Urticaire, prurit, infections, piqûres, suppurations…

Ce dossier aborde les manifestations cutanéo-muqueuses déclenchées, aggravées ou favorisées par l’eau, qu’elle soit douce ou salée, et les infections ou envenimations en milieu marin, plus fréquentes en zone tropicale. Ces dernières concernent volontiers le voyageur qui méconnaît les dangers de la faune et de la flore locales ; leur gravité est parfois extrême, les douleurs ou les effets cardiovasculaires ou neurotoxiques associés pouvant entraîner une noyade.

Urticaire aquagénique

Cette forme rare d’urticaire touche le plus souvent les femmes. Elle se traduit par des micro-maculo-papules érythémateuses, en général folliculaires, survenant quelques minutes après le contact avec l’eau, quels que soient le degré de salinité et la température (toutefois, certaines formes localisées déclenchées uniquement par l’eau salée ont été décrites).
Elle se distingue de l’urticaire au froid (bien qu’il soit préférable de réaliser le même bilan et notamment la recherche de cryoglobulines et d’agglutinines froides) ou au chaud, où le facteur en cause est la température et non pas l’eau. Sa physiopathologie n’est pas complètement élucidée. Principal diagnostic différentiel : urticaire cholinergique, induite par l’effort.
La complication majeure est le choc. Les formes familiales sont assez rares. Pour affirmer le diagnostic, un test à l’eau est effectué en milieu médical (l’allergologue appose une compresse d’eau à température corporelle dans le dos du patient et la laisse en place pendant une demi-heure).
Le traitement, difficile, repose principalement sur les antihistaminiques anticholinergiques (hydroxyzine, polaramine) mais surtout sur la prévention (limiter la durée des douches au strict minimum, porter des gants pour la vaisselle ou les tâches ménagères nécessitant l’utilisation d’eau…). Plus récemment, l’omalizumab (anti-IgE) a été tenté avec succès (pas encore d’AMM).

Prurit aquagénique

Prédominant aux jambes, épargnant paumes, plantes et cuir chevelu, il apparaît quelques minutes après contact avec l’eau, quelles que soient sa température ou les circonstances. Il peut durer plusieurs heures. À la différence de l’urticaire aquagénique, l’examen ne retrouve aucune lésion cutanée.
La forme bénigne serait très fréquente. Les plus sévères peuvent accompagner une hémochromatose ou une hémopathie, surtout la maladie de Vaquez (notamment lors de mutation JAK2 V617F) et la thrombocytémie essentielle, mais aussi la leucémie aiguë lymphoïde et les syndromes hyper-éosinophilique ou myélodysplasiques. Ainsi, une NFS doit être systématique.
De nombreux traitements sont proposés, mais leur efficacité est modérée : alcalinisation de l’eau par bicarbonate de sodium (25 à 200 g de bicarbonate de soude pour 1 bain), douches rapides, émollients hydrophobes, capsaïcine, photothérapie (PUVA ou UVB), aspirine, naltrexone, propranolol, antihistaminiques anticholinergiques.

Kératodermie palmo- plantaire aquagénique (KPPA)

Elle est caractérisée par un œdème, des papules blanchâtres et une majoration des dermatoglyphes (sillons de la pulpe des doigts et de la paume des mains qui donnent les empreintes digitales et palmaires) apparaissant très rapidement (environ 2 minutes) après immersion des paumes et/ou des plantes dans l’eau, avec parfois prurit, voire douleur. Une desquamation peut s’ensuivre. De prédominance féminine, cette dermatose est volontiers associée à une hyperhidrose. Elle se distingue facilement de l’aspect macéré physiologique des paumes et plantes après exposition prolongée à l’eau car, dans la KPPA, la réaction est presque instantanée. Très rare en population générale, elle toucherait particulièrement les patients atteints de mucoviscidose (40 %) ; ainsi, certains auteurs jugent licite de rechercher une mutation DF508 en cas de KPPA.

Folliculite à Pseudomonas aeruginosa

Ce bacille est un germe à Gram négatif opportuniste de la flore cutanée. La contamination a lieu classiquement après fréquentation de piscines chauffées, de bains à remous ou sous pression, de saunas. Le port de tenues de plongée sous-marine mal nettoyées et insuffisamment séchées, l’épilation à la cire ou des massages effectués dans des conditions non rigoureuses d’asepsie sont aussi favorisants. La dermatose peut se localiser n’importe où sur le corps, y compris aux mains et aux pieds, a fortiori lors de l’utilisation de gants ou chaussons de plongée. On décrit de petites épidémies. Le prélèvement d’une pustule, suivi d’un examen bactériologique direct et sur culture, est nécessaire pour confirmer le diagnostic.
L’infection, habituellement peu sévère, regresse spontanément ou après lavage avec des savons antiseptiques. L’antibiothérapie est réservée aux formes diffuses ou aux patients immunodéprimés, car le risque de sélectionner des résistances est important.

