Le gouvernement israélien a signalé des myocardites chez des hommes jeunes après administration du vaccin Pfizer, mais qu’en est-il en France selon dernier rapport de pharmacovigilance ? Quels sont les signes évocateurs de cette pathologie ?

 

Le signalement de myocardites chez des hommes jeunes en Israël après une deuxième dose du vaccin Comirnaty a amené les rapporteurs et le comité de l’Ansm à analyser de nouveau les données relatives aux cas de myocardites et myopéricardites recueillies par les CRPV en France depuis le début de la vaccination avec Comirnaty.

À ce jour, 5 cas ont été déclarés en France. Les données disponibles n’apportent pas, à ce stade, suffisamment d’éléments pour conclure sur un rôle du vaccin, mais constituent néanmoins un signal potentiel.
L’Ansm rappelle que ces effets indésirables ne remettent pas en cause le rapport bénéfice/risque du vaccin. Ils feront l’objet d’un suivi spécifique et seront partagés au niveau européen (selon ce même rapport, 1 nouveau cas de thrombose de localisation atypique a été rapporté après AstraZeneca, portant le total à 28 cas depuis le début de la vaccination, dont 8 décès).

 

Devant quels signes évoquer une myocardite ? Quelle prise en charge ?

Les myocardites peuvent être pauci-symptomatiques (douleurs thoraciques légères et/ou palpitations et modifications ECG transitoires), mais le tableau peut dans certains cas être dramatique avec choc cardiogénique ou troubles du rythme ventriculaire sévères imposant une hospitalisation.

La physiopathologie est complexe mais peut expliquer la diversité des scénarios cliniques rencontrés. Ainsi, on décrit une phase initiale d’agression myocardique (virale ou liée à un autre mécanisme). Lui succède (ou non) un phénomène d’auto-immunité dans le contexte d’une éventuelle prédisposition génétique.

La myocardite est soupçonnée s’il existe  ≥ 1 critère clinique et ≥ 1 critère paraclinique (v. ci-dessous), en l’absence de : maladie coronaire (sténose ≥ 50 % à l’angiographie) ; MCV préexistante connue ou causes extracardiaques qui pourraient expliquer le syndrome (maladie valvulaire, cardiopathie congénitale, hyperthyroïdie…).

La suspicion est plus élevée lorsque le nombre de critères augmente.

Si le patient est asymptomatique, il faut ≥ 2 critères.

Ces critères sont :

Cliniques

– douleur thoracique aiguë, péricardique ou pseudo-ischémique ;

– début (quelques jours jusqu’à 3 mois) ou aggravation d’une dyspnée au repos ou à l’effort et/ou fatigue ± signe d’insuffisance cardiaque gauche et/ou droite ;

– subaiguë/chronique (> 3 mois) ou aggravation d’une dyspnée au repos ou à l’effort et/ou fatigue ± signe d’insuffisance cardiaque gauche et/ou droite ;

– palpitations et/ou symptômes d’arythmie et/ou syncope inexpliqués et/ou mort cardiaque subite récupérée ;

– choc cardiogénique inexpliqué.

Paracliniques

– ECG/Holter/stress test : anomalies récentes à l’ECG 12 dérivations et/ou Holter et/ou test d’effort (l’un ou l’autre des éléments suivants) : BAV de degré I à III, ou bloc de branche, modifications du ST/onde T (sus-/sous-décalage du ST, inversion de l’onde T), arrêt sinusal, tachycardie ou fibrillation ventriculaire et asystolie, fibrillation auriculaire, diminution de l’amplitude de l’onde R, trouble de la conduction intraventriculaire (QRS élargi), ondes Q anormales, microvoltage, extrasystolie fréquente, tachycardie supraventriculaire ;

– marqueurs de myolyse : troponine T/troponine I élevée ;

– anomalies fonctionnelles et structurelles en imagerie (écho/angio/IRM) : anomalie récente, sans autre explication, de la structure et de la fonction ventriculaire gauche et/ou ventriculaire droite (y compris découverte fortuite chez des sujets apparemment asymptomatiques) : altération de la fonction systolique ou diastolique régionale ou globale ± dilatation ventriculaire ± augmentation de l’épaisseur de la paroi ± épanchement péricardique ± thrombus endocavitaire ;

– caractérisation tissulaire en IRM : œdème et/ou rehaussement tardif.

La prise en charge est complexe, fondée sur le bilan causal : elle comprend des traitements symptomatiques gradués selon la gravité (de la simple surveillance jusqu’à l’assistance circulatoire par ECMO en attente de récupération ou greffe/cœur artificiel d’emblée, prise en charge des arythmies, etc.) mais également selon l’évolution potentielle au cours du temps (risque de cardiomyopathie dilatée).

Les cardioprotecteurs (β-bloquants, bloqueurs du système rénine-angiotensine-aldostérone dont les IEC) doivent être instaurés sans retard en cas de dysfonction systolique ventriculaire gauche et/ou de troubles du rythme. Un traitement immunosuppresseur (corticoïdes, azathioprine, ciclosporine A) peut s’avérer nécessaire.

La reprise de l’activité physique et sportive après une myocardite aiguë est une question fréquente chez ces patients souvent jeunes. L’exercice est contre-indiqué pendant au moins 3 mois après l’épisode aigu, 6 mois en cas de signes de gravité initiaux (dysfonction VG et troubles du rythme). Une IRM de contrôle est systématique avant la reprise du sport.

Pour en savoir plus :

Trochu JN, Piriou N. Quand évoquer une myocardite ? Rev Prat Med Gen 2019;33(1029);748-50.