L’immunothérapie allergénique – qui vise à induire une tolérance aux pneumallergènes – a beaucoup évolué ces dernières années, avec des formes sublinguales plus maniables et mieux tolérées, et dont l’efficacité est bien prouvée. Les modalités d’administration ont été fixées par les récentes recos du groupe de travail Apsi de la SFA. L’essentiel pour le médecin traitant, pour bien orienter et répondre aux questions pratiques des patients.

La groupe de travail Apsi* de la Société française d’allergologie (SFA) a rédigé fin 2021 des recommandations sur la prescription et le suivi des patients sous immunothérapie allergénique (ITA), afin d’harmoniser les pratiques de prescription et d’information. Ces recos se fondent sur une synthèse des études cliniques et des guidelines internationales sur l’ITA respiratoire.

Quelles indications ?

Après la réalisation d’un bilan allergologique, des mesures d’éviction de l’allergène et un traitement médical adaptés à la situation s’imposent. Cependant, si ces mesures se révèlent insuffisantes, l’ITA est proposée dans la rhinite et la conjonctivite allergiques IgE-médiée. Elle a également sa place dans l’asthme allergique à condition que celui-ci soit stabilisé avec un traitement de fond adapté. Dans ce cas précis, une EFR est envisagée au préalable. Seule une allergie prouvée est une indication (tests cutanés et/ou sanguins positifs avec corrélation clinique) et non la phase de sensibilisation (fabrication d’IgE spécifiques sans signe clinique). En cas de multiallergies, la désensibilisation cible les allergènes les plus invalidants cliniquement. Attention : un eczéma atopique isolé n’est pas une indication.

*Apsi : allergènes préparés spécialement pour un seul individu. Ils sont autorisés selon l’article 4211-6 du Code de santé publique. Ils sont utilisés pour l’ITA.

Pour quels patients ?

L’ITA est destinée à tout patient allergique à partir de l’âge de 5 ans. Elle ne peut être débutée pendant la grossesse mais peut être continuée si elle a été initiée avant la conception. Chez la personne de plus de 65 ans, elle est proposée en l’absence de comorbidités et en fonction de différents critères comme l’observance, la sévérité des symptômes, etc.

Tous les allergènes ne sont pas concernés (en l’absence d’extraits disponibles pour certains). Ainsi, seuls les allergiques aux acariens, aux arbres – bouleau, cyprès, oléacés (olivier, frêne) – et aux pollens de graminées peuvent en bénéficier. Pour les manifestations liées au chat et à la moisissure Alternaria, l’indication est discutée au cas par cas. La désensibilisation au chien n’a pas fait la preuve de son efficacité.

Quel mode d’administration ?

La prescription initiale de l’ITA et le renouvellement du traitement sont rédigés par un médecin allergologue. Désormais, l’ITA aux pneumallergènes prend la forme de gouttes ou de comprimés (acariens : Acarizax ; pollens de graminées : Grazax et Oralair), à prendre par voie sublinguale.

En gouttes

La prescription et le protocole sont fournis au patient par l’allergologue. Les produits se présentent sous la forme de flacons contenant une solution liquide. Ils doivent être conservés au réfrigérateur.

Les gouttes sont administrées selon une progression de doses et de concentration (10 IR-300 IR) à domicile sur 9 à 12 jours. Ensuite, la dose d’entretien est maintenue toute l’année pendant 3 ans minimum pour les acariens.

Les gouttes sont gardées 2 minutes sous la langue, puis avalées. Si un inconfort gastrique s’installe, elles peuvent être recrachées après ces 2 minutes. Important : il ne faut pas ingérer d’aliment dans les 10 minutes qui suivent. Il n’est plus nécessaire d’être à jeun avant la prise.

Pour les pollens, le traitement est effectué pendant quelques mois dans l’année : débuté au moins 2 mois avant la présumée période de pollinisation, il est continué pendant celle-ci puis arrêté. Ce protocole est répété 3 à 4 ans d’affilée.

