Les dermatophytes sont des champignons filamenteux kératinophiles responsables chez l’homme de lésions de la peau glabre appelées « herpès circiné » (en raison de leur aspect arrondi), de sycosis au niveau de la barbe et de la moustache et de teignes sur le cuir chevelu. On distingue les dermatophytes anthropophiles, les seuls à transmission interhumaine, des zoophiles (transmis par les animaux) et des telluriques (par contact avec le sol ou via un pelage animal [museau de chien]). Plusieurs espèces de dermatophytes zoophiles sont associées à différents animaux à fourrure (tableau), qu’ils soient de compagnie ou sauvages. Leur fréquence varie selon les pays en raison des différences d’exposition (contacts et faunes).
En milieu urbain, on retrouve principalement Microsporum canis : découvert sur le pelage d’un chien (d’où son nom), c’est le chat qui le transmet dans 80 % des cas, mais on peut l’isoler chez tous les animaux domestiques (lapins, hamsters, souris…).
Trichophyton mentagrophytes, zoophile, est aussi éventuellement tellurique. Les vecteurs sont des mammifères sauvages (mulots, campagnols…) ou domestiques (chiens, cobayes, bovins, ovins…) ; les lapins et les chats sont peu atteints, et le chien de chasse se contamine en reniflant les terriers. T. verrucosum (ou T. ochraceum), fréquent à la campagne (bovidés et ovidés), touche plus particulièrement les enfants qui séjournent à la ferme et jouent avec des veaux. Éleveurs et vétérinaires sont susceptibles d’être contaminés.
L’animal a rarement des lésions alopéciques : plus ou moins inflammatoires et squameuses, elles siègent principalement au niveau de la tête, du museau ou des pattes. La transmission à l’homme se fait par contact direct (caresses) ou indirect (poils sur un canapé, éraflure contre une barrière contaminée). Les spores survivent dans l’environnement pendant au moins un an. La pénétration dans la peau nécessite une excoriation même minime. Les lésions se situent donc sur les zones de contact (visage des enfants qui embrassent les animaux, jambes et bras des adultes en contact avec les griffes de chat) ou de grattage. Contrairement aux dermatophytes anthropophiles, les zoophiles atteignent très rarement les ongles.
Clinique
À l’interrogatoire, on recherche un séjour à la campagne, la pratique de l’équitation, un voyage (animaux côtoyés : dromadaire, singe…). Il faut identifier le vecteur et les personnes de l’entourage du patient potentiellement contaminées. L’animal suspect doit être examiné par le vétérinaire, qui réalise un prélèvement (poils, lésions) et met en œuvre le traitement nécessaire.
L’herpès circiné débute par une petite macule érythémateuse plus ou moins prurigineuse, qui s’étend ensuite de manière concentrique pour atteindre 4-5 cm de diamètre (fig. 1). La peau, normale au centre, a en périphérie un aspect inflammatoire, papuleux, squameux, voire vésiculeux. Parfois, plusieurs zones concentriques s’observent sur une même lésion. En cas de contacts fréquents avec l’animal (lit partagé), ou de déficit immunitaire (corticothérapie, diabète, cirrhose, insuffisance surrénalienne, sida), les lésions sont multiples (fig. 2).
Les teignes surviennent essentiellement chez les enfants avant l’âge de la puberté. Les microsporiques (fig. 3 et 4) sont fluorescentes sous lampe de Wood (cheveux et poils colorés en vert). Les trichophytiques sont souvent très inflammatoires et suppurées (fig. 5). Les plaques érythémato-squameuses initiales deviennent confluentes, se couvrent ensuite de pustules purulentes, provoquant l’expulsion du cheveu. L’inflammation est d’autant plus marquée que le patient a reçu un traitement local par corticoïdes avant d’être adressé au mycologue.
Faire le diagnostic
Les lésions peuvent être confondues avec des eczématides, le pityriasis rosé de Gibert ou des plaques de psoriasis débutantes. Le prélèvement mycologique, à faire avant tout traitement antifongique, est indispensable. Il est guidé par l’examen sous lampe de Wood, qui met en évidence des atteintes très discrètes. Les lésions sont grattées à la curette, les cheveux prélevés à la pince. Au laboratoire, squames et cheveux sont examinés au microscope, à la recherche de filaments mycéliens et/ou de spores. La mise en culture permet d’isoler, en moins de 3 semaines, l’espèce en cause et de confirmer l’origine animale de la contamination.
Quel traitement ?
Le traitement peut débuter dès que le diagnostic est affirmé par l’examen direct, mais l’identification du dermatophyte est essentielle pour l’enquête épidémiologique.
Pour les teignes du cuir chevelu, seule la griséofulvine avait une AMM en France chez l’enfant. Depuis l’arrêt de sa commercialisation, de nouvelles recos ont été élaborées par Société française de dermatologie.
Dans l’herpès circiné, le traitement local est généralement suffisant. On utilise surtout les dérivés imidazolés (éconazole, Pevaryl ; miconazole, Daktarin) mais aussi la ciclopiroxolamine (Mycoster) et la terbinafine (Lamisil crème 1 %). L’antifongique local doit être appliqué 1 ou 2 fois par jour selon la molécule choisie, et pendant une durée de 1 mois. Selon les dernières méta-analyses comparatives, il n’y a pas de preuve d’une meilleure efficacité clinique d’un antifongique local par rapport à un autre. Quant à leur tolérance, ils exposent tous à de rares effets indésirables, surtout érythèmes, irritations, réactions allergiques locales… Les imidazolés seraient toutefois à préférer (atteintes hépatiques très rares décrites avec la terbinafine) notamment chez la femme enceinte. De manière générale, les formes en crème (sans alcool) exposeraient à moins d’irritations cutanées. En cas d’échec, il faut s’assurer tout d’abord que le traitement a été bien conduit par le patient (nombre d’applications et durée).
Devant une lésion étendue ou des plaques multiples, il faut adjoindre un traitement par voie générale : terbinafine 250 mg x 1/j durant 1 mois.
Bourée P. Herpès circiné : traiter aussi l’animal vecteur ! Rev Prat (en ligne) 27 août 2021.
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