La majorité des patients atteints de maladie grave souhaitent décéder chez eux. Les soins palliatifs à domicile sont donc un véritable enjeu de santé publique et concernent l’ensemble des professionnels de santé, en coordination avec les différentes structures spécialisées. L’accompagnement du patient commence par le soulagement des symptômes d’inconfort et peut aller jusqu’à la mise en œuvre d’une sédation plus ou moins profonde.
La majorité des patients atteints de maladie grave expriment le souhait de pouvoir décéder à domicile. Ces situations sont parfois complexes pour le médecin traitant, garant principal d’une prise en charge de qualité. Le vieillissement de la population, l’allongement de la survie avec une ou plusieurs maladies graves rendent pourtant ces situations plus fréquentes.

Soins palliatifs à domicile, un enjeu de santé publique

Les soins palliatifs ont pour objectif d’aider à préserver la qualité de vie des patients atteints d’une maladie potentiellement mortelle, en équipe. Ils visent à la prévention et au soulagement de toute souffrance, physique, psychologique, existentielle ou spirituelle du patient, et au soutien des proches aidants.
La prise en charge palliative précoce améliore la qualité de vie mais également la durée de vie du patient,1 et le médecin traitant est d’une aide précieuse pour la compréhension de ses souhaits, la proposition de rédaction de directives anticipées, la recherche d’une personne de confiance, l’aide à la décision au cours d’une réflexion collégiale avec les autres acteurs qui entourent le patient, lorsque les traitements à visée curative paraissent disproportionnés.
Les soins palliatifs à domicile constituent donc un véritable enjeu de santé publique et concernent l’ensemble des professionnels de santé quel que soit leur lieu d’exercice.
Dans ce contexte, le 5e Plan national pour le développement des soins palliatifs 2021-2024 a pour objectif de garantir à tous les citoyens, sur l’ensemble du territoire et dans tous les lieux de vie, un accès aux soins palliatifs et à une prise en soins graduée, adaptée et de proximité. Il propose de s’appuyer largement sur les soins primaires, d’améliorer le maillage de l’offre, le soutien des professionnels et la coordination entre les acteurs autour d’un projet territorial de soins palliatifs de proximité (appui et expertise, formation, accès à l’hospitalisation, gestion de l’urgence palliative, soutien des aidants, suivi de deuil...).

Structures spécialisées dans la prise en charge palliative à domicile

L’organisation centrée autour du médecin généraliste mobilise en premier lieu les compétences intrinsèques de sa pratique et de son réseau professionnel habituel, mais la complexité de la situation peut nécessiter l’appui d’acteurs spécialisés à domicile (équipes mobiles de soins palliatifs [EMSP], dispositifs d’appui à la coordination de parcours complexes [DAC], hospitalisation à domicile [HAD], encadré 1) ou en hospitalisation : comment décider, construire une réponse graduée et sur qui s’appuyer ?
L’outil « Pallia 10 » (encadré 2) aide au repérage de la complexité des situations justifiant le recours à une équipe mobile de soins palliatifs ou, dans certaines régions, à un appui à la coordination (DAC), selon l’organisation régionale... Dans ces situations, l’équipe libérale « garde la main » et bénéficie de soutien (psychologues, assistants sociaux) et/ou de conseils thérapeutiques.
Lorsque les soins deviennent plus complexes, justifiant une hospitalisation, l’équipe libérale peut solliciter l’HAD, qui apporte son expertise sur la prise en charge des symptômes pénibles, l’accès à certains médicaments, un accompagnement psychosocial, le soutien technique aux équipes en place, en particulier sur le plan médical, une continuité de réponse 24 h/24, ou le renfort éventuel des professionnels habituels par ses équipes de soins, selon les localisations. C’est seulement si cet appui n’est pas possible, ou non souhaitable du fait de la complexité particulière du maintien à domicile, qu’un transfert dans un service disposant de compétences en soins palliatifs (lits identifiés de soins palliatifs [LISP], unité de soins palliatifs [USP], encadré 1) est organisé.
Ces trois niveaux de complexité (équipe libérale seule, appuyée par une EMSP/un DAC, ou par une équipe d’HAD/en hospitalisation complète [LISP/USP]) doivent permettre de répondre à la majorité des situations, offrant aux patients et à leur famille une réponse lisible, graduée et coordonnée, quel que soit le lieu de vie (domicile, établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes [EHPAD], foyer de vie).
Pour les résidents des établissements pour personnes âgées ou handicapées, dans les situations d’aggravation inéluctable, d’hospitalisations à répétition, le médecin traitant et/ou les équipes des établissements médico-sociaux peuvent solliciter l’HAD afin d’évaluer par anticipation les patients pour lesquels le maintien sur le lieu de vie sera privilégié en cas de nouvel épisode aigu (consensus des professionnels, du patient, de la famille). L’HAD, disposant d’une liste de « patients dormants », peut ainsi intervenir à tout moment sur appel de l’établissement et dans un délai court, évitant un transfert hospi­talier.

