La dermatite atopique (DA) est une maladie inflammatoire chronique qui se manifeste par une peau sèche (xérose), des poussées de plaques d’eczéma et un prurit chronique. Son incidence est en augmentation et concerne environ 1 enfant sur 5 et 1 adulte sur 20.1
La cause de cette maladie est de mieux en mieux connue ; elle implique différents facteurs qui fragilisent la barrière cutanée :2
- des facteurs génétiques, comme la mutation de la filaggrine (protéine renforçant la couche cornée) qui concerne environ 30 % des patients atteints de DA en Europe. Un enfant a 80 % de risque de développer une DA si les deux parents en sont aussi atteints ;
- un déséquilibre du microbiote intestinal et cutané, avec multiplication du staphylocoque doré sur la peau ; l’accouchement par césarienne et la prise d’antibiotiques dans la première année de vie augmenteraient le risque de DA ;
- différents facteurs environnementaux (comme le tabac, la pollution, l’excès d’hygiène et le mode de vie urbain) accroîtraient également le risque de DA.
Ce dysfonctionnement de la barrière cutanée a pour conséquence une pénétration accrue de différentes molécules de l’environnement à travers la peau, occasionnant une activation de la réponse immunitaire inflammatoire de type 2. Par ailleurs, l’augmentation de la perte transcutanée en eau est source de xérose, fragilisant encore la barrière cutanée. On parle alors de cercle vicieux « inflammation-lésions-grattage » puisque le grattage aggrave les lésions de la barrière cutanée par l’excoriation, exacerbant l’eczéma...
Des symptômes non stéréotypés
Le tableau clinique peut varier en fonction de l’âge, selon les patients mais aussi chez un même patient.3
Il existe ainsi des formes sèches dans lesquelles l’eczéma se manifeste par des plaques de xérose inflammatoires mal délimitées (fig. 1) et des formes dans lesquelles les vésicules rompues suintent – souvent confondues avec une surinfection bactérienne –, évoluant en croûtes.
L’inflammation se manifeste par des plaques érythémateuses (rougeurs) ou par des zones où la peau est plus foncée en cas de phototype élevé (fig. 2).
Il existe aussi une forme appelée pityriasis alba (ou dartre achromique), fréquente chez les enfants, se manifestant par des plaques hypopigmentées discrètement squameuses (fig. 3).
L’atteinte chronique et le grattage sont souvent responsables d’une lichénification (épaississement) de la peau (fig. 4).
Typiquement, chez le nourrisson, l’eczéma se localise au niveau des joues, des membres et du tronc (fig. 5). Chez l’enfant et l’adulte, il est préférentiellement situé au niveau des plis du coude, des plis du genou, des paupières, des plis de l’oreille, du cou, des mains et du cuir chevelu.
Il existe des formes très diffuses (fig. 6), érythrodermiques ou de type prurigo (fig. 7), mais aussi des formes très localisées devant faire rechercher un eczéma de contact allergique (mains, paupières, lèvres...).
Rôle du médecin traitant dans la prise en charge
L’objectif du traitement est de soulager le patient de la poussée en cours et de prévenir les récidives.4 Pour cela, il existe deux types de traitement topique :
- les crèmes anti-inflammatoires, en traitement de crise, à appliquer sur les plaques. Les dermocorticoïdes (DCTC) sont largement utilisés dans cette indication ; le tacrolimus topique (Protopic, Takrozem) ne peut, quant à lui, être prescrit que par le dermatologue et le pédiatre ;
- les crèmes hydratantes (émollients) qui constituent le traitement de fond de la DA.
La photothérapie peut être proposée, en association à ces traitements topiques.
Dermocorticoïdes : dès l’apparition des lésions et jusqu’à disparition complète
Les DCTC sont très efficaces et permettent de soulager rapidement le patient.
