chercheurs français se sont intéressés aux différents pronostics selon que le diabète gestationnel a été détecté grâce à une valeur haute de la glycémie à jeun et/ou de la glycémie suivant la charge orale en glucose.

La cohorte était composée de 8 339 femmes ayant accouché à l’hôpital Jean-Verdier (Bondy) entre janvier 2012 et décembre 2018. Il s’agissait d’une cohorte multiethnique où 28 % des participantes étaient originaires d’Afrique subsaharienne, 28 % d’Europe, 20 % d’Afrique du Nord et 10 % du sous-continent indien, entre autres.

Les femmes incluses avaient eu un dépistage du diabète gestationnel après 24 SA selon les recommandations ; chez 82 % d’entre elles, aucune hyperglycémie n’a été détectée, alors que 17 % ont eu un diagnostic de diabète gestationnel (les 1 % restantes avaient un diabète, avec des valeurs plus élevées que celles correspondant à un diabète gestationnel : ≥ 7 mmol/L à jeun et/ou ≥ 11,1 mmol/L à 2 h post-charge). Les femmes ayant un diabète connu avant la grossesse ou une hyperglycémie diagnostiquée avant 24 SA ont été exclues de l’étude.

Les participantes ont donc été classées en 4 groupes :

  • sans hyperglycémie (N = 6 832), groupe de référence ;
  • hyperglycémie détectée seulement à jeun (N = 465) ;
  • hyperglycémie détectée seulement post-charge (N = 646) ;
  • hyperglycémie détectée à jeun et post-charge (N = 396).

Le risque de macrosomie (critère principal de jugement) et d’autres issues défavorables de la grossesse (naissance prématurée, admission du nouveau-né en soins intensifs : critères secondaires) a été évalué dans chaque groupe.

Résultats : après ajustement pour l’âge, l’IMC, l’ethnicité, la parité et le tabagisme, les groupes « hyperglycémie à jeun isolée » et « hyperglycémie à jeun et post-charge » avaient un risque accru de macrosomie (respectivement : aOR = 1,47 et 1,65 par rapport au groupe de référence), mais ce n’était pas le cas du groupe « hyperglycémie post-charge isolée ». En revanche, le risque de naissance prématurée et d’admission du nouveau-né en soins intensifs était plus élevé dans ce dernier et dans le groupe « hyperglycémie à jeun et post-charge » : respectivement, aOR = 1,44 et 1,81 pour la naissance prématurée, 1,28 et 1,24 pour l’admission du nouveau-né en soins intensifs, par rapport au groupe de référence.

Ces données montrent que, même lorsque le diabète gestationnel est traité, il est associé à un risque accru de macrosomie lorsqu’il a été détecté par une hyperglycémie à jeun et à un risque accru de naissance prématurée et d’admission du nouveau-né en soins intensifs lorsqu’il a été détecté par une hyperglycémie post-charge lors du test d’HGPO.

D’autres études sont nécessaires pour mieux comprendre ces risques résiduels et déterminer si des adaptations du traitement sont nécessaires pour les diminuer. Ces résultats confirment par ailleurs l’importance de dépister le diabète gestationnel avec les deux mesures préconisées (à jeun et post-charge) et pas uniquement par une hyperglycémie à jeun.