Soulager les symptômes d’inconfort

Dans de nombreuses situations, les symptômes d’inconfort les plus fréquents (la douleur n’est pas traitée ici) peuvent être prévenus ou soulagés par des mesures simples.2

Prévenir l’encombrement bronchique

L’encombrement terminal, les râles agoniques, sont souvent très mal vécus par les familles et difficiles à contrôler une fois installés. La première cause de l’encombrement bronchique est l’accumulation de liquides chez un patient cachectique, du fait de la dénutrition, de la protéolyse et des apports hydriques disproportionnés.
La limitation des apports hydri-­ques, la diminution des perfusions sont les mesures préventives les plus efficaces.3 Les aspirations trachéales entretiennent souvent l’hypersécrétion bronchique et sont réservées à quelques situations hors de contrôle. En cas d’échec des mesures de restriction hydrique, le traitement repose sur l’utilisation des antisécrétoires, la scopolamine injectable par voie sous-cutanée ou transdermique (Scopoderm TTS, ou butylbromure de scopolamine [Scoburen] dont les effets sédatifs centraux seraient moindres).

Rechercher la cause des nausées et vomissements

La recherche d’une cause plausible à des nausées et vomissements est importante et conditionne les molécules à utiliser : scopolamine, corticoïdes dans les symptômes d’origine centrale par exemple (hypertension intracrânienne, tumeurs ORL), anti­émétiques non prokinétiques dans les tableaux occlusifs, notamment dans les pathologies tumorales digestives (halopéridol, forme buvable ou sous-cutanée).
Le traitement du syndrome occlusif associe un traitement antalgique adapté (palier 3) et des antisécrétoires (inhibiteurs de la pompe à protons, butylbromure de scopolamine également antispasmodique, voire octréotide [Sandostatine]). La pose d’une sonde nasogastrique, voire d’une gastrostomie de décharge, peut être discutée dans certaines situations.4

Multiples solutions à l’inconfort respiratoire

La recherche d’une cause accessible à un traitement est utile (infection, pathologie de surcharge, compression, épanchement pleural). En cas de polypnée (fréquence respiratoire supérieure à 24 cycles/min), l’intérêt d’un antalgique de palier 3 à visée eupnéisante, à dose faible, est évalué, afin de diminuer l’inconfort. Un traitement anxiolytique par une benzodiazépine d’action courte peut être associé en cas de résultat insuffisant.
L’intérêt de l’oxygène, souvent perçu comme nécessaire par les soignants et les familles, doit être pesé, car il complexifie la prise en charge, et il est contre-indiqué si les patients fument (risque d’explosion). Si une oxygénothérapie est mise en place, son efficacité est évaluée par l’amélioration du confort subjectif du patient plutôt que par un saturomètre.

Soins fréquents de la bouche sèche

L’examen régulier de l’état endobuccal est primordial ; il recherche des atteintes curables (mycoses, saignements, lésions gingivales). La sensation de soif est directement liée à l’état buccal du patient (bouche humide), et non à la quantité d’hydratation administrée.
Des soins de bouche très fréquents, poursuivis par les aidants, grâce à des bâtonnets mousses humidifiés avec du bicarbonate de sodium, ou des bâtonnets glycérinés citronnés sont indispensables. Il est important d’éviter l’utilisation des onguents et crèmes à base de produits gras, inflammables en présence d’oxygène, et de leur préférer les gels hydriques (gel K-Y).
En cas de perte d’oralité, le traitement des symptômes d’inconfort est le plus souvent possible par voie transmuqueuse (formes gouttes) ou sous-cutanée.5

Quelle place pour la sédation par midazolam en ville ?

Dans les situations les plus complexes, et en particulier depuis la loi Clayes-Leonetti de 2016, les professionnels peuvent être sollicités par les patients ou leur famille, évoquant « le droit à la sédation profonde », possibilité évoquée plus fréquemment depuis la « crise Covid » coïncidant avec la mise à disposition du midazolam en ville en 2021.
En soins palliatifs, l’usage des benzo­diazépines est très fréquent, dans le but de contrôler l’anxiété et l’insomnie et/ou des symptômes pénibles, en complément des autres traitements utiles.
Dans les situations les plus complexes, en cas de perte d’oralité, lorsque les formes gouttes ne suffisent plus, il peut être nécessaire de recourir aux benzodiazépines injectables : le midazolam est la molécule recommandée.6,7,8
Cependant, l’indication du midazolam en ville est limitée à la sédation proportionnée et à la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès, et son usage nécessite impérativement l’appui d’une équipe spécialisée en soins palliatifs (EMSP ou HAD).6,9
La sédation proportionnée est indiquée en complément du traitement bien conduit des symptômes réfractaires insuffisamment contrôlés. Elle est le plus souvent transitoire et l’altération de la vigilance est variable. La sédation proportionnée est aussi utilisée pour la prise en charge urgente des symptômes à risque vital immédiat (hémorragie, dyspnée aiguë), dans le cadre de prescriptions anticipées personnalisées.
La sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès (SPCMJD) consiste à endormir de façon profonde et définitive un patient présentant des souffrances réfractaires du fait d’une maladie incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme (décès attendu dans les heures ou jours à venir) ou s’il demande l’arrêt de traitements de suppléance vitale (ventilation, par exemple). Dans tous les cas, une procédure collégiale est obligatoire avant la mise en œuvre d’une SPCMJD.6,9
L’usage du midazolam est préféré aux autres benzodiazépines du fait de sa maniabilité. Son usage nécessite le recours à un injecteur programmable, le médecin et l’équipe soignante devant être joignables 24 h/24.
Enfin, il ne faut pas méconnaître le risque d’échec en cas d’utilisation d’une benzodiazépine seule ; dans ce cas, l’usage de neuroleptiques associés est recommandé.6,9
Dans toutes ces circonstances, il est indispensable de s’appuyer sur une équipe ressource experte en soins palliatifs : EMSP ou HAD lorsqu’une continuité de réponse est requise.

