Selon une étude de Santé publique France parue mi-novembre dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire, la prévalence de la dépression du post-partum (DPP) atteint 16,7 % dans l’Hexagone (IC95 % = [15,7 % ; 17,7 %]) à deux mois post-partum, soit environ une femme sur six, tandis que près d’un quart des femmes atteintes de DPP ont des idées suicidaires. Fréquente, la DPP ne fait pas l’objet d’un traitement médicamenteux spécifique, la recommandation actuelle étant l’association d’une psychothérapie et d’un antidépresseur de type inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (ISRS). Ces traitements n’améliorent toutefois les symptômes qu’après un délai de trois à six semaines. Le risque de passage à l’acte suicidaire de la mère et d’aggravation des troubles du neurodéveloppement du nouveau-né est donc réel durant cette période.
Des traitements innovants
La DPP survient dans un contexte de variations hormonales physiologiques périnatales, et en particulier de l’alloprégnanolone, neurostéroïde agissant sur les récepteurs GABA (acide gamma-aminobutyrique) dans le cerveau. Elle est produite à partir de la progestérone, l’une des hormones les plus importantes pour la gestation. Pendant la grossesse, la progestérone augmente progressivement jusqu’à atteindre un pic au cours du troisième trimestre, puis chute rapidement après l’accouchement. L’alloprégnanolone suit cette même cinétique d’augmentation progressive puis de diminution brutale. Plusieurs études ont montré que la chute de l’alloprégnanolone est directement associée aux symptômes de dépression du post-partum, que le stress et l’isolement social réduisent le taux de cette molécule dans le cerveau, et que les adultes souffrant de dépression en ont généralement un taux réduit.
En s’appuyant sur ces découvertes, une nouvelle classe d’antidépresseurs a émergé : les modulateurs allostériques positifs des récepteurs GABAA. La brexanolone est déjà indiquée dans la DPP aux États Unis (mais pas en France) : elle a reçu le label de « traitement révolutionnaire » et l’approbation de la FDA en mars 2019. Contrairement aux antidépresseurs classiques au long délai d’action, ce neurostéroïde de synthèse exerce un effet antidépresseur rapide, débutant en quelques heures à quelques jours. Une méta-analyse d’essais cliniques contrôlés randomisés contre placebo souligne son efficacité et sécurité dans cette indication. Cependant, la brexanolone requiert une injection en intraveineuse sur 60 heures.
Un autre neurostéroïde de synthèse, cette fois administré par voie orale, la zuranolone, a été récemment approuvé par la FDA (à la dose de 50 mg/jour, 1 fois par jour, à prendre pendant 14 jours le soir avec un repas gras et en association avec un moyen contraceptif).
L’agence américaine s’est basée sur deux récents essais pour appuyer sa décision.
Quelles données ?
Deux récents essais multicentriques de phase III randomisés en double aveugle contre placebo ont évalué la sécurité et l’efficacité de la zuranolone dans le traitement de la DPP.
Parue en 2021 dans JAMA Psychiatry, la première étude a comparé un placebo (N = 76 femmes) à 30 mg de zuranolone (N = 77 femmes) pris chaque soir pendant deux semaines chez des femmes atteintes de DPP moins de 6 mois après l’accouchement. Le critère de jugement principal était un changement du score sur l’échelle d’évaluation de la dépression de Hamilton (HAMD- 17) entre les groupes placebo et zuranolone au 15e jour de traitement. Une amélioration significative du HAMD- 17 a été observée dans le groupe traité par rapport au groupe placebo à partir du 3e jour de traitement, avec un seul effet indésirable grave par groupe (syndrome confusionnel avec zuranolone, pancréatite dans le groupe placebo) et un seul arrêt de traitement en raison d’un effet indésirable dans le groupe traité. L’effet du traitement s’est maintenu au 42e jour, soit 4 semaines après la dernière prise de zuranolone.
Menée par la même équipe, la deuxième étude est parue fin juillet 2023 dans The American Journal of Psychiatry. Dans cet essai, les auteurs ont comparé un groupe placebo (N = 98 femmes) et un groupe traité à la zuranolone 50 mg une fois par jour pendant 14 jours (N = 98 femmes) de patientes atteintes de DPP sévère, en utilisant comme critère de jugement principal la différence de score HAMD- 17 au 15e jour. Là encore, les patientes traitées ont vu leur score s’améliorer significativement par rapport aux femmes non traitées (qui elles aussi ont connu une amélioration du HAMD- 17 par rapport au premier jour d’administration du placebo). Les effets indésirables fréquents (≥ 10 %) étaient la somnolence, la sédation et la nausée.
Deligiannidis KM, Meltzer-Brody S, Maximos B, et al. Zuranolone for the treatment of postpartum depression. Am J Psychiatry 26 juillet 2023.
Deligiannidis KM, Meltzer-Brody S, Gunduz-Bruce H, et al. Effect of zuranolone vs placebo in postpartum depression: a randomized clinical trial. JAMA Psychiatry 2021;78(9):951-9.
Bottemanne H, Joly L. Dépression du post-partum. Rev Prat 2021;35(1062);489-95.
Korsia-Meffre S. Dépression du post-partum : plus fréquent qu’on ne le croit. Vidal 12 octobre 2023.