Au terme d’une grossesse particulièrement longue, les Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant ont accouché, le 24 mai dernier, d’une feuille de route interministérielle 2024 - 2030. Elle fait suite au rapport remis en juin 2023 par le Pr Christèle Gras-Le Guen et l’ancien secrétaire d’État à l’Enfance et aux Familles Adrien Taquet, après la triple épidémie de l’hiver 2022 révélant l’état inquiétant de la santé de l’enfant en France.1
Le ministre délégué à la Santé, Frédéric Valletoux, a ainsi annoncé seize grandes mesures déclinées en quatre axes : création d’un examen obligatoire à 6 ans, objectif de 100 % d’enfants dépistés en maternelle, accès direct aux orthophonistes (augmentation des professionnels formés de plus de 50 % en 2030), transformation de la santé scolaire, renforcement du rôle et des moyens de la PMI, tout comme du déploiement de la politique des 1 000 premiers jours, garantie d’un taux d’équipement en réanimation néonatale (cible de 1 lit pour 1 000 naissances dans chaque région [+ 4 %]), augmentation du nombre de places en formation de médecine pédiatrique d’ici à 2030, pour atteindre 600 places par an (+ 50 %)…2 La maquette de stage en santé de l’enfant des internes de médecine générale ne devrait pas être raccourcie à trois mois, comme initialement envisagé, ce qui avait provoqué la désapprobation des pédiatres et l’exacerbation des tensions avec le CNGE – qui s’est par ailleurs retiré des Assises.3 Ces stages pourront avoir lieu dans d’autres terrains que l’hôpital, ce qui paraît opportun.
À l’heure où les négociations conventionnelles aboutissent dans la douleur, que penser de ces annonces chiffrées dans un premier temps à 300 millions d’euros par an, coût qui devrait évoluer et dont une partie des enveloppes était déjà prévue ? Comment se positionner alors que de nombreuses propositions n’ont pas été retenues ? La santé des enfants va-t-elle s’en trouver vraiment améliorée ?
Réjouissons-nous d’abord de la dynamique créée. Le comité d’orientation, qui souhaite continuer à travailler au sein d’un comité de suivi et de propositions, salue, outre les mesures déjà citées, l’universitarisation de la formation des infirmières puéricultrices avec l’intégration de compétences en pratique avancée, la généralisation de « Santé protégée », l’augmentation du forfait hospitalier et la mise en place d’un registre des naissances et des décès.
Les déceptions sont néanmoins nombreuses : les changements d’envergure tant attendus pour la santé mentale des enfants ne sont ainsi pas au rendez-vous, l’offre de soins ne devrait pas être bouleversée alors qu’elle est parfois illisible et variable selon les territoires… et où est le choc d’attractivité ? Ces mesures vont-elles permettre de contenir l’hémorragie des professionnels ?
Si l’on prend l’exemple de l’annonce des changements structurels visant à renforcer la PMI, les modalités opérationnelles doivent être clarifiées, la double gouvernance locale et territoriale, probable bonne mesure, doit être animée avec agilité pour éviter la paralysie. Les objectifs et les indicateurs de suivi de qualité doivent être construits avec les acteurs de terrain, nombreux à le demander, dès le début, et non seulement avec les financeurs au risque d’en réduire l’efficience.
Comment construire une gradation des soins structurée sans une symbiose des généralistes et des pédiatres ? Comment dépasser les clivages ? La jeune génération peut-elle (veut-elle) y aider ?
Rêvons un peu d’un monde où s’assiéraient à la même table, réconciliés, les professionnels, nourris par un même élan, la santé publique, exaltés d’une même ambition : la santé de l’enfant ! Ce rapport doit continuer à vivre. Des mesures impossibles aujourd’hui deviendront réalistes demain à condition que tous s’en emparent. Ensemble.