Limites de la prise en charge à domicile

L’hospitalisation du patient, si elle s’avère nécessaire du fait de la complexité de la situation clinique, psychosociale, ou de l’épuisement des aidants, n’est pas synonyme d’échec du maintien à domicile et doit parfois être envisagée, voire planifiée.
Dans la plupart des situations, la « réussite » de l’accompagnement repose sur la bonne articulation des mesures, au bon moment, par des équipes coordonnées habituées à collaborer autour d’un maillage gradué de proximité ; il importe de le construire en dehors de l’urgence. 
Encadre

À qui puis-je demander de l’aide si la situation est complexe ?

Les dispositifs d’appui à la coordination de parcours complexes (DAC) apportent orientation, appui aux professionnels et aux aidants, et recensement des ressources locales.

Les équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP) ont des missions de conseil (stratégie thérapeutique, orientation, soutien psychosocial). Elles peuvent se déplacer à domicile.

L’hospitalisation à domicile (HAD) vient en appui des équipes du domicile si la complexité de la situation le justifie. Son intervention peut être temporaire (contrôle des symptômes aigus) ou permanente pour un accompagnement de fin de vie à domicile. Elle assure la continuité des soins 24 h/24.

Les lits identifiés de soins palliatifs (LISP) ou les unités de soins palliatifs (USP) sont indiqués lorsque la situation à domicile est trop complexe (symptômes réfractaires, épuisement des aidants...).

Encadre

Pallia 10

Disponible sur le site internet de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), Pallia 10 est un outil permettant de repérer le moment où l’appui d’une équipe spécialisée en soins palliatifs est utile. Simple d’usage, il repose sur 10 questions ; au-delà de 3 réponses positives, le recours à une équipe de soins palliatifs doit être envisagé (tableau).

https://www.sfap.org/rubrique/pallia-10

Références
1. Temel JS, Greer JA, Muzikansky A, Gallagher ER, Admane S, Jackson VA, et al. Early palliative care for patients with metastatic non-small-cell lung cancer. N Engl J Med 2010;363(8):733-42.
2. Barbaret C, Liatard-Pierrel K, Monier PA, Principales thérapeutiques en soins palliatifs, Sauramps Médical, 2020, 7e éd.
3. Vinay P, Belleau L, Dallaire M, Daneault S, Dequoy G, Gagnon L, et al. Soigner les râles terminaux. Médecine palliative - Soins de support - Accompagnement - Éthique 2010;9:148-56.
4. Laval G, Arvieux C, Villard ML, Mestrallet JP, Cardin N, Stefani L. L’occlusion intestinale maligne non résécable : à propos de 37 cas. Médecine palliative - Soins de support - Accompagnement - Éthique 2004;3(4):195-203.
5. Morisson S, Vassal P, Rochas B, Verborg JP, Vignes Guettet P, Villard ML. Médicaments administrables par voie sous-cutanée en soins palliatifs : revue de la littérature et recommandations. Médecine palliative - Soins de support - Accompagnement - Éthique 2012;11(1):39-49.
6. Comment mettre en œuvre une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès. Haute Autorité de santé, février 2020. https://vu.fr/pIxg
7. Antalgie des douleurs rebelles et pratiques sédatives chez l’adulte : prise en charge médicamenteuse en situations palliatives jusqu’en fin de vie, recommandations de bonnes pratiques. Haute Autorité de santé, février 2020. https://vu.fr/HlPb
8. Vademecum de l’utilisation du midazolam à visée sédative, SFAP, novembre 2021 https://vu.fr/URNl
9. Sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès en HAD : un kit pratique à destination des professionnels. FNEHAD. https://vu.fr/sByV

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Résumé

Les soins palliatifs à domicile constituent un véritable enjeu de santé publique et concernent l’ensemble des professionnels de santé quel que soit leur lieu d’exercice. La prise en charge palliative précoce améliore la qualité de vie mais également la durée de vie du patient , et le médecin traitant en est un acteur essentiel. L’offre de soins est graduée et adaptée à tous les lieux de vie (domicile, EHPAD, foyer…). Les symptômes d’inconfort (respiratoires, digestifs, psychologiques…) peuvent ainsi être efficacement traités et la sédation en fin de vie à domicile envisagée.