Les chiffres alarmants ne diminuent pas. Une femme sur trois y sera confrontée à un moment de sa vie, et les dernières statistiques ont montré leur recru­descence – ou plutôt leur révélation – lors des périodes de confinement et de couvre-feux que nous venons de vivre¹.
Durant de nombreuses années, ces violences intrafamiliales ont été associées aux milieux sociaux les plus défavorisés. On sait maintenant qu’elles touchent toutes les catégories de la population, quels que soient l’âge ou la classe sociale. Les violences conjugales sont trop souvent taboues ; les victimes ont beaucoup de mal à en parler ou à porter plainte par crainte de représailles ou par manque d’alternatives à l’abandon du domicile conjugal. Progressivement, ce mur du silence se brise, et les affaires dont la presse s’est fait l’écho ces dernières semaines en sont la meilleure preuve.
L’objectif du Grenelle contre les violences conjugales en 2019 était de répondre à cette problématique complexe. Un an plus tard, parmi les 46 mesures retenues pour « combattre, prévenir et protéger », seules quelques-unes sont appliquées, même si l’on ne peut que saluer la montée en puissance du numéro d’appel 3919 et du nombre de logements d’urgence et de structures d’accueil².
En tant que généralistes, nous sommes et serons concernés. Comment aider au mieux ces patientes violentées ? Faut-il dépister systématiquement, comme le préconisent l’OMS ou la HAS ? Une grande majorité des femmes y seraient favorables, à chacun d’entre nous de voir sa faisabilité en fonction de ses compétences, de sa disponibilité intellectuelle et, malheureusement, du temps imparti à chaque consultation. Affiches ou flyers en salle d’attente représenteraient déjà une bonne ouverture au dialogue.
Certaines situations rencontrées quotidiennement et a priori banales devraient également nous alerter et faire privilégier un dépistage ciblé souvent très productif : lésions traumatiques (bien sûr) mais aussi plaintes récurrentes inexpliquées, tableaux anxiodépressifs, troubles du sommeil ou de l’alimentation, conduites addictives, IST, infections génitales ou urinaires à répétition, grossesse non désirée ou encore troubles du comportement ou des apprentissages des enfants. Autant de motifs de consultation a priori peu évocateurs mais pouvant cacher une importante souffrance difficile à verbaliser. Une attitude empathique, un questionnement ouvert et une bonne gestion des silences créent également une véritable confiance réciproque susceptible de faire émerger la véritable plainte.
En cas de difficultés ressenties pour gérer ces situations, le mieux est certainement de suivre des formations spécifiques. Il existe aussi des outils faciles d’accès et fort utiles, comme les fiches pratiques de la HAS3, 4, l’aide à la rédaction d’un certificat proposée par le CNOM5 ou le questionnaire canadien WAST6 validé pour la France, aux bonnes valeurs prédictives positives et négatives, composés de 8 items seulement.
La violence est partout : dans la rue, à la télévision, au travail, dans les jeux vidéo, dans les familles. Une dérive sociétale qui se banalise. Repérer les violences faites aux femmes, c’est prendre en charge leur santé tant physique que mentale et, souvent, celles de leurs enfants également.

1. Élisabeth Moiron-Braud. Rapport de la MIPROF Les violences conjugales pendant le confinement : évaluation, suivi et propositions. Juillet 2020.
2. Grenelle contre les violences conjugales. Point d’étape (3 septembre 2020). https://bit.ly/3aIFPRF
3. Repérage des femmes victimes de violences au sein du couple. Repérer, évaluer. HAS (juin 2019). https://bit.ly/2MGWLQr
4. Repérage des femmes victimes de violences au sein du couple. Comment agir. HAS (décembre 2020). https://bit.ly/3cO5omX
5. Que faire face à une femme victime de violences ? CNOM (octobre 2019). https://bit.ly/3oUpK0b
6. Guillam MT, Ségala C, Cassagne E, et al. Épidémiologie des violences conjugales en France et dans les pays occidentaux. Bull Epidemiol Hebd 2016;(22-23):385-9. https://bit.ly/2YOG4Fg

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