Sur les plaques du corps, des DCTC d’activité forte chez l’adulte, d’activité forte ou modérée chez les enfants sont à appliquer sur les zones atteintes, une fois par jour, tous les jours, dès l’apparition des lésions, y compris sur les lésions suintantes ou croûteuses et jusqu’à leur disparition complète (peau lisse et sans rougeur).
Sur le visage, un DCTC d’activité modérée ou faible est à appliquer de la même façon, tout en restant vigilant à la durée du traitement, pour éviter les effets indésirables sur cette zone ; en effet, la peau y est plus fine et il existe un risque d’atrophie cutanée, de télangiectasies, de rosacée, de dermite périorale, de glaucome en cas d’application prolongée sur les paupières...
Classiquement, les crèmes sont préférées pour leur galénique non grasse, mais les pommades peuvent être plus efficaces sur les plaques lichénifiées (tableau 1).
L’unité phalangette permet de guider le patient sur la quantité de DCTC à appliquer : la quantité de crème déposée sur toute la longueur de la dernière phalange de l’index correspond à une surface cutanée à traiter de deux paumes de main du même adulte.
Il n’est pas nécessaire de réaliser de décroissance progressive.
Trop souvent, la corticophobie pousse les patients à attendre le plus longtemps possible, à appliquer le moins possible et le moins longtemps possible les DCTC. Cela explique l’inefficacité fréquente du traitement et le sentiment d’échec par récidive des plaques aussitôt les applications arrêtées, en raison de la persistance de l’inflammation.
Lutter contre la récidive
La DA étant une maladie chronique, les plaques d’eczéma récidivent à plus ou moins court ou moyen terme. Plusieurs mesures permettent d’espacer et prévenir les nouvelles poussées.
Tout d’abord, les émollients font partie du traitement de fond de la DA. Ils sont à appliquer tous les jours sur l’ensemble du corps et du visage, et doivent être adaptés aux peaux atopiques.
Les autres mesures indispensables sont les suivantes :
- supprimer les bains au profit de douches courtes à l’eau tiède ;
- utiliser un produit d’hygiène adapté pour peau atopique sans savon et si possible sans parfum ;
- se sécher en tamponnant la peau ;
- appliquer la crème hydratante au moins une fois par jour ;
- préférer les tissus en 100 % coton ;
- bien aérer la chambre à coucher ;
- couper les ongles courts et éviter de se gratter. En cas de démangeaisons, appliquer de la crème hydratante gardée au réfrigérateur, ou appliquer une eau thermale ou un pack de glace.
Pourquoi et quand passer la main ?
Les formes peu sévères peuvent tout à fait être prises en charge par le médecin traitant. En revanche, lorsqu’il existe un risque de fort retentissement sur la qualité de vie, le patient est orienté vers le dermatologue pour optimiser le traitement et rechercher des comorbidités atopiques.
Optimiser le traitement pour limiter le retentissement sur la qualité de vie
En dehors des formes peu sévères avec des poussées localisées et espacées répondant rapidement aux DCTC et aux émollients, le patient atteint de DA nécessite un suivi par un dermatologue pour une optimisation de sa prise en charge. En effet, si la DA est mal contrôlée, avec un prurit quasi permanent et/ou des lésions cutanées affichantes ou douloureuses, la DA peut être responsable d’un fort retentissement sur le sommeil, les activités de la vie quotidienne, la vie sociale, familiale et affective.5 Les conséquences psychologiques et psychiatriques ne sont pas à négliger puisque des syndromes anxiodépressifs sont retrouvés chez 1 patient sur 5.6 De plus, les traitements contraignants peuvent participer au fardeau de la maladie.
Recherche de comorbidités atopiques
Il est nécessaire de rechercher des comorbidités atopiques chez ces patients.
La DA peut ainsi être associée à un eczéma de contact allergique en réaction à un allergène en contact avec la zone atteinte ;7 les localisations les plus fréquentes sont les mains, le visage, les paupières et les lèvres. Les allergènes souvent mis en cause sont les métaux (nickel, chrome, cobalt...), les molécules parfumées, les conservateurs, la lanoline. En cas de suspicion, des patch-tests sont proposés afin d’identifier et de mettre en place l’éviction de l’allergène concerné.