Dermohypodermites nécrosantes

Ces infections rares atteignant le derme et l’hypo- derme provoquent une nécrose tissulaire.
Plusieurs épidémies sévères (fig. 1), dues à des bactéries à Gram négatif hydrophiles retrouvées habituellement dans des eaux chaudes (Vibrio vulnificus, Aeromonas hydrophila), ont été décrites après des catastrophes naturelles (tsunami de l’océan Indien en 2004, ouragan Katrina à La Nouvelle-Orléans en 2005) ou lors de la fuite de refugiés à travers les marais insalubres durant le conflit du Sri Lanka en 2009. Des cas ponctuels ont été rapportés, notamment chez des sujets immunodéprimés ou diabétiques.

Maladie des aquariophiles

Mycobacterium marinum est responsable d’infection chez les poissons d’eau douce ou salée, les dauphins, les tortues et les crabes. La transmission à l’homme se fait par contact à travers une plaie ou par piqûre ; les individus se contaminent en général lors du nettoyage d’un aquarium sans gants de protection. Après une période d’incubation de 2 semaines en moyenne, une papule ou un nodule indolore apparaît sur le site d’inoculation, préférentiellement au membre supérieur, et évolue vers l’ulcération ou l’abcédation (fig. 2).
Dans plus d’un tiers des cas, les lésions sont multiples et se développent sur un trajet lymphatique du membre (dissémination sporotrichoïde ; fig. 3). Dans 30 % des cas, on retrouve des atteintes ostéoarticulaires (ostéite, arthrite, ténosynovite), surtout en cas de corticothérapie associée et, exceptionnellement, une diffusion systémique chez des patients immunodéprimés (infection par le VIH, enfants atteints d’hémopathie). L’aspect histologique classique est celui d’une inflammation granulomateuse tuberculoïde. Les colorations spécifiques mettent en évidence des bacilles acido- alcoolorésistants, mais seule la mise en culture à 30 °C ou la PCR permettent d’affirmer le diagnostic. La guérison spontanée est possible pour les atteintes superficielles chez l’immunocompétent.
Le traitement n’est pas standardisé. On utilise de manière empirique une association comportant 2 ou 3 antibiotiques : rifampicine (de façon systématique) associée à une cycline ou un macrolide de nouvelle génération ou une fluoroquinolone. L’antibiothérapie doit être poursuivie au minimum 2 mois après la disparition des lésions.

Dermatite des baigneurs

Cette dermatite de contact est provoquée en mer tropicale par les « bourgeons » des cnidaires (anémones, méduses, coraux…). Elle survient durant la période printanière de « ponte » (reproduction asexuée par bourgeonnement et segmentation). Elle résulte du contact avec les « larves » de 0,5 mm de diamètre, invisibles et capables de passer à travers les tissus. Les toxines libérées par les nématocystes (organites vénéneux pouvant libérer une substance urticante caractéristique) s’accumulent sous les zones couvertes du fait de la pression du maillot et induisent une réaction polymorphe mi-urticariforme mi-eczématiforme (fig. 4).
Cette éruption du baigneur (seabather’s eruption) est rapportée essentiellement dans les Caraïbes, le golfe du Mexique, la Floride et depuis peu sur les côtes du Brésil mais aussi à distance de ces régions tropicales, sur les côtes américaines pour l’anémone de mer.
Les diagnostics différentiels sont nombreux : gale (surtout si les lésions siègent sur les fesses et les organes génitaux chez l’homme), bilharzioses (humaine ou animale), dermatite de la mer Rouge (liée au contact avec des « coraux de feu », elle peut évoluer vers une dermatose lichénoïde pigmentée ou des lésions granulomateuses chroniques à type de prurigo).
La prophylaxie est essentielle : proscrire la baignade dans des eaux tropicales troubles lors des périodes de « ponte » des cnidaires, porter un maillot deux-pièces, le rincer immédiatement après le bain.
La résolution de la dermatite, spontanée en quelques semaines, peut être accélérée par l’application d’émollients, de dermocorticoïdes et la prise d’antihistaminiques.

