La prescription de l’activité physique est déjà recommandée dans le traitement de la dépression, mais sans directives claires quant à ses modalités (type d’exercice, intensité, fréquence…). Aujourd’hui, la plus vaste méta-analyse parue à ce sujet fournit des réponses, tout en confirmant sa meilleure efficacité par rapport au traitement standard.

L’activité physique adaptée est recommandée en première lignepar la HAS dans la prise en charge de la dépression légère à modérée, en association à la psychothérapie ; elle est en effet aussi efficace qu’un traitement médicamenteux ou une psychothérapie dans cette indication. Dans les cas sévères, elle peut être prescrite en complément de la prise en charge standard.

Mais quelle activité prescrire, à quelle intensité et selon quelle fréquence ? Il n’existait pas, jusqu’ici, des études permettant de comparer plusieurs types d’activité et de les hiérarchiser selon leur efficacité dans la réduction des symptômes dépressifs. Une équipe internationale de chercheurs a entrepris de combler cette lacune.

Dans une revue systématique d’essais randomisés avec méta-analyse en réseau, parue dans le BMJ, ils ont évalué 218 essais randomisées, avec un total de 14 170 participants répartis dans 495 bras. Ces études comparaient l’efficacité de divers types d’exercice physique – marche, jogging, yoga, exercices aérobies, de renforcement musculaire, tai-chi, qi gong… – à des groupes contrôles actifs (traitement standard ou placebo) dans le traitement d’un épisode dépressif caractérisé.

Les auteurs de cette méta-analyse ont utilisé des méthodes permettant d’évaluer séparément l’effet de chacun de ces exercices, ce que des méta-analyses précédentes n’avaient pas permis de faire. Ils ont également pu étudier les différences de ces effets selon le sexe et l’âge des participants. Autre nouveauté : des essais ayant recruté des patients avec comorbidités physiques (arthrose, par exemple) et des femmes avec une dépression du post-partum ont aussi été inclus – contrairement à la dernière revue Cochrane parue en 2013 sur ce sujet.

Les plus efficaces : marche, yoga et renforcement musculaire

Seuls ou en association au traitement standard, tous les types d’activité physique testés ont montré une efficacité. Tous se sont avérés plus efficaces que l’utilisation des ISRS seuls (v. infographie ci-contre).

Prises isolément, les activités les plus efficaces étaient la marche ou le jogging, le yoga et les exercices de renforcement musculaire (v. infographie). La danse était l’intervention qui montrait la plus grande efficacité ; toutefois, le nombre d’études la concernant et l’effectif total de participants étant trop faibles, des conclusions robustes n’ont pas pu être tirées sur cette activité.

L’efficacité était proportionnelle à l’intensité de l’activité pratiquée – avec donc un meilleur effet lorsque celle-ci était d’intensité modérée à élevée. En revanche, les bénéfices semblaient équivalents quelles que soient la dose hebdomadaire d’activité, les comorbidités physiques associées à la dépression et l’intensité des symptômes dépressifs à l’inclusion.

Par ailleurs, les résultats ont suggéré que la marche et le jogging étaient tout aussi efficaces chez les hommes que chez les femmes, mais que les exercices de renforcement musculaire l’étaient davantage chez les femmes, tandis que le yoga et le qi gong bénéficiaient davantage aux hommes. Néanmoins, ces différences ont été constatées plutôt au niveau des études qu’au niveau proprement individuel (c’est-à-dire que les différences étaient constatées en fonction de l’effectif plus ou moins masculin ou féminin de chaque étude, sans que cela se traduise nécessairement par une efficacité différente au niveau de chaque personne).

Enfin, l’adhésion des patients était meilleure pour le yoga et le renforcement musculaire (elle a été estimée par la proportion de personnes allant jusqu’à la fin du programme).

Une activité structurée et supervisée est plus efficace

Les résultats ont également mis en évidence que l’autonomie était associée à des effets plus faibles. En effet, le fait de seulement prodiguer des conseils d’activité physique avait très peu d’efficacité (équivalente à celle des groupes contrôle), ce qui confirme l’intérêt de prescrire un programme structuré et rigoureux d’activité physique adaptée, soit une prescription avec la même rigueur que celle d’un médicament – en précisant objectifs, dose, intensité et fréquence.

Les mécanismes entrant en jeu dans l’amélioration des symptômes dépressifs par l’activité physique ne sont pas bien élucidés, mais certaines hypothèses sont avancées par les auteurs : mécanismes neurobiologiques, renforcement positif, interaction sociale, pleine conscience/acceptation, contact avec la nature… Ils soulignent que de prochaines études devraient s’atteler à mieux les comprendre, afin de mieux personnaliser la prise en charge des patients dans le futur – puisque qu’aucune activité physique ne peut couvrir de façon égale l’ensemble de ces aspects. Par exemple, l’une des études inclues dans la méta-analyse a trouvé que l’exercice aérobie aussi bien que le yoga menaient à une amélioration des symptômes parce qu’ils favorisaient une réduction des ruminations.

Bien que le niveau de confiance dans les résultats ne soit pas élevé (seule une étude répondait aux critères de la Cochrane pour être considérée comme à faible risque de biais), les auteurs arguent que les recommandations actuelles qui considèrent l’activité physique comme une thérapie complémentaire sont encore trop timides, et qu’au contraire cette dernière devrait être considérée comme un élément central dans la prise en charge de la dépression, même sévère.

Pour en savoir plus
Noetel M, Sanders T, Gallardo-Gómez D, et al. Effect of exercise for depression: systematic review and network meta-analysis of randomised controlled trials.  BMJ 2024;384:e075847.
À lire aussi :
Martin Agudelo L. L’activité physique fait mieux que les antidépresseurs dans la dépression sévère.  Rev Prat (en ligne) 15 février 2023.
Lefèvre-Colau Marie-Martine. Prescrire l’activité physique adaptée : guide de survie.  Rev Prat (en ligne) 8 février 2024.
Martin Agudelo L. Activité physique sur ordonnance : des outils pour faciliter sa prescription (recos HAS).  Rev Prat (en ligne) 7 avril 2023.

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