Les phytodermatoses de contact sont plus fréquentes au cours de l’été pour des raisons qui tiennent à la fois à notre mode de vie (proximité avec la nature, exposition solaire, port de vêtements moins couvrants, recrudescence des activités champêtres et horticoles) et au cycle de vie des plantes (montée de la sève, synthèse accrue des composés réactogènes). Le médecin est essentiellement confronté en cette période estivale aux phytophotodermatoses. Elles sont le fait d’un contact avec des plantes qui synthétisent des substances photoréactives appelées furanocoumarines et d’une exposition solaire concomitante. L’humidité corporelle (transpiration) ou externe (pluie, rosée, baignade), en favorisant la pénétration cutanée des furanocoumarines, est le troisième facteur qui détermine la survenue ou non de ces réactions cutanées. Il s’agit d’une réaction phototoxique et non allergique susceptible de toucher toutes les personnes placées dans les mêmes conditions.
Les plantes le plus souvent en cause
Les plantes en cause appartiennent à trois familles botaniques : Apiacées, Rutacées, Moracées. La palme revient clairement dans notre pays à la berce commune (Heracleum sphondylium L. ; fig. 2) une apiacée omniprésente sur nos talus, en bordure des champs et le long des chemins. Avec cette plante, la dermite peut être explosive si le contact résulte d’un débroussaillage un peu sauvage à la Rambo (fig. 3) ou d’un contact franc et un tant soit peu prolongé (fig. 1), ou plus limitée s’il se produit dans le cadre d’un désherbage manuel inapproprié (fig. 4) ou d’une collecte à dessein de nourrir les lapins.
Le panais (Pastinaca sativa L. ; fig. 5) est aussi fréquemment incriminé mais beaucoup de cas lui sont abusivement attribués tant ceux qui prennent la berce pour du panais sont nombreux dans les campagnes – tous les patients ne sont pas des botanistes ! Le figuier seul peut lui disputer la vedette dans le Midi. Pour le persil, le céleri et l’angélique, ce sont les professionnels qui sont concernés car avec ces plantes il faut en général un contact prolongé ou répétitif pour occasionner une dermite.
On peut enfin citer les agrumes (plus particulièrement le citron) et la rue (Ruta graveolens L. ; fig. 6). Au rang des phytophotodermatoses anecdotiques, l’atteinte péribuccale du nourrisson nourri aux petits pots de panais maison1 a « ringardisé » la « margarita dermatitis »,2 fruit d’un contact avec les citrons lors de la préparation de cocktails.
Manifestations cliniques
Lésions érythémateuses et vésiculo-bulleuses figurées des zones de peau découvertes (bras, jambes, cou…) survenant brutalement moins de 24 heures après le contact et s’effaçant en quelques jours pour laisser place à une pigmentation maculeuse qui persiste souvent quelques mois.
L'installation des lésions s’accompagne de sensations de brûlure plus que de prurit.
Le diagnostic repose sur la survenue soudaine et en un seul temps de l’ensemble des lésions, le pattern figuré (fig. 7), prenant volontiers la forme d’un zébrage ou en « coup de fouet » – stries linéaires qui s’entrecroisent –, et l’évolution pigmentogène (fig. 8).
Prise en charge
S’agissant d’une éruption phototoxique et non allergique, les tests allergologiques n’ont pas leur place. Pour confirmer le diagnostic et éliminer d’autres pathologies inflammatoires, l’avis du dermatologue peut être utile, pour peu qu’il soit en position de voir le patient rapidement, mais l’intérêt thérapeutique restera limité dans la mesure où il n’y a aucun traitement susceptible de réduire et d’accélérer la résolution spontanée, lente mais heureusement complète, des lésions. L’ordonnance se limitera souvent à la prescription d’un antiseptique pour les lésions bulleuses ouvertes ou un antalgique si besoin.
Le rôle du médecin est essentiellement de rassurer le patient quant à l’évolution. Les lésions inflammatoires douloureuses disparaissent en quelques jours et les pigmentations secondaires « affichantes » finissent toujours par s’effacer complètement au bout de quelques mois. Mais au-delà de la prise en charge immédiate, c’est l’identification de la plante coupable qui importe : elle seule permet d’éviter la récidive sans jeter l’opprobre sur tout le monde végétal, en pointant du doigt les plantes dont la manipulation ou le contact inopiné justifient certaines précautions (peau indemne de toute humidité, vêtements suffisamment protecteurs, gants).
On pourrait aussi réduire considérablement la survenue de ces phytophotodermatoses par le report de certaines activités (débroussaillage, désherbage, collecte des plantes à risque…) à la fin de journée, à une heure où l’ensoleillement est moins intense et où les plantes sont moins imprégnées de pluie ou de rosée. Pour l’identification des plantes en cause il vaut mieux compter sur les outils informatiques dédiés (encadré) que sur un dermatologue pas toujours disponible en urgence et pas forcément féru de botanique.
L’enquête botanique facilitée par un site dédié à la connaissance et l’identification des plantes susceptibles d’induire des réactions cutanées.
Prenez votre casquette de détective et menez vous-même l’enquête pour identifier la plante coupable. Pour vous y aider, j’ai créé avec la collaboration d'un botaniste le Pr Yves Sell, un site internet (botaderma.com) qui intègre dans sa base de données les plantes le plus souvent en cause dans les dermites de contact et un moteur de recherche permettant de croiser tous les indices cliniques (aspect des lésions, intensité, disposition, topographie) et contextuels (zone géographique, biotope, ensoleillement, saison, type d’activité, exposition professionnelle) recueillis lors de sa consultation.
2. Mioduszewski M, Beecker J. Phytophotodermatitis from making sangria: a phototoxic reaction to lime and lemon juice.CMAJ 2015;187(10):756.