La Haute Autorité de santé vient de publier le premier cadre national de référence pour l’évaluation globale de la situation des enfants en danger. Quels en sont les objectifs ? Quels sont les outils susceptibles d’intéresser les professionnels de santé ?
En 2018, plus de 52 000 enfants ont été victimes de violences, mauvais traitements ou abandons, d’après les chiffres du plan interministériel de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants. À cela s’ajoutent les plus de 27 000 plaintes pour violences sexuelles enregistrées la même année.
La pandémie de Covid n’a fait qu’aggraver cette situation : au début du premier confinement, le nombre d’appels au 119 pour signaler des violences contre mineur avait augmenté de 89 % par rapport à la même période l’année dernière. Selon une étude conduite par le CHU de Dijon, la part des situations de violences physiques dans les hospitalisations d’enfants de moins de 5 ans a connu une hausse de 50 % au printemps 2020, par rapport à la même période des trois années précédentes.
Des chiffres qui ne reflèteraient qu’imparfaitement la réalité de ce problème de santé majeur : données manquantes, biais liés à la définition des « informations préoccupantes* » et à la différence dans la manière de comptabiliser ces données entre les départements, etc., conduiraient à sous-estimer son ampleur, ce qui aboutit in fine à une perte de chance pour les enfants et adolescents concernés.
C’est pourquoi la Haute Autorité de santé a élaboré le premier cadre national de référence pour l’évaluation globale de la situation des enfants en danger, qu’elle a publié le 20 janvier 2021. Son but ? Harmoniser les pratiques sur l’ensemble du territoire et améliorer la qualité de l’évaluation des informations préoccupantes pour faciliter la prise de décision. Car, selon divers rapports, les failles du dispositif de recueil et de traitement de ces informations portaient en particulier sur le respect des délais de traitement prévus par la loi, l’absence d’outils partagés au niveau national et le manque d’échanges sur les pratiques de la part des professionnels de terrain.
Qui en sont les destinataires ?
Le dispositif de recueil des informations préoccupantes* étant au centre de ces recommandations, ces dernières s’adressent non seulement aux professionnels des cellules qui recueillent et traitent ces informations, mais aussi à toute personne susceptible de les transmettre, c’est-à-dire à tous les acteurs intervenant auprès d’enfants et adolescents, au premier rang desquels se trouvent les professionnels de santé, et particulièrement les médecins généralistes, acteurs privilégiés pour dépister ces violences et orienter les victimes, d’autant plus que le contexte actuel aggrave leur rupture avec le monde extérieur et l’isolement qui en résulte.
Les outils pour accompagner les professionnels
Constitué de trois livrets, adaptés aux différents destinataires, ce cadre national de référence comporte notamment un guide d’accompagnement à l’évaluation (livret 3) qui peut servir d’appui méthodologique aux professionnels chargés d’évaluer une situation préoccupante : rappels des facteurs de risque et des signes d’alerte, repères concernant la bonne santé d’un enfant ou un adolescent, thématiques à aborder, exemples de questions à poser, etc.
À cela s’ajoute une « boîte à outils », c’est-à-dire un recueil de fiches pour aider les professionnels dans leurs pratiques quotidiennes : entre autres, une trame unique pour le recueil des informations préoccupantes, des fiches-conseil pour les entretiens avec les enfants et adolescents et avec les parents.
Enfin, la HAS rappelle que la démarche d’évaluation d’une information préoccupante doit porter sur tous les domaines de vie de l’enfant/adolescent (développement, santé physique et psychique, scolarité et vie sociale, relations avec la famille), sur son contexte de vie et les réponses apportées par ses parents à ses besoins fondamentaux.
Au sein du conseil départemental, elle devra être pluridisciplinaire (travailleurs sociaux, professionnels de santé et psychologues) et mobiliser des compétences complémentaires, en fonction des problématiques repérées (handicap, troubles du neurodéveloppement, addiction, etc.). Enfin, elle doit être participative, menée avec l’enfant/adolescent, les parents et les autres membres du réseau social : professionnels intervenant auprès de l’enfant mais aussi, selon les situations, membres de la famille proche et élargie, amis, etc.
* Selon l’article R226-2-2 du code de l’action sociale et des familles, « l’information préoccupante est une information transmise à la cellule départementale (…) pour alerter le président du conseil départemental sur la situation d’un mineur, bénéficiant ou non d'un accompagnement, pouvant laisser craindre que sa santé, sa sécurité ou sa moralité sont en danger ou en risque de l'être ou que les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ou en risque de l'être. La finalité de cette transmission est d’évaluer la situation d’un mineur et de déterminer les actions de protection et d'aide dont ce mineur et sa famille peuvent bénéficier. »
Pour en savoir plus
HAS. Évaluation globale de la situation des enfants en danger ou risque de danger : cadre national de référence. Recommandation de bonne pratique. Mis en ligne le 20 janvier 2021.
À lire sur ce sujet
Balençon M, Société française de pédiatrie médico-légale. Repérage des situations de violence chez les enfants et les adolescents en sortie de confinement. Rev Prat 2020;70:765-8.
Violences intrafamiliales : poser la question pour libérer la parole ! Entretien avec le Dr Gilles Lazimi.
L.M.A., La Revue du Praticien
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