Envenimations marines

Les animaux venimeux se concentrent essentiellement dans les mers tropicales et tempérées. Le risque de rencontre est en constante augmentation, en raison du développement du tourisme dans ces régions et de la pratique des activités aquatiques et de la plongée sous-marine. Souvent, l’homme est responsable des accidents, par son comportement inadéquat et ignorant envers des organismes rarement agressifs.
On distingue les animaux venimeux actifs, qui injectent généralement leur venin par voie orale (par exemple, serpent, cône, anémone), des passifs au comportement défensif (batraciens, poissons-pierres, oursins), qui l’administrent par voie appendiculaire (queue, dard) ou dermique (barbes, sécrétions).
Les venins sont des amalgames de haut poids moléculaire, constitués de toxines (généralement des peptides), d’amines vasoactives, d’enzymes protéolytiques. Leurs actions sont multiples et complexes : dénaturation des membranes, dégranulation mastocytaire, libération d’histamine, inhibition du métabolisme de l’acide arachidonique, coagulopathies, altération des mécanismes de transport cellulaire et de transmission neuronale, anaphylaxie...

Méduses : fuir les tentacules

L’appareil venimeux, localisé au niveau des tentacules, comporte des filaments sur lesquels sont apposés des nématocystes. Après stimulation par contact, ces derniers s’évaginent, propulsant un véritable harpon prolongé d’un filament barbelé, qui blesse la peau et permet l’injection d’une dose de venin, différent selon l’espèce. Il peut exister plus de 100 000 nématocystes/cm sur un tentacule.
Pelagia noctulica (mauve) est la seule espèce du littoral français susceptible d’entraîner de véritables brûlures cutanées (fig. 5 et 6), immédiatement hyperalgiques, à type de décharge électrique. Les autres induisent une douleur cuisante, un érythème régressif en quelques heures, parfois suivi de l’apparition de papules urticariennes ou de phlyctènes laissant alors des lésions pigmentées souvent définitives.
Les physalies(Hydrozoa) sont particulièrement redoutées pour les atteintes cutanées qu’elles infligent (fig. 7). La « galère portugaise » de l’Atlantique (Physalia physalis ; fig. 8) est en fait une colonie d’hydrozoaires comportant un pneumatophore (le flotteur) et différents individus spécialisés appendus au premier, certains possédant de très longs tentacules (jusqu’à 30 m). Le venin est constitué d’enzymes, d’histamine, de prostaglandines et probablement d’autres toxines inconnues à ce jour. Il a aussi une forte activité hémolysante. Les piqûres les plus graves ont été rapportées avec les plus grosses Physalia physalis rencontrées en Atlantique. Certaines années, leur présence est signalée en France, à proximité des plages de Charente-Maritime.
Après contact, la douleur est immédiate et intense : le nageur fait des mouvements désordonnés et s’enroule dans les tentacules qui flottent à la surface de l’eau en pleine mer. Des lignes rouges avec des papules blanchâtres prurigineuses se forment et disparaissent en moins de 24 heures, laissant la place parfois à des zones de nécrose. Des lésions eczémateuses ou urticariennes sont possibles, et peuvent persister pendant plusieurs semaines ou mois.
Des signes généraux sont décrits (nausées vomissements, douleurs abdominales), mais toute la gravité repose sur le risque de détresse respiratoire avec laryngospasme et/ou de collapsus, pouvant aboutir à la noyade.
Les cuboméduses (box jellyfish), représentées notamment par Chironex fleckeri (guêpe de mer ou « sea wasp » des côtes australiennes), sont les plus dangereuses pour l’homme. Elles vivent généralement à proximité des plages ; transparentes, elles sont pratiquement invisibles dans l’eau. Leur venin contient des protéines surtout cardiotoxiques, parfois neuro- et néphrotoxiques. Plusieurs décès sont déplorés chaque année en Australie.
La douleur locale, immédiate et intense, est accompagnée d’une réaction inflammatoire allant d’un œdème à l’apparition de vésicules ou d’une véritable brûlure à type de lacérations cutanées entrecroisées, zébrures formant l’empreinte des tentacules (fig. 9), pouvant entraîner un syndrome des loges. En quelques minutes survient, non par réaction anaphylactique (qui peut également être présente) mais par action cardiotoxique, un collapsus cardiovasculaire aboutissant à une asystolie. Une apnée brutale et/ou un œdème aigu du poumon sont également possibles. En cas de survie, les lésions cutanées peuvent persister plusieurs mois, voire se réactiver spontanément sans nouvelle exposition et entraîner des séquelles : cicatrices hypertrophiques, hyperpigmentées, lipodystrophie localisée. Le plus souvent, les soins locaux (application de vinaigre ou jus de citron vert) et le traitement symptomatique assurant la ventilation sont suffisants.
En cas d’inconscience, d’arrêt cardiorespiratoire, de collapsus, de trouble du rythme ou d’hypoventilation, de douleur intense (malgré une analgésie parentérale) ou d’atteinte majeure et extensive de la peau, le sérum antivenimeux « CSL Box jellyfish antivenom » est indiqué (non disponible en France).

