On considère que près de la moitié des épisodes dépressifs caractérisés entrent dans le cadre d’un trouble bipolaire.
De ce fait, il est indispensable de demander systématiquement les antécédents d’humeur expansive, d’excitation ou d’irritabilité (de n’importe quelle durée) ainsi que les antécédents familiaux de manie.
Dépression bipolaire : aspects cliniques
Si l’épisode dépressif caractérisé survenant dans le cadre d’un trouble bipolaire ne se différencie pas fondamentalement de celui survenant au cours d’un trouble dépressif récurrent (« unipolaire »), certains éléments cliniques spécifiques peuvent orienter le praticien vers une dépression bipolaire :
- présence d’éléments de mixité (symptômes hypomaniaques associés) ou d’éléments d’atypicité (hypersomnie, hyperphagie, sensation de lourdeur dans les membres) ;
- survenue dans le post-partum ;
- décalage entre expression émotionnelle et psychomotricité ;
- non-réponse (résistance), aggravation (insomnie rebelle, pulsions suicidaires), agitation ou signes d’hypomanie sous antidépresseur ;
- réponse ultrarapide sous antidépresseur (moins de 7 jours).
Risque suicidaire
Il est essentiel d’évaluer et de prévenir le risque suicidaire au cours d’un épisode dépressif, notamment en recherchant les éléments cliniques suivants :
- présence d’idéations suicidaires ou d’homicide (intentionnalité et planification) ;
- accès et létalité des moyens disponibles ;
- présence d’éléments psychotiques (notamment de commandes hallucinatoires) ou d’anxiété sévère ;
- prise de toxiques ;
- antécédents de passage à l’acte et leur sévérité ;
- antécédents familiaux de suicide ou exposition récente à un suicide.
Il est important de signaler qu’il n’y a pas de différence en matière de gravité du risque suicidaire entre les troubles bipolaires de type 1 et de type 2. Les épisodes thymiques les plus à risque sont ceux comprenant des éléments de mixité.
Enfin, le suicide reste une des premières causes de mortalité chez les patients jeunes. La prévention et le dépistage des conduites suicidaires dans cette population de patients sont ainsi déterminants pour la prise en charge du trouble bipolaire juvénile.
Prise en charge thérapeutique
Place des antidépresseurs
La prescription d’antidépresseurs dans le trouble bipolaire comporte plusieurs risques :
- virage de l’humeur hypomaniaque ou maniaque ;
- état mixte constitué ;
- évolution vers des cycles rapides ;
- majoration du risque suicidaire.
Leur utilisation dans la dépression bipolaire peut être validée en association avec un thymorégulateur, notamment s’il existe un antécédent de réponse positive chez le patient. Il faut néanmoins éviter les tricycliques (risque majoré de virage de l’humeur) et privilégier les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (par exemple la fluoxétine). Les éléments cliniques suivants doivent cependant limiter leur prescription :
- deux symptômes maniaques associés ou plus ;
- état mixte constitué ;
- antécédent d’état mixte ;
- antécédent de cycle rapide ;
- antécédent de virage maniaque ou hypomaniaque.
Choix d’un thymorégulateur adapté
Les régulateurs de l’humeur ayant une efficacité supérieure sur la prévention des rechutes des troubles bipolaires à polarité dépressive sont la lamotrigine, le lithium et la quétiapine. Par ailleurs, en cas de risque suicidaire persistant au long cours, le lithium est à privilégier.
L’électroconvulsivothérapie (sismothérapie) reste également une option thérapeutique de première intention dans les formes sévères.
La survenue d’un épisode dépressif caractérisé au cours d’un trouble bipolaire (« dépression bipolaire ») nécessite une réflexion spécifique en matière d’évaluation clinique et de prise en charge, notamment sur la prévention du risque suicidaire.