Cette étude a inclus 355 participants souffrant de dépression résistante (non répondeurs aux antidépresseurs), dont 222 femmes, recrutés dans 13 centres experts entre 2014 et 2021 et suivis pendant 6 mois.
Dans cette cohorte, le taux de tabagisme était beaucoup plus élevé chez les femmes par rapport à la population générale (34 % vs 24 %) alors qu’il était comparable chez les hommes (environ 29 %).
D’autres différences significatives entre les femmes et les hommes ont été retrouvées. « Les fumeuses avaient un nombre significativement plus élevé d'hospitalisations psychiatriques au cours de leur vie et avaient eu presque 3 fois plus souvent recours à l'électro-convulsivothérapie, une méthode réservée aux dépressions les plus résistantes aux médicaments », nous explique le Dr Guillaume Fond (psychiatre à l’APHM, dernier auteur de l’étude). Les femmes tabagiques avaient 4 fois plus souvent des idées suicidaireset 2 fois plusd’antécédents de tentatives de suicide, avec une plus grande impulsivité. Le recours aux anxiolytiques au long cours, aux antipsychotiques et aux régulateurs de l’humeur était multiplié par deux. Le risque d’hospitalisation en psychiatrie à 6 mois était multiplié par presque 3 chez les fumeuses par rapport aux non-fumeuses.
Ces résultats n’ont pas été reproduits chez les hommes, pour lesquels le tabagisme était seulement associé à une augmentation des symptômes dépressifs.
Le taux d’arrêt du tabac à 6 mois était plus élevé chez les femmes que chez les hommes mais restait globalement faible (12 % contre 7 %). Aucun patient n’a reçu de substitut nicotinique ou de varénicline (Champix) alors que ces traitements sont recommandés pour l’aide au sevrage tabagique.
Le rôle causal direct du tabagisme sur la dépression est désormais reconnu. Au vu de ces résultats, les centres experts recommandent l’arrêt du tabac pour améliorer la dépression et diminuer l’impulsivité et les passages à l’acte suicidaire, en particulier chez les femmes : « Les sprays de nicotine et la varénicline doivent être proposés aussi souvent que possible et le cas échéant combinés, les taux de succès pouvant monter jusqu’à 70 à 100 % dans les études internationales », précise le Dr Fond.
Cinzia Nobile, La Revue du Praticien