Anémones de mer, éponges et coraux

Les anémones de mer déclenchent, après contact avec leurs nématocystes, une éruption mi-urticariforme mi-eczématiforme, plus cuisante que prurigineuse, laissant volontiers une séquelle pigmentaire. L’application de dermocorticoïdes peut être bénéfique (fig. 10).
éponges et coraux peuvent occasionner des blessures qui cicatrisent difficilement. D’une part, la contamination des plaies par des germes hydriques est fréquente (Vibrios, Aeromonas, Pseudomonas, qui d’ailleurs peuvent surinfecter toute forme de blessure marine). D’autre part, de fines particules de corail (à base de calcaire et silice) irritantes, persistent et engendrent parfois un prurigo chronique, résistant aux dermocorticoïdes ; seule l’exérèse chirurgicale, en cas de lésion limitée, est efficace.
De plus, le contact avec certaines espèces – hydraire de feu, corail de feu ramifié, éponge de feu – est potentiellement allergisant.
Le traitement est symptomatique : désinfection, application éventuelle de vinaigre ou de jus de citron vert puis de dermocorticoïdes, prise d’antihistaminiques.

Oursins : des épines friables

Appartenant aux échinodermes (qui comprennent également les holothuries ou concombres de mer), ils sont souvent dangereux du fait de leurs épines acérées et cassantes.
En effet, ces dernières sont capables de s’enfoncer profondément dans la peau et même de migrer dans les tissus profonds, y compris au niveau des articulations (fig. 11). Leur extraction est difficile. La persistance de débris d’épines est responsable de granulomes, voire de suppurations bactériennes.
Sous les tropiques, certaines espèces sont équipées d’épines de grande taille, avec à leur extrémité un appareil venimeux : la piqûre induit ainsi une douleur extrême et parfois des signes neurologiques.

Cônes : gare au dard

Ce sont des gastéropodes de l’océan Indo-Pacifique, caractérisés par un appendice extensible muni de minuscules harpons servant à capturer de petits invertébrés marins. Ils sont considérés par les collectionneurs comme les plus beaux coquillages au monde.
Les plus gros, surtout piscivores, sont particulièrement dangereux pour l’homme car ils projettent leur dard à plusieurs centimètres de distance ; la piqûre entraîne un œdème local très douloureux, suivi rapidement d’une paralysie musculaire puis respiratoire par action curarisante, et d’une perte de conscience pouvant aboutir au décès par noyade, notamment chez l’enfant.
La lésion évolue vers la nécrose (fig. 12). La cicatrisation est particulièrement lente, notamment au pied, principal site concerné par la piqûre. Le venin est thermostable. Il n’y a pas de traitement spécifique et la prise en charge est uniquement symptomatique (chirurgie d’excision de la nécrose, antalgique, cicatrisation dirigée).