Les patients avec DA ont souvent d’autres maladies atopiques telles que la rhinoconjonctivite allergique, l’asthme allergique ou des allergies alimentaires. Cependant, dans la très grande majorité des cas, les poussées de DA ne sont pas secondaires à des allergies alimentaires. Il n’y a donc pas lieu de faire de bilan sanguin à leur recherche, en l’absence de manifestations évocatrices. Les évictions alimentaires systématiques ne sont pas recommandées d’après les dernières conférences de consensus internationales. Dans certains cas de DA très sévère de l’enfant, une enquête alimentaire peut être réalisée dans des services spécialisés.
Place des immunosuppresseurs et des thérapies ciblées
L’avancée spectaculaire de la recherche ces dernières années a permis aux patients atteints de DA sévère non contrôlée par les traitements locaux de disposer de différents traitements systémiques efficaces.8 Ces traitements sont suspensifs, aucun traitement curatif n’existe actuellement. Cinq molécules sont disponibles avec une autorisation de mise sur le marché (AMM) [tableau 2].
D’autres traitements topiques et systémiques sont en cours d’évaluation, avec des résultats prometteurs.
Il est indispensable d’adresser les patients éligibles à ces traitements à un service spécialisé dans la prise en charge de la DA pour un contrôle optimal de leur maladie.
Que dire à vos patients ?
La dermatite atopique est une maladie chronique ; néanmoins, cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas de traitements efficaces pour la contrôler sur le long terme.
Les dermocorticoïdes sont des traitements efficaces et bien tolérés lorsqu’ils sont utilisés correctement.
Le contrôle des facteurs favorisants est aussi important que les traitements médicamenteux.
Lorsque la maladie est mal contrôlée, il est essentiel d’être suivi par un dermatologue habitué à la prise en charge de cette pathologie.
Quelques centres proposent des séances d’éducation thérapeutique, d’une grande aide pour les patients et leur entourage, afin de comprendre la maladie, apprendre à gérer les traitements et partager leur vécu.
Deux sites répertorient les centres et proposent des informations scientifiquement validées sur la maladie :
- site de l’Association française de l’eczéma (https ://www.associationeczema.fr/) ;
- site de la Fondation Eczéma (https://www.pierrefabreeczemafoundation.org/).
2. Bonamonte D, Filoni A, Vestita M, et al. The Role of the Environmental Risk Factors in the Pathogenesis and Clinical Outcome of Atopic Dermatitis. Biomed Res Int 2019:2450605.
3. Silvestre Salvador JF, Romero-Pérez D, Encabo-Durán B. Atopic Dermatitis in Adults: A Diagnostic Challenge. J Investig Allergol Clin Immunol 2017;27(2):78-88.
4. Wollenberg A, Barbarot S, Bieber T, et al. Consensus-based European guidelines for treatment of atopic eczema (atopic dermatitis) in adults and children: part I. J Eur Acad Dermatol Venereol 2018;32(5):657-82.
5. Misery L. Retentissement de la dermatite atopique chez l’adulte. Ann Dermatol Venereol 2017;144 Suppl 5:VS23-8.
6. Patel KR, Immaneni S, Singam V, et al. Association between atopic dermatitis, depression, and suicidal ideation: A systematic review and meta-analysis. J Am Acad Dermatol 2019;80(2):402-10.
7. Owen JL, Vakharia PP, Silverberg JI. The Role and Diagnosis of Allergic Contact Dermatitis in Patients with Atopic Dermatitis. Am J Clin Dermatol 2018;19(3):293-302.
8. Drucker AM, Morra DE, Prieto-Merino D, et al. Systemic Immunomodulatory Treatments for Atopic Dermatitis: Update of a Living Systematic Review and Network Meta-analysis. JAMA Dermatol 2022;158(5):523-32.