En comprimés

Le premier comprimé de traitement est systématiquement pris au cabinet de l’allergologue (en le faisant fondre sous la langue en 1 minute), pour qu’une surveillance de 30 minutes puisse être réalisée. De ce fait, l’ITA aux acariens sous cette forme requiert une consultation spécifique. Pour ce qui est des pollens, cette précaution est renouvelée chaque année à l’initiation du traitement.

Cette présentation n’est pas à garder au réfrigérateur mais à température ambiante. Elle correspond en général à la concentration maximale de 300 IR.

Les gouttes sont remboursées à 30 % par les mutuelles tandis que la forme en comprimés est remboursée à 15 % (mais attention, certaines mutuelles ne les prennent pas en charge).

Quelle efficacité ?

Dans la rhinite allergique, l’efficacité perdure entre 2 à 6 ans avec diminution des symptômes et de la consommation de médicaments. Les effets secondaires de l’immunothérapie sublinguale sont essentiellement locaux et peu fréquents. Leur incidence est estimée entre 0,33 et 1,8 % par administration. Quant aux réactions systémiques, le taux est encore plus bas : entre 0,007 % et 0,06 % (tableau).

Quelles contre-indications ?

CI relatives :

  • Un asthme instable (qu’il faudra stabiliser avant d’envisager l’immunothérapie).
  • Un traitement concomitant par bêtabloquants en comprimés ou gouttes oculaires.
  • Un avis d’experts allergologues doit être demandé pour les enfants de moins de 5 ans, en cas d’eczéma atopique sévère, d’antécédents coronariens, de maladie auto-immune en rémission, d’immunodéficience primaire ou secondaire en rémission.

CI absolues : immunodéficience sévères congénitales ou acquises, affections auto-immunes, néoplasies, troubles psychiatriques sévères.

Rôle du médecin traitant

Le médecin traitant peut motiver le patient dans le suivi car encore trop de personnes abandonnent le traitement en cours (on peut conseiller l’application Drago, v. encadré ci-dessous). Pour l’instauration de la désensibilisation aux pollens, qui est séquentielle, chaque année, le patient doit consulter l’allergologue en temps et en heure :

  • pour le pollen de cyprès : début de l’ITA sublinguale en octobre-novembre ;
  • pour le pollen de bouleau : début en janvier ;
  • pour les pollens de graminées : début en février-mars.

Le MG peut être également sollicité pour des questions pratiques. Il faut savoir que :

  • la dose peut être adaptée en fonction de l’apparition ou non de symptômes modérés. Il est possible de diminuer les doses plutôt de que d’arrêter brutalement les prises orales ;
  • en cas de grossesse, la désensibilisation peut être continuée si elle bien tolérée, mais jamais instaurée pendant la grossesse ;
  • en cas d’épigastralgies, demander au patient de garder la solution sous la langue 2 minutes puis de la recracher ;
  • en début de traitement, il est possible de prescrire des antihistaminiques ;
  • en cas de fièvre, d’infection ou de soins dentaires : arrêter l’ITA jusqu’à guérison (ou de cicatrisation en cas de soins dentaires). Si la période est < à 7 jours, reprendre le protocole à la même dose que précédemment. Si la durée de l’arrêt excède 7 jours, la dose d’ITA administrée est reprise selon le protocole de progression (à la dose successive, comme si l’infection n’avait pas eu lieu) ;
  • en cas d’effets secondaires modérés, diminuer la dose de moitié et reprendre la progression en restant à la dose qui convient au patient sans tenter d’atteindre la dose maximale.

Encadre

Drago : une application d’aide à l’observance de l’immunothérapie allergénique

L’application Drago a remporté le prix Pierre Simon au 14e Congrès européen de la Société française de santé digitale en octobre 2022. Créée par cinq allergologues, elle est disponible gratuitement sur les plateformes de téléchargement. Son but est de fournir une aide ludique au bon suivi de l’ITA. Le patient créé un avatar. Pendant la prise du traitement sublingual, il peut s’occuper avec les différents jeux proposés.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés