Quelques données épidémiologiques
Le trouble affectif saisonnier (TAS) est universel, intergénérationnel (observé chez l’enfant comme chez le sujet âgé) et transculturel. Il affecterait 1 à 3 % de la population avec des taux pouvant aller jusqu’à 30 % pour les formes plus bénignes. La dépression saisonnière représenterait ainsi 15 % des troubles de l’humeur.
Pathologie plutôt féminine avec un sex ratio d’environ 3 pour 1, sa prévalence connaît un pic entre 30 et 35 ans, puis diminue progressivement jusqu’à la cinquantaine où elle se stabilise. Elle augmente avec la latitude à mesure que l’on monte vers le nord, pouvant toucher jusqu’à une personne sur deux dans les pays scandinaves ou au nord du Canada.
Un diagnostic clinique
Le TAS fait partie du sous-groupe des troubles dépressifs récurrents ou récidivants. Le diagnostic requiert plusieurs épisodes du même type au cours des dernières années, confirmant une relation temporelle saisonnière.
Cliniquement, la symptomatologie est proche de celle d’un épisode dépressif classique en dehors de quelques symptômes plus spécifiques tels qu’une aggravation vespérale de la tristesse et de l’asthénie, un ralentissement psychique prédominant sur le versant moteur et surtout des atypies : hypersomnie, hyperphagie avec une appétence particulière pour les hydrates de carbone et prise de poids.
C’est l’évolution saisonnière typique qui est évocatrice : début de l’épisode en automne, dès que la durée du jour diminue, suivi d’une amélioration spontanée au printemps ; caractère récidivant des troubles d’une année à l’autre selon la même saisonnalité.
Durant l’hiver, le trouble génère une altération de la qualité de vie mais aussi des difficultés dans les relations interpersonnelles et socioprofessionnelles.
En médecine générale, on peut le dépister avec l’outil SPAQ (Seasonal Pattern Assessment Questionnaire ; tableau ci-contre), autoquestionnaire simple et rapide.
Une forme subsyndromique, appelée par certains « blues de l’hiver », est caractérisée par une saisonnalité marquée, avec l’apparition au cours de l’hiver d’une dysphorie sans réelle tristesse de l’humeur, associée à un mal-être général, une fatigabilité et une perte d’énergie et/ou des symptômes atypiques. Bien que moins grave et invalidante que la dépression saisonnière, ce trouble ne doit pas être négligé, il peut être source d’un handicap social et professionnel significatif.
Comprendre le TAS
C’est le raccourcissement de la durée du jour en automne et en hiver qui serait responsable des symptômes. En effet, l’alternance jour/nuit permet de synchroniser nos rythmes biologiques en agissant sur la fabrication et la sécrétion nocturne de mélatonine.
En hiver, les personnes dont l’horloge interne est fragile ou dysfonctionnelle sont plus sensibles au raccourcissement de cette photopériode et n’arrivent pas à resynchroniser leurs rythmes endogènes avec l’environnement. La sécrétion de mélatonine par la glande pinéale est décalée, plus précoce pendant la nuit, générant un retard de phase des rythmes internes par rapport à l’environnement. La variation saisonnière des taux de sérotonine peut participer à l’étiopathogénie. Plusieurs travaux évoquent l’implication de facteurs d’origine génétique, les fameux gènes CLOCK.
Luminothérapie
La luminothérapie a montré une efficacité supérieure à 70 % après des séances quotidiennes – 10 000 lux pendant 30 minutes – durant 2 semaines. Le principe est simple : administrer une lumière blanche de forte intensité afin de corriger le décalage du rythme de sécrétion de la mélatonine. Pour cela, on propose une cure de 2 semaines avec une exposition quotidienne matinale (entre 6 et 9 heures le matin) via une lampe spécifique diffusant une lumière blanche respectant le spectre lumineux (naturel) et filtrée en UV. La durée d’exposition quotidienne, exprimée en lux, est proportionnelle à l’intensité lumineuse : 30 minutes si la lampe diffuse 10 000 lux, 1 heure pour 5 000 lux et 2 heures avec 2 500 lux.
La quasi-absence de contre-indications (porphyrie cutanée ou photo-allergie sévère) et d’interactions pharmacologiques en dehors des molécules photosensibilisantes (chloroquine, phénothiazines, psoralènes ou lithium), sa rapidité d’action avec une amélioration dès les premiers jours d’exposition, ainsi que le maintien de l’efficacité à distance de la cure en font un traitement de choix.
Autre avantage : sa relative innocuité, notamment en comparaison aux antidépresseurs. Ses effets secondaires sont rares, apparaissent dès les premiers jours de cure et s’amendent généralement en 2 à 4 jours. Les plus fréquents : céphalées et troubles visuels à type de fatigue et tension oculaires, éblouissements et plus rarement vision brouillée (aucune toxicité oculaire à long terme n’a été constatée). Ils entraînent très rarement l’arrêt du traitement, d’autant qu’ils sont le plus souvent d’intensité modérée et cèdent lorsque l’on diminue la « dose lumineuse » quotidienne.
En dehors du classique écran lumineux, on peut proposer un casque ou des lunettes équipées de LED : la proximité entre source lumineuse et rétine conduit à réduire les intensités lumineuses. Autre technique, un simulateur d’aube, utilisé comme réveil, diffusant une lumière progressivement croissante. Malheureusement son efficacité n’est pas encore démontrée.
Les antidépresseurs ou la stimulation magnétique transcrânienne sont également efficaces sur le TAS mais les contraintes sont plus importantes et la spécificité moindre.
Le TAS étant un trouble récurrent d’une année sur l’autre, le patient est informé de la nécessité de réaliser une nouvelle cure de luminothérapie à l’apparition des premiers symptômes à l’automne si ce traitement s’est avéré efficace précédemment.
Une prophylaxie peut être proposée (mêmes modalités que la luminothérapie classique) si les symptômes apparaissent chaque année à la même période. Cette éventualité est cependant relativement rare, les conditions météorologiques exerçant une influence non négligeable sur la date d’apparition du trouble.
Charles E. À chacun son rythme. Paris: Éditions First, 2015.
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