Poissons : attention à l’aiguillon

Les piqûres et envenimations par les vertébrés marins, très variées selon l’océan ou la mer fréquentés, sont volontiers méconnues, faute d’identification formelle de l’animal.
Rascasses ou poissons-scorpions sont souvent en cause. Ces poissons possèdent, au niveau des nageoires et des opercules, des aiguillons creux reliés à une glande à venin. Le sujet se blesse plutôt en retirant le poisson du filet ou de l’hameçon qu’en marchant sur ses épines dorsales redressées en défense. La douleur est immédiate, intense, irradiant dans tout le membre atteint. Un érythème et un œdème se forment rapidement. Les aiguilles acérées de la rascasse peuvent causer une plaie abondamment hémorragique. Les signes systémiques sont rares et aucun décès n’est rapporté.
Les vives sont responsables de la majorité des envenimations en France métropolitaine. Retrouvées surtout dans l’Atlantique Nord, elles sont enfouies dans le sable et ne laissent apparaître que le sommet de leur tête et leur première nageoire dorsale comprenant 5 à 7 épines dangereuses. Elles possèdent également un éperon operculaire bilatéral venimeux. Les piqûres sont très douloureuses et évoluent vers la nécrose locale (fig. 13). La prise en charge, simple, doit être immédiate : il faut créer un choc thermique qui a un effet antalgique et qui freinerait l’action du venin. On approche une source de chaleur à proximité de la piqûre durant 2 minutes (en évitant la brûlure évidemment) puis on applique de la glace.
La raie pastenague commune vit dans des fonds sableux, en Méditerranée et Atlantique (bassin d’Arcachon) jusqu’au bord des îles britanniques. Elle possède au-dessus de la queue un dard acéré à bords crénelés, véritable harpon capable de pénétrer profondément dans les tissus du baigneur qui, par mégarde, pose le pied sur elle. Il faut opérer car la membrane externe du dard persiste dans la plaie, favorisant la surinfection et l’évolution nécrotique de la blessure.
Certaines espèces tropicales ont une aiguillon dont le venin est cardio- et neurotoxique. La douleur est intense et nécessite une anesthésie locorégionale, l’analgésie morphinique étant le plus souvent insuffisante.
Les ptéroïs (« poisson de feu » ou « lionfish ») et les synancées (« poisson-pierre » ou « stonefish ») sont présents de la mer Rouge aux océans Indien et Pacifique, et notamment dans des zones à forte fréquentation touristique balnéaire. Ils sont venimeux par les épines situées au niveau de leurs nageoires. La douleur est intense, syncopale, croissante avec le temps. La zone de piqûre est ischémique, œdémateuse, dure, puis une nécrose extensive et durable apparaît (fig 14). Des signes généraux (collapsus, détresse respiratoire, convulsions) sont décrits, surtout après piqûre par un poisson-pierre, mais restent rares.
Le traitement classique consiste à exciser la zone envenimée, sans délai, après anesthésie locale (lidocaïne) et à assurer ensuite une cicatrisation dirigée. Cette attitude est toutefois discutée, et certains auteurs conseillent seulement de calmer la douleur (ce qui peut nécessiter des morphiniques ou une anesthésie locorégionale) et d’assurer ensuite une antisepsie adéquate. Un sérum antivenimeux (antivenom stonefish, Comonwealth Serum Laboratories, Melbourne, Australie) permet de limiter la douleur et l’extension de la nécrose, à condition d’être administré moins de 30 minutes après la piqûre.
Les murènes ont une toxicité salivaire, leur bouche armée de dents en crochet mordant tout intrus. Les complications sont surtout septiques ou hémorragiques (plaie parfois délabrante), la neurotoxine n’entraînant habituellement pas de signe systémique.

Serpents marins : paralysants…

Les hydrophydés se rencontrent du golfe Persique au nord de l’océan Indien jusqu’en Polynésie et au Japon. Seules quelques espèces sont agressives, et leurs crochets venimeux, implantés très en arrière de la bouche, elle-même fort étroite, rendent difficile et même exceptionnelle la morsure d’un être humain.
Fort heureusement, car leur venin est le plus toxique connu (de 2 à 10 fois plus puissant que celui du cobra) : il agit par blocage de la transmission neuromusculaire post-synaptique. La morsure elle-même est plutôt indolore, mais le blessé peut se noyer soit à cause des myalgies intenses avec contractures, soit en raison d’une paralysie ascendante. Le traitement repose sur la technique de pression-immobilisation en évitant la fameuse incision-succion qui n’a jamais fait ses preuves. L’identification du serpent est importante pour l’administration hospitalière d’antivenin spécifique monovalent ou polyvalent (si disponible), réduisant la mortalité de 50 % à 3 %. Il doit être injecté dans les 8 heures suivant la morsure.



Encadre

Comment prévenir les envenimations ?

Sous les tropiques, ne pas se baigner seul et ne pas marcher pieds nus sur les plages et au niveau des récifs.

Le port de chaussures adaptées protège contre les piqûres de poissons souvent invisibles, car enfoncés dans le fond marin, et aussi des coupures causées par les coraux.

Respecter les interdictions de baignade (alerte cuboméduses).

En cas de plongée sous-marine, fuir murènes et serpents.

Pour les pêcheurs : attention aux blessures lors qu’on détache le poisson du filet ; l’aiguillon des raies armées doit être immédiatement cassé, détruit et non jeté.

Références

1. Misery L. Aquadynie, prurit, urticaire et kératodermie palmo-plantaire aquagéniques. Nouv Dermatol 2011.

2. Morand A, Morand JJ. Pseudomonas aeruginosa en dermatologie. Ann Dermatol Venereol 2017;144:666-75.

3. Boyé T, Morand JJ, Calvet P, Fournier B, Guennoc B, Carsuzaa F. Dermatoses marines et dermatoses induites par l’eau. Nouv Dermatol 2006;25:494-7.

4. Morand JJ. Envenimations marines tropicales. Nouv Dermatol 2011;30:21-6.

5. Haddad V, Lupi O, Lonza JP, Tyring SK. Tropical dermatology: marine and aquatic dermatology J Am Acad Dermatol 2009;61:733-50.

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