L’incidence des cancers de l’anus est en constante augmentation depuis quelques années. Il s’agit donc d’un enjeu de santé publique.1 La majorité de ces cancers est due à des papillomavirus humains (HPV) oncogènes, selon une physiopathologie similaire à celle du cancer du col de l’utérus. Ces cancers sont ainsi précédés par des lésions intra­épithéliales malpighiennes de haut grade dont le traitement permet de réduire le risque de survenue de cancer invasif.2 Bon nombre d’équipes ont donc proposé des programmes de dépistage de ces lésions, sans consensus clair, avec des recommandations éminemment variables selon les pays. C’est la raison pour laquelle un groupe d’experts français, sous la direction du Dr Lucas Spindler (service de proctologie médico-chirurgicale de l’hôpital Paris Saint-Joseph), a rédigé des recommandations de dépistage de ces lésions précancéreuses. Ce travail tant attendu a été réalisé sous l’égide de la Société nationale française de colo-proctologie (SNFCP).
Ces recommandations reposent sur des choix scientifiques parfois arbitraires mais elles sont intéressantes pour leur parti pris s’attachant à « faire simple ». Elles s’adressent évidemment seulement à des patients asymp­tomatiques. Elles ne visent que les trois sous-groupes de population ayant le plus haut risque de cancer de l’anus (incidence supérieure à 40/100 000) : hommes de plus de 30 ans ayant des rapports sexuels avec des hommes et vivant avec le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), femmes transplantées d’organe solide depuis plus de dix ans et femmes ayant un antécédent de lésion précancéreuse ou de cancer de la vulve. Le test de dépistage de première intention choisi est la recherche par polymerase chain reaction (PCR) de l’HPV16 sur un frottis anal. En effet, la prévalence de ce virus est très élevée dans le cancer de l’anus, et un résultat négatif permet, pour un temps, d’éviter des consultations de dépistage inutiles. En revanche, en cas de positivité, il est recommandé de compléter le bilan par un examen proctologique et une analyse cytologique du frottis. En cas d’anomalie clinique et/ou cytologique, une anuscopie haute résolution est demandée. Cette technique de visualisation de la peau et de la muqueuse est actuellement considérée comme la plus fiable pour la détection des lésions précancéreuses de l’anus.3,4
Certes, des difficultés demeurent et sont susceptibles de limiter l’application à large échelle de ces recommandations. Par exemple, le frottis est un geste simple mais qui va le réaliser en pratique : les gastroentérologues, les proctologues ? les infectiologues pour les patients vivant avec le VIH ? les gynécologues pour les femmes ? les patients eux-mêmes par des autotests ?... En outre, le test HPV16 et la cytologie de l’anus ne sont pas encore remboursés en France. Il subsiste aussi un défaut de disponibilité de l’anuscopie haute résolution sur le territoire. Enfin, d’autres tests de dépistage, comme les marqueurs de méthylation ou les marquages P16/Ki67, potentiellement plus discriminants, enrichiront sans doute bientôt le panel actuel. Cela conduira inéluctablement à réactualiser ces recommandations, qui ont toutefois le mérite de la clarté et du pragmatisme. À n’en pas douter, elles rendront service aux patients et inspireront d’autres sociétés savantes. 
Références
1. Deshmukh AA, Damgacioglu H, Georges D, Sonawane K, Ferlay J, Bray F, et al. Global burden of HPV-attributable squamous cell carcinoma of the anus in 2020, according to sex and HIV status: A worldwide analysis. Int J Cancer 2023;152(3):417-28.
2. Palefsky JM, Lee JY, Jay N, Goldstone SE, Darragh TM, Dunlevy HA, et al.; ANCHOR Investigators Group. Treatment of anal high-grade squamous intraepithelial lesions to prevent anal cancer. N Engl J Med 2022;386(24):2273-82.
3. Spindler L, Etienney I, Abramowitz L, de Parades V, Pigot F, Siproudhis L, et al.; Société nationale française de colo-proctologie. Screening for precancerous anal lesions linked to human papillomaviruses: French recommendations for clinical practice. Tech Coloproctol 2024;28(1):23.
4. SNFCP. Recommandations pour la pratique clinique. Lésions précancéreuses anales liées aux papillomavirus humains: dépistage et prise en charge. 2022. https://vu.